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Critique Ciné : Nymphomaniac - Volume 1, nymphe aux manies

Publié le 28 décembre 2013 par Delromainzika @cabreakingnews

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Nymphomaniac : Volume 1 // De Lars Von Trier. Avec Charlotte Gainsbourg, Stellan Skarsgard et Stacy Martin.


Tout d’abord, Nymphomaniac est sans aucun doute le meilleur film de Lars Von Trier depuis Le Direktor. Je n’avais pas réussi à entrer dans Melancholia ou encore Antichrist parmi ses précédentes oeuvres alors que j’ai pu trouver Nymphomaniac assez fascinant. Notamment car il ne cherche pas à parler de sexe de façon vulgaire. Il y a toujours une métaphore derrière toutes les scènes de sexe assez racoleuses. Oui, montrer de la pornographie à l’écran (fellation, pénétration, etc.) ce n’était pas nécessaire bien que cela participe à mon humble avis au côté assez cru du sujet. Ces derniers temps le sexe a été exploité dans pas mal de films que cela soit La Vie d’Adèle ou encore l’addiction au porno de Joseph Gordon Levitt dans Don Jon. Lars Von Trier nous plonge petit à petit dans une histoire que seul le spectateur peut décortiquer. Notamment car l’on se doute bien qu’il y a une part de vraie et une part de faux dans ce que le personnage de Charlotte Gainsbourg nous raconte. Les multiples parallèles (avec la pèche, la suite de Fibbonacci, Bach, etc.) donnent un certain standing au film.
La folle et poétique histoire du parcours érotique d'une femme, de sa naissance jusqu'à l'âge de 50 ans, racontée par le personnage principal, Joe, qui s'est auto-diagnostiquée nymphomane. Par une froide soirée d’hiver, le vieux et charmant célibataire Seligman découvre Joe dans une ruelle, rouée de coups. Après l'avoir ramenée chez lui, il soigne ses blessures et l’interroge sur sa vie. Seligman écoute intensément Joe lui raconter en huit chapitres successifs le récit de sa vie aux multiples ramifications et facettes, riche en associations et en incidents de parcours.
Ainsi, le côté vulgaire fini par devenir plus ou moins classe au travers de ces explications qui apparaitront fumantes pour certaines mais qui m’ont beaucoup plu. Nymphomaniac cherche donc à nous instruire. La partie suitée dans le présent (avec Stellan Skarsgard et Charlotte Gainsbourg) est une sorte de thérapie. Nous avons Joe qui raconte son histoire de son enfance et ses premiers émois sexuels à ce qui lui est arrivé le soir où Seligman l’a trouvé à terre dans la rue. Le talent de Lars Von Trier dans sa manière de raconter l’histoire et de jouer la thérapie Freudienne c’est d’utiliser tous les adages de la psychanalyse pour en faire quelque chose derrière. Joe va notamment revenir sur son complexe d’Oedipe (une relation très étrange avec son père où l’on a l’impression de voir une fille fascinée et amoureuse mais savant qu’elle ne pourra jamais aller plus loin, et une mère absente qu’elle n’aime pas). Joe va également nous ouvrir les portes de ses premiers émois de sa nymphomanie.
Au travers de Nymphomaniac, j’ai retrouvé un peu de Etudes sur l’hystérie, une oeuvre publiée par Freud et Breuer racontant leur histoire avec la patiente Anna O. Et si Anna c’était tout simplement Joe et Nymphomaniac une sorte de miroir de cette étude thérapeutique. En tout cas, plus Joe se confie et plus elle va nous en dire sur elle et sur sa vie, sur ses rencontres. Les détails sont de plus en plus importants (nous passons de scènes brèves de son enfance dans une salle de bain à de longues scènes avec son père perdant la tête). Nymphomaniac est un film complexe car même si tout n’est pas forcément vrai (en tout cas Joe entretient le doute face à Seligman « You think it’s better to believe or not ? »). En gros, Joe joue avec le spectateur. Traduite dans son adolescence par la jeune et brillante Stacy Martin (qui incarne ici son premier rôle au cinéma), Joe est un personnage alambiqué mais terriblement fascinant. Car mine de rien, ce qui part d’une discussion entre deux personnes va nous donner envie encore et encore d’en voir beaucoup plus.
Je dois avouer que nous couper Nymphomaniac en deux volumes est à la fois une bonne idée (éviter l’ennui dans la salle de cinéma - même si ce premier volume ne m’a pas ennuyé du tout -) et une terrible idée puisque l’attente s’apparentera à une sorte de torture. C’est un comme cet homme dans le train qui s’est retenu alors que finalement il avait envie de tout balancer. Il y a une constante dans cette premier partie et c’est le personnage de Jérôme. Incarné par un Shia LaBeouf (Transformers) plus adulte et plus mature, nous avons certainement la première transcription du fantasme. Joe a beau être une femme adorant le sexe, elle s’est rendu compte au fil de sa vie qu’elle est finalement malheureuse car seule. Du coup, Nymphomaniac cherche à creuser un peu plus tout cela et notamment au travers de ce personnage ambigu dont on sait à la fois peu et énormément de choses. Mais il participe également à la fascination du spectateur pour le personnage de Joe. Il la rend presque différente.
L’une des meilleures scènes du film est celle où apparait Uma Thurman. En Mrs. H elle était tout simplement brillante. C’est rare de voir l’actrice aussi bonne, à fleur de peau. Habituellement elle a des rôles légèrement plus superficiels. Ce n’est pas un reproche mais c’est comme Christian Slater incarnant le père de Joe. Ce dernier n’a pas l’habitude des rôles de ce genre là. Lars Von Trier met en lumière le meilleur de tous ces acteurs que l’on a l’habitude de voir dans des films de seconde zone. Pour en revenir à ma comparaison avec la psychanalyse, ce qui me fait également dire ça c’est la mise en scène du présent. En effet, Joe est assise voire allongée par moment sur un lit et Seligman est là à la regarder et à écouter ce qu’elle raconte. Cela ne veut pas pour autant dire qu’il est passif dans l’histoire puisqu’il est là pour apporter une certaine science. Notamment ce moment où il parle de délirium (est-ce la traduction par Lars Von Trier de l’hystérie ?). Il y a un autre parallèle qui m’interpelle dans le film est c’est celui avec ce cantique de Bach.
Bach a composé un cantique pour la Chandeleur qui s’appelle Mit Fried une Freudh ich fahr dahir. Et au fond ce n’est pas peu juste de comparer la musique avec la psychanalyse puisque cela fonctionne à la perfection également. Plus je parle de Nymphomaniac plus je me rend compte à quel point j’ai été loin dans ma lecture de ce film. Je ne sais même pas si ma lecture est juste (la réponse sera surement donnée dans le second volume) mais les 5 chapitres présentés (puisque c’est de la sorte qu’est fait le découpage de l’histoire que raconte Joe) sont fascinants. Ils sont tous différents. Lars Von Trier s’est assuré que l’on puisse les reconnaitre parmi les autres.
Note : 10/10. En bref, une brillante première partie.


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