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Emprunts toxiques : ils ont joué, perdu… et nous allons tous payer !

Publié le 31 décembre 2013 par Copeau @Contrepoints
Actualité

Emprunts toxiques : ils ont joué, perdu… et nous allons tous payer !

Publié Par Florent Belon, le 31 décembre 2013 dans Politique

Illustration d’un système assurant l’impunité aux plus mauvais.

Par Florent Bélon.

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La loi de finances pour 2014 publiée le 30 décembre 2013 prévoit en son article 92 la création d’un fond alimenté de 100 millions d’euros par an pendant 15 ans afin de prendre en charge les pertes liés aux emprunts toxiques souscrits par les collectivités locales. Un article de h16 le relatait alors que la loi était en cours de discussion.

Ces « emprunts toxiques » sont des prêts dont le taux initial était très faible lors la souscription – c’est-à-dire à l’inscription au budget – mais qui peuvent voir leur coût atteindre plusieurs dizaines de % par an si des seuils liés – par exemple aux devises – sont dépassés (Euro contre Franc Suisse, Euro contre Yen, etc.). Pour une explication illustrée de ce mécanisme, vous pouvez vous reporter à un autre article de h16.

De nombreuses collectivités locales ont souscrit des emprunts de ce type. Leurs élus n’ont pas craint de prendre des paris insensés sur des périodes dépassant 20 ans. Ils étaient soit dénués de bon sens et entourés d’incompétents souvent recrutés par leur soin, soit ils avaient le secret espoir que si un problème surgissait ils auraient déjà quitté les affaires. Ils avaient peut-être également l’intuition que jamais l’article XV de la Déclaration des Droits de l’Homme «  La Société a le droit de demander compte à tout Agent public de son administration » ne serait invoqué à leur encontre.

A l’automne 2008, j’avais alerté élus et médias au sujet des montants d’emprunts toxiques souscrits par la Ville de Clermont-Ferrand. Depuis, celle-ci a confirmé les estimations établies mais n’a aucunement sécurisé sa dette. On peut relever dans l’annexe du budget 2014 de la ville plus de 40 millions d’euros d’encours à risques dont un emprunt de 13 millions d’euros au taux actuel de 14 % ! Cette gestion est plus proche de celle d’un Kerviel malchanceux que de celle d’un bon père de famille telle que celle que l’on l’attend d’un élu.

 Des élus irresponsables

Les élus en cause auraient pu réagir en individus responsables. Sans espérer un légitime mea culpa, la moindre des choses aurait été qu’ils limitent le nombre de pots qu’ils ont cassés en sécurisant la dette et assument leurs fautes par la présentation de la mauvaise situation financière de leur collectivité et en s’obligeant à pratiquer une baisse des dépenses (les hausses d’impôts ayant déjà été utilisées inutilement et plus que de raison) ; en toute transparence l’électeur aurait pu les sanctionner pour leur administration voire les féliciter pour leur honnêteté.

Au contraire, ces élus camouflent la réalité, nient toute responsabilité et tentent de faire payer la note par d’autres que leurs propres électeurs en mutualisant les dérives locales et leurs fautes personnelles sur l’ensemble des contribuables nationaux.

Emprunts toxiques : ils ont joué, perdu… et nous allons tous payer !

À leur demande le gouvernement valide une nouvelle fois une des plus célèbres définitions de Frédéric Bastiat :

« L’État, c’est la grande fiction à travers laquelle tout le monde s’efforce de vivre aux dépens de tout le monde. »

L’article 92

Par l’article 92 de la loi de finances 2014, tous les contribuables de France paieront pendant 15 ans (au moins) les erreurs d’élus locaux, tels les élus clermontois, qu’ils ne peuvent pas sanctionner démocratiquement.

Il est à relever que les dispositions relatives à ce fonds n’ont pas été censurées par le Conseil Constitutionnel. Seules celles relatives à la validation a posteriori des emprunts entachés d’un formalisme défaillant afin que Dexia ne subisse pas des pertes supplémentaires à celles abyssales déjà constatées ont été censurées.

Cet article 92 n’est pas un acte de solidarité tels ceux nécessaires face à des catastrophes naturelles mais une action corporative permettant à des élus de toutes tendances d’échapper à leurs responsabilités, au résultat de décisions prises par incompétence ou désintérêt du bien à long terme de leur collectivité.

Un système collectiviste

Les élus locaux disposent de compétences très étendues leur permettant de s’adonner à toutes leurs lubies clientélistes, planistes et propagandistes. Mais ce qui enlève toute retenue à leur incurie, ce sont leurs ressources par trop déconnectées de la fiscalité locale.

En effet, près de la moitié des contribuables sont exonérés ou bénéficient d’un abattement de taxe d’habitation, alors prise en charge par l’État qui le finance par les impôts nationaux, et le reste de leurs ressources sont des dotations de l’État également financées par l’impôt national.

Par conséquent, le coût ressenti par l’électeur est très faible par rapport au coût réel de sa collectivité, le système de prix si indispensable est faussé. Il ne peut alors faire un choix éclairé et la tragédie des biens communs se répète.

L’excellent livre Dépasser la démocratie propose un moindre mal associant démocratie de proximité et respect des libertés individuelles. Il s’agit de collectivités d’une dimension réduite assurant une saine concurrence entre ces entités. La taille réduite et leur relative autonomie, notamment financière et fiscale, évitent également la diffusion et la mutualisation des responsabilités politiques.

L’électeur est alors responsabilisé car il subit les effets de la politique menée par ses élus. Ce qui responsabilise l’élu qui n’échappera pas à son bilan. Le principe du lien entre impôt et vote est un fondement du libéralisme politique classique (no taxation without representation). Et si les élus veulent asservir une importante et prospère minorité au profit d’une majorité électorale, la concurrence entre collectivités mettra fin en quelques instants à leur tentative.

Vous l’aurez compris, la description est proche des cantons suisses… et bien éloignée de la France dont la décentralisation est un drame, ou de l’Europe qui s’éloigne toujours plus de l’espace de liberté rêvé pour adopter tous les codes du Leviathan.

Encore un signe

L’article 92 de la loi de finances pour 2014 est un très mauvais signal envoyé à tous les élus qui se voient ainsi confirmer qu’ils ne seront jamais rattrapés par leur gestion calamiteuse, ni juridiquement, ni électoralement. C’est l’aléa moral assuré du politique.

De facto, l’article XV de la Déclaration des Droits de l’Homme, relique d’un Droit respectueux de l’individu, est une nouvelle fois bafoué ouvertement.

On ne peut que dénoncer cette forfaiture consistant à faire subir à tous ceux qui acquittent un impôt le poids de décisions prises par quelques élus irresponsables ou incompétents et à porter atteinte au socle fondateur des vestiges de l’État de Droit.

Notre État moderne n’a plus de chaîne, si ce n’est les rubans dont il se pare et qui rassurent les Peter Keating contemporains.

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