Magazine Bd

La sélection de la semaine : L’intégrale Capitaine Albator, Canon graphique 3, Les héros de BD chez le psy, Mattéo, Trolls de Troy, Coeurs à coeurs 2, Pères indignes, Artères souterraines et La capitaliste rhénane

Par Casedepart @_NicolasAlbert

Pour commencer, l’équipe de Case Départ vous souhaite une bonne année 2014 et surtout de bons moments de lecture de bandes dessinées.

Pour cette première semaine de l’année 2014, Case Départ vous ouvre sa bibliothèque avec de très bons albums. Parmi ces dernières nouveautés, il y a pour vous quelques petites merveilles : Une très belle intégrale du manga culte de Matsumoto : Albator le pirate de l’espace, le troisième volume de Canon graphique : les classiques de la littérature mondiale en bande dessinée, Les héros de BD chez le psy : un regard nouveau sur les personnages du 9e art, la troisième époque de la série Mattéo : les premières vacances de 1936, une nouvelle aventure humoristique de Trolls de Troy : La trolle impromptue, le deuxième volet du manga  Cœurs à cœurs, la saga familiale Pères indignes, un polar de Warren Ellis : Artères souterraines et un album pour adultes : La capitaliste rhénane. Bonnes lectures !

Albator enfin en intégrale !

capitaine albator
Les quadragénaires et les trentenaires vont être ravis ! Kana publie l’intégrale de Capitaine Albator, le pirate de l’espace. Les fans de la série animée, datant de 1978, retrouveront sous cette forme (un manga de plus de 1000 pages) les cinq mangas publiés par le même éditeur en 2002. Cette réédition coïncide avec la sortie en salle du film éponyme le 25 décembre dernier. Leiji Matsumoto a dessiné cette histoire entre 1977 et 1979 au Japon et qui restera inachevée.

2977. Japon. Une immense sphère noire s’élance vers la Terre. Insensible aux ondes énergétiques qui pourrait la faire dévier de sa trajectoire, elle s’écrase près de Tokyo, détruisant une grosse partie de la ville. En pleine nuit, le grand scientifique Daiba vient réveiller le Premier Ministre pour l’alerter du danger de cet objet inconnu. L’homme politique pense que c’est une secousse sismique comme il y en a beaucoup dans l’archipel.

L’immense boule noire fait 2 km de diamètre et sur l’extérieur on peut y observer d’étranges hiéroglyphes. Le premier ministre congédie sommairement l’homme de science, préférant s’occuper de son parcours de golf de l’après-midi.

Dépité par le peu de considération que lui a offert le gouvernant, il rentre dans son laboratoire pour poursuivre ses recherches sur l’OVNI avec son jeune fils Tadashi. Mais il manque un pièce de matériel pour comprendre sa trajectoire. Le père décide alors de se rendre à Mondio-Lab pour y acquérir celui-ci. A l’intérieur de l’immeuble, une femme étrange le tient en joue. Alors que son fils arrive en courant, la femme voilée tue le scientifique et commence à s’approcher de l’enfant. Tout à coup, un bruit de pistolet laser fend le silence pour achever la créature qui se consume comme du papier à cigarette. Un homme se tient dans l’encadrement de la porte, cet homme mystérieux, c’est Albator, le capitaine corsaire.

Il aime d’ailleurs à se définir ainsi : « J’erre parmi les étoiles. Les gens m’appellent le Capitaine Albator, arborant le drapeau noir, je parcours une mer sans lendemain, et vis en homme libre sous ma bannière : la bannière de la liberté ! »

Il apprend au jeune garçon que cette créature est une des sylvidres, femmes issues de plantes, qui envisagent de conquérir la Terre entière. Il lui propose alors de le rejoindre sur le spatio-port. Depuis que la sphère s’est écrasée, le ciel s’est obscurci et une brume persistante englobe toute la capitale. Malgré la peur,  Tadashi se rend au rendez-vous du pirate de l’espace.

Albator attaque un spatio-cargo gouvernemental pour voler la marchandise mais laisse toujours la vie sauve à l’équipage. De nouveau, le Premier Ministre est réveillé en sursaut par l’annonce de l’attaque. Pour comprendre les plans du corsaire, l’homme politique convoque Tadashi Daiba. Il demande à l’enfant de lui servir de taupe sur l’Arcadia, le navire pirate. Mais il ne refuse la proposition et est jeter en cellule. Dans la prison, il fait la connaissance de Yattaran, le fidèle lieutenant d’Albator, lui aussi enfermé. Pour les délivrer, la capitaine envoie Kei Yûki, la jeune femme corsaire de l’espace. Ils s’enfuient très facilement et croisent alors deux sylvidres venues chercher le fils du savant. Les deux pirates se débarrassent des créatures et embarquent sur leur vaisseau, destination l’Arcadia.

A bord, le capitaine-corsaire lui propose de rester et de devenir l’un des membres de l’équipage. L’enfant croise alors deux personnages pour le moins singuliers : le docteur Zéro et Miimé, une créature extra-terrestre et qui ne se nourrit que d’alcool. Comme peut le dire le médecin : « Tous les rêves que l’humanité a perdu sont à bord de ce vaisseau ». Et pourtant Tadashi décide de retourner sur Terre. Avant de partir, Albator lui donne un pendentif-émetteur, qui lui permettra d’appeler le capitaine-corsaire et voir arriver l’Arcadia pour venir le chercher.

A peine arrivé, le jeune garçon est invité par le Premier Ministre à la conférence donnée par le professeur Kusuko qui a réussi à déchiffrer le message gravé sur la sphère :« Cette planète est la seconde patrie des toutes-puissantes sylvidres ». Il indiquera par la même occasion que la Terre est menacée par l’invasion des créatures. Dans le même temps, Tadashi fait la connaissance de l’assistante de ministre, Shizuka Namino. A la fin de l’exposé, le professeur est à son tour assassiné par une sylvidre. En colère, le garçon décide d’appuyer sur l’émetteur et donc de rejoindre l’équipage de l’Arcadia.

Après les instructions données par Albator, Tadashi monte à bord et commence à découvrir les membres de l’équipage ainsi que leur vie quotidienne. Etonné, il voit des hommes souvent ivres, peu impliqués dans les combats ou les taches domestiques. Il retrouve Yattaran, fan de maquette et qui ne combat que lorsque l’on lui demande. Il croise aussi la vieille cuisinière un peu fofolle Masu, l’immense oiseau noir du capitaine-corsaire ou encore le chat du docteur. Dans sa cabine, il découvre alors Shizuka Namino, l’attachée parlementaire du ministre, montée à bord clandestinement.

Les éditions Kana ont visé juste ! Publier une intégrale des 5 tomes déjà parus en 2002 et pour seulement 25€ ! L’intégrale Capitaine Albator le pirate de l’espace qui compte 1088 pages ravira les fans du dessin animé diffusé sur Antenne 2 à l’époque. Les premiers pas d’Albator de Leiji Matsumoto intitulé en version originale Harlock est crée en 1969 dans le fanzine Dai-kaizoku Harlock. Au fil des années, il va s’affiner pour prendre sa forme définitive à partir de 1977. Dans une interview, l’auteur expliquera qu’il s’est inspiré du grand samouraï Musashi Miyamoto pour créer le capitaine-corsaire. Le récit n’est plus à expliquer tellement il est connu par un grand nombre de personnes et qu’il fut adapté en anime. Les personnages sont très intéressants et leurs contours bien définis : ils représentent l’axe du bien (des résistants) contre les forces du mal, les sylvidres, issues des plantes. Le célèbre corsaire à la balafre est à la fois mystérieux, courageux mais très touchant et attachant. Tadashi représente lui la filiation avec son père, l’illustre scientifique. Les femmes comme les sylvidres, Kei, Miimé ou Shizuka sont magnifiquement dessinées par Matsumoto. Il utilise aussi à merveille le contraste entre le clair et l’obscure, les masses blanches et noires. Son trait en noir et blanc est donc très lisible et extrêmement agréable. Cependant, certains lecteurs seront un peu déçus parce que ce manga est inachevé. En effet, à l’époque, en 1979, le dessin animé prenait beaucoup de temps au mangaka, qu’une fin était plus ou moins visible dans la série animée et qu’il ne voyait pas l’utilité de terminer son manga en cours d’édition.

A noter que Matsumoto continuera de créer après son chef-d’œuvre Albator : il adaptera l’opéra de Wagner, L’anneau du Nibelung, en 1992, premier manga publié sur internet, mais aussi Galaxy Express 999 en 1996 et qu’il mettra son talent au service du groupe français Daft Punk pour illustrer leur vidéo-clip Interstella par une œuvre spéciale (réalisation de Takenouchi et la Toei) en 2003.

Une belle intégrale à petit prix d’un chef-d’œuvre du mangaka Matsumoto, pourquoi s’en priver !  Case Départ vous le recommande vivement !

  • Capitaine Albator, le pirate de l’espace, l’intégrale
  • Auteur : Leiji Matsumoto
  • Editeur: Kana, collection Sensei
  • Prix: 25€
  • Sortie: 6 décembre 2013

Canon graphique :

passerelle entre littérature et bande dessinée

canon graphique
Les éditions Télémaque publient le volume 3 de Le canon graphique. Un pari insensé et un peu fou de Russ Kick. Ce colossal travail de 1500 pages sur 3 ouvrages est l’œuvre de l’auteur américain qui a décidé de regrouper plus de 150 artistes du 9e Art pour illustrer les classiques de la littérature mondiale en bande dessinée. Une aventure éditoriale singulière et passionnante.

Le lien entre littérature et bande dessinée est de plus en plus fort. Des écrivains se lancent dans le monde du 9e art en créant des scénarii originaux ou en adaptant leur propres œuvres, des dessinateurs se réapproprient des romans connus (L’étranger par Ferrandez) ou des maisons d’édition BD créent même des labels littéraires : Gallimard (label Fétiche), Casterman (label Rivages Noirs), Soleil (label Noctambule) ou Delcourt (label Ex-libris).

Pour ce troisième tome, à travers 546 pages, plus de soixante-dix écrits connus du 20e siècle sont adaptés par des auteurs internationaux et plus principalement américains. Chaque œuvre est précédée d’une courte présentation contextuelle instructive, pertinente et souvent pleine d’humour.

De Au cœur des ténèbres, de Joseph Conrad et illustré par Matt Kish à Infinite jest de David Foster Wallace mis en images par Benjamin Birdie, en passant par L’éveil de Kate Chopin par Rebecca Migdal, ou bien encore Le magicien d’Oz de Lyman Frank Baum mis en images par Graham Rawle, Réginal de Saki illustré par Sonia Leong, Arabie de James Joyce adapté par Annie Mok, The hill de William Faulkner par Kate Glasheen, Gatsby le magnifique de l’auteur Francis Scott Fitzgerald adapté par Tara Seibel ou bien encore Robert Crum illustrant La nausée de Jean-Paul Sartre.

Sous-titré : De L’étranger à La métamorphose en passant par Lolita (20e siècle), ce travail de titan de Russ Kick manquait au 9e art. Cette magnifique passerelle entre la bande dessinée et la littérature est judicieuse et admirable. Les différents styles graphiques des auteurs invités se marient très bien avec ces textes célèbres. Il y a là de véritables réussites comme Crumb illustrant Sartre, Peter Kuper illustrant Kafka, Graham Rawle pour Le magicien d’Oz, Wells mis en images par Cole Johnson, TS Eliot par Anthony Ventura, Dulce et decorum est  illustré par John Blake, Himingway par Steve Rolston, Liesbeth De Stercke mettant en images Les raisins de la colère. A noté que 3 belles illustrations de Bilal représentant Camus, Orwell et Tennessee Williams terminent en beauté l’ouvrage.

Ce titanesque travail de Russ Kick, Canon graphique fut d’abord publié par la maison d’édition américaine Seven Stories Press depuis 2012. Les textes de présentation de l’auteur américain bien écrits et documentés, sont truffés d’anecdotes souvent amusantes et mettent bien en perspective historique les œuvres illustrées. Ces petits instants  donnent envie de lire les romans originaux ou aller admirer les ouvrages des auteurs de bande dessinée. Les styles graphiques pourtant si variés réussissent à donner une belle unité à ce volume. Le résultat qui met en lumière des grands romans est bluffant et instructif. Les 3 volumes sont indispensables dans toutes les bibliothèques des passionnés de BD ou de romans classiques. Admirable !

  • Canon graphique, volume 3 : De L’étranger à La métamorphe, en passant par Lolita (20e siècle)
  • Auteur : Russ Kick
  • Editeur: Télémaque
  • Prix: 39€
  • Sortie: 18 novembre 2013

Les héros de bande dessinée sur le divan

les héros bd chez le psy
Olivier Grojnowki se mue en psychologue pour nos héros illustrés de notre enfance. Tel Sigmund Freud, il allonge sur le divan les personnages principaux du 9e art avec une drôlerie mais aussi de la douceur et de la tendresse. Intitulé Les héros de la BD chez le psy, il passe à la moulinette 25 d’entre-eux dans des portraits décalés.

Accompagnés d’une ou plusieurs illustrations, chaque personnage est décrit dans un texte narratif explicatif, qui met en lumière une ou plusieurs hypothèses concernant les moindres faits et gestes de nos héros de bande dessinée. Utilisant les grands concepts théoriques d’une des sciences humaines la plus répandues, la psychologie, Olivier Grojnowki livre tous leurs secrets.

Au sommaire, le lecteur retrouve : Little Némo : Little ego au pays des rêves : sortir du réel pour entrer dans le vrai, Bécassine : curée sur la bonne, Les pieds nickelés : Les pieds niqués prennent leur pied, Mickey : Et Dieu dans tout ça ?, Tintin : Le secret du secret de la licorne, Popeye et Olive : Guerre des  sexes, 1-0 à la mi-temps, Betty Boop : L’oscar de la potiche, Les Dupondt : Je dirais même plus : nous sommes deux idiots, Superman : Le Supère Homme, Spirou : Le plus que parfait désincarné, Batman : La vie est dure et après on meurt, Tournesol : Un savant nommé Soleil, Lucky Luke, L’homme qui châtre plus vite que son ombre, Blake et Mortimer : Six feet under (« Damned »), Picsou : Beaucoup de brutalité dans un monde de brutes, Charlie Brown : Un loser au pays des winners, Astro Boy : Mythe cathartique ou promesse de fin du monde ?, Gaston Lagaffe : Le droit à la paresse, Boule et Bill : La mélodie du bonheur est-elle hallucinogène ?, Astérix : La face casher des Gaulois, Mon Beauf : Le con que vous adorez détester, La Schtroumpfette : Cherchez la femme, Corto Maltese : Dandy de grand chemin, L’Agent 212 : L’empêcheur de détourner en rond et Titeuf : Le zizi sexuel expliqué à ma fille.

Donc sous forme d’enquête, Grojnowski aborde différentes questions comme le traumatisme primitif du créateur de Blake et Mortimer, Jacobs, le mécanisme des « oublis » de noms propres avec l’invention du mot « schtroumpf » ou encore le délire de surinterprétation mystique avec ce fait incroyable mais vrai : pourquoi diable le visage de Mickey Mouse apparaît-il donc dans les vues aériennes des jardins du château de Versailles ? D’autres questions tout aussi étonnantes sont soulevées : Hergé croyait-il réellement être le descendant du roi des Belges Léopold II ? Si oui, comment cela a-t-il interféré dans les aventures de Tintin ? Astérix est-il juif ? Bécassine est-elle victime du complexe de l’immigré ?

Des questions qui peuvent sembler saugrenues et tirées par les cheveux mais les réponses sont toutes aussi décalées et vont surprendre n’importe lequel d’entre vous. Même si elles se fondent sur des analyses sérieuses, à aucun moment, l’auteur nous les livre comme des vérités mais plutôt comme des hypothèses et des pistes pour mieux comprendre le processus créatif de leurs différents auteurs. Très documentés, les récits distrayants et très pertinents sont amusants et font la part belle à l’auto-dérision. Un vrai travail de recherches sur les séries mais aussi sur la psychanalyse, dans un savoureux mélange de sérieux scientifique et d’humour feutré. Et pourtant l’ouvrage est facile d’approche, pas si pédago que cela même pour ceux qui n’ont jamais fait d’études de psychologie. Après la lecture de ce livre, le lecteur ne relira plus ces séries de la même manière et ne verra plus les héros du même œil. Les héros de bd chez le psy est un album singulier mais très utile que Case Départ vous recommande.

  • Les héros de BD chez le psy
  • Auteur : Olivier Grojnowki
  • Editeur: Bréal
  • Prix: 18€
  • Sortie: 15 novembre 2013

Le temps des premiers congés payés

mattéo
Jean-Pierre Gibrat est un auteur pour lequel on attend toujours avec impatience le nouvel album. Il nous livre la Troisième époque (août 1936) de sa série historique Mattéo. Le jeune homme, de retour à Paris, retrouve ses deux amis et décident ensemble de partir à Collioure pour leurs premiers congés payés.

Après s’être rendu aux gendarmes à son retour de Russie en 1918 en tant que déserteur, Mattéo est envoyé au bagne de Cayenne pour y purger une peine de 20 ans de travaux forcés. Amnistié en 1929 comme la moitié des derniers condamnés de la Grande Guerre, il revient sur Paris. Il travaille comme tailleur de pierres et retrouve alors son ami Paulin, devenu aveugle pendant la Première Guerre Mondiale, ainsi qu’Amélie, infirmière et en couple avec Augustin, un intello socialiste.

Tous les quatre décident de partir en vacances pour Collioure chez la mère de Mattéo, grâce aux quinze jours de congés payés octroyés par le gouvernement du Front Populaire de Léon Blum. Cette avancée sociale permet à un grand nombre de français de goûter aux joies des vacances à la mer pour la première fois. En août 36, c’est les premiers pique-niques, les premières cartes postales et les bals populaires.

Durant le trajet, les quatre amis font des haltes régulières pour pique-niquer et surtout prendre leur temps. A bord de l’auto d’Augustin, ils ne vont pas très vite et donc mettent un peu de temps pour arriver à destination. Paulin, communiste pur et dur, est en colère vis-à-vis du cabinet de Léon Blum qui décrète un embargo sur les armes devant être livrées aux Républicains espagnols. En effet, tous les jours, Mattéo achète et lit le journal à son ami aveugle, ce qui permet à ce dernier de se tenir au courant des derniers événements en Espagne et surtout prendre conscience de la lente montée du nazisme en Allemagne. L’ancien bagnard n’en a cure ; il préfère lire les pages de sports et vibrer aux articles concernant le Tour de France. Sa fibre militante s’étant estompée au fil de ses années d’enfermement.

Si la mère de Mattéo est bienveillante pour les invités de son fils, elle ne l’épargne pas, râle et bougonne souvent contre lui. Paulin se rapproche de plus en plus d’Amélie et Mattéo retrouve Juliette qui travaille au guichet de La Poste.

Le récit de Jean-Pierre Gibrat est merveilleux. Sur fond d’histoire et de tensions internationales, il livre un récit intimiste, tout en pudeur qui met en avant son héros Mattéo. Alors que les tomes précédents étaient centrés sur la Première Guerre Mondiale et La révolution russe de 1917, cet album se recentre sur l’ancien bagnard et notamment sur son enfance et sa mère râleuse, sa seule famille. Ses idéaux de révolution se sont envolés avec ses interminables années de prison. Le trait talentueux de l’auteur du Sursis est délicat et toute en finesse. Les planches à l’aquarelle sont magnifiques et rendent bien l’ambiance estivale de la Côte d’Azur ainsi que la folie des premiers congés payés. Un album extrêmement bien maîtrisé et somptueux.

  • Mattéo, troisième époque (août 1936)
  • Auteur : Jean-Pierre Gibrat
  • Editeur: Futuropolis
  • Prix: 17€
  • Sortie: 25 novembre 2013

Waha transformée

trolls de troy
La trolle impromptue est la dix-septième aventure de la série d’héroïc-fantasy humoristique Trolls de Troy. Dans cet album, scénarisé par Christophe Arleston et mis en images par Jean-Louis Mourier, Waha a été frappé par un sort mystérieux ; elle a un comportement étrange : elle prend des bains, parle bien et a en horreur la chair fraîche.

Forêt de Phalombe, au bord du fleuve Pellucide. Waha, Gnondpom et Tyneth, les trois trolls, partent chasser les brazoards. Pendant la migration de ces petites autruches, elles sont nombreuses à faire une halte sur les rives. Mais c’était sans compter sur les trois compères pour faire de ce moment paisible, une véritable boucherie.

Dans le même temps, un navire de croisière descend gentiment le fleuve. A son bord, le comte de Nauyelle et sa famille regagnent Eckmül après leurs vacances. Il y a là : Kyrlande, jeune fille très ronde à lunettes, gentille, intelligente et dévoreuse de livres, mais aussi les deux sœurs véritables pestes et enfin Shapin, le petit dernier, qui n’a pas encore trouvé son pouvoir magique.

D’un seul coup et sans le savoir, son don se réveille : il inter-change les esprits de Waha et de Kyrlande. La trolle se retrouve donc dans le corps de la jeune fille de bonne famille et inversement. Les conséquences sont importantes pour les deux jeunes femmes. Sur le bateau de croisière, Waha mange avec les mains, rote à la fin du repas, ne veut pas se laver comme un bonne trolle, mais surtout, elle apprend qu’elle va se marier avec Leptytröh, un noble de la cité des savants. De plus son don, faire pleuvoir des grenouilles, ne lui est d’aucune utilité face à ses deux sœurs désagréables. Elle décide alors de se remettre en forme parce que son enveloppe corporelle n’est pas à son goût.

De son côté Kyrlande se retrouve dans le village au milieu de trolls plus répugnants les uns que les autres. Si elle trouve son nouveau corps très seyant, elle continue de prendre des bains mais ne veut ni chasser ni manger la chair fraîche des animaux de la forêt. Seul le miel la nourrit.

Waha arrive à Eckmül et doit commencer les préparatifs pour la cérémonie…

Christophe Arleston, avec ce nouvel album de Trolls de Troy, touche en plein dans le mille. Le récit malicieux du scénariste mélange habilement, comme à son habitude avec cette série, actions mais surtout humour décalé et burlesque. Telles les familles Lequesnois et Groseille dans le film La vie est un long fleuve tranquille de Etienne Chatilliez, les deux jeunes filles Waha et Kyrlande, se retrouvent dans un monde inconnu. D’un côté, la trolle se retrouve dans une famille bourgeoise et notable d’Eckmül avec ses codes et son étiquette très strictes et de l’autre la jeune humaine se retrouve dans un village de sauvages qui passent le temps à se battre et à chasser. Les quiproquos, les scènes cocasses et rocambolesques s’enchaînent avec un grand dynamisme. Le trait de Jean-Louis Mourier est toujours aussi efficace et d’une grande force comique. Le talentueux dessinateur nous montre des planches très fouillées, riches en décors et un bestiaire inventif (comme les brazoards ou les trululus qui font écho aux animaux de Franquin ou de Janry dans Spirou). Le découpage est très dynamique et le lecteur sera happé jusqu’à la fin de l’album. Les couleurs de Claude Guth sont au diapason de cette histoire si amusante.

  • Trolls de Troy, tome 17 : La trolle impromptue
  • Auteurs : Christophe Arleston et Jean-Louis Mourier
  • Editeur: Soleil
  • Prix: 13,9€
  • Sortie: 27 novembre 2013

Premiers émois au lycée

coeur à coeur
Le 30 novembre dernier, Case Départ vous présentait le premier tome de Cœurs à cœurs, un manga signé Minase Mayu, édité par Doki Doki. Crée en 2009, ce seinen est paru au Japon dans le magazine Eden et il compte 8 tomes (série terminée). Dans ce nouveau volume, la bande de lycéens amis doivent organiser une fête pour leur dernière année d’étude.

Japon. Lycée Imaichi-Higashi. C’est l’effervescence de la fin d’année. Eiji Satomi, 17 ans, en terminale, a été désigné responsable par sa classe pour organiser la fête du lycée. Cet adolescent, fêtard et très populaire, est tombé fou amoureux d’une de ses camarades de classe, la belle Mai Furuya. La jeune fille de 18 ans, surnommée Yakuza pour ses penchants pour le karaté, repousse sans cesse Eiji. Adorant le martyriser, elle n’hésite pas à le malmener. Malgré tous ces échecs successifs, il continue de lui faire la cour. Pourquoi ne l’aime-t-elle pas ? Mystère !

Le jeune homme a d’ailleurs une drôle d’envie. Il souhaite que Mai se déguise en serveuse sexy dans le maid café qu’il veut mettre en place pour la fête. Mais la jeune adolescente ne l’entend pas de cette oreille, elle ne veut en aucun cas se costumer en soubrette, juste pour satisfaire les fantasmes de Eiji.

Pour la convaincre, il décide de s’inviter chez elle. C’est grâce à Namuri que Eiji récupère son adresse. Là, la mère de Mai le reçoit et l’invite à déjeuner. Autour de la table, il y a aussi Hiro, la benjamine intrépide et amoureuse de Himari, la plus belle fille du lycée.

Pour organiser cette grande fête de fin d’année, les élèves la préparent pendant les grandes vacances d’été, car la réception se déroule juste après, en septembre. Peu convaincue au début, la jeune fille prend de plus en plus de plaisir à aider et notamment créer les costumes.

Coeurs à cœurs est une série manga orientée pour les jeunes filles. En effet, tous les ingrédients sont réunis pour toucher ce cœur de cible : premiers émois amoureux, lycée, amis, réussites et échecs ou encore famille. Mais tout cela d’une manière douce et tout en pudeur. Le récit agréable et très lisible de Minase Mayu, est parsemé d’un humour que l’on retrouve fréquemment dans ce style de manga : personnages réduits, coups qui pleuvent pour repousser les garçons un peu lourds. L’histoire est très bien maîtrisée et bien écrite. Rafraîchissant, il sera dévoré en peu de temps par les adolescentes. Un série sympathique.

  • Cœurs à cœurs, tome 2/8
  • Auteur : Minase Mayu
  • Editeur: Doki Doki
  • Prix: 7,50€
  • Sortie: 4 décembre 2013

Pères indignes : Etienne change d’air

pères indignes
Après l’album Saint-Etienne-Lyon, B-Gnet revient ce mois-ci pour conter de nouvelles aventures à ses personnages sympathiques dans Pères indignes. Dans ce second volet de cette saga familiale, le lecteur retrouve Sylvain, Béatrice, Stéphane et Clément. Le père Etienne, plaqué par sa femme, trouve refuge chez son frère.

A la suite d’une énième grosse dispute, Béatrice décide de mettre son mari à la porte. Elle lui reproche sa vie de glandeur depuis qu’il est au chômage. Excédé, il part chez son frère, Sylvain. Comme lui, son cadet n’a pas de travail et est un branleur de première. Sa vie se résume à : ne rien faire toute la journée, dormir, sortir en boîte et passer ses le plus clair de son temps dans les bars. Maintenant que son frère est chez lui, il décide de le sortir, de faire la fête tous les soirs pour lui aérer l’esprit. De temps à autre et pour se donner bonne conscience, ils vont aux PIA : Pères Indignes Anonymes pour assister à des réunions où ils parlent de leur situation à des figures paternelles, elles aussi, un peu perdues.

Dans le même temps, Béatrice, la maman, a de plus en plus de mal avec ses trois marmots : Clément, l’aîné accro à sa console, Stéphane, le cadet hyper-sensible et peu efféminé et le bébé toujours dans les pattes de tout le monde. La vie de la jeune femme est de plus en plus difficile, elle doit jongler avec les humeurs des trois enfants. Un jour, elle reçoit un coup de fil qui lui annonce la mort du père d’Etienne, un salaud de première. Elle va devoir l’annoncer à son ex et ce n’est pas si simple que cela…

Pères indignes est un petit album sympathique. Le système narratif de B-Gnet est calqué sur un modèle simple : strips en trois cases dont la dernière possède le ressort comique qui s’enchaînent pour former une vraie histoire qui a du sens. Même si tous les strips ne sont pas hilarants, ils prêtent tous au moins au sourire. Cette famille si singulière mais qui ressemble à beaucoup de couples actuels semble tellement vraie. Teinté d’humour, le récit est touchant et vise assez juste.

  • Pères indignes
  • Auteur : B-Gnet
  • Editeur: La Boîte à Bulles, collection Contre-pied
  • Prix: 13€
  • Sortie: 2 janvier 2014

Et pour quelques pages de plus…

Pour compléter notre sélection de la semaine, Case Départ vous conseille aussi les albums suivants :

Artères souterraines

artères souterraines
Une fois n’est pas coutume, Case Départ vous présente un roman : Artères souterraines de Warren Ellis, le génial scénariste anglais qui a redonné du peps aux récits Marvel dans les années 90. Cette publication aux éditions Le livre de poche est une réédition de 2010 édité par le Diable Vauvert. Un détective loser et un peu à côté de ses pompes est engagé pour retrouver la Seconde Constitution des Etats-Unis.

Michael McGill, est embauché pour retrouver une version de la Constitution des États-Unis comportant des amendements écrits à l’encre alien invisible. Depuis les années 50, le précieux document est passé de main en main en échange de services louches. Pour un demi-million de dollars, McGill entre dans ce que l’Amérique a de plus fou, grotesque, déviant et hilarant.

Connu des amateurs de comics pour avoir participé au renouveau du label Marvel, Warren Ellis, a travaillé sur les séries Fantastic Four ou Iron Man. C’est son premier roman publié. Artères souterraines est un polar très décalé et qui atomise toutes les conventions du genre. Un road-trip très noir, un brin fou et déjanté. Teintée d’un bel humour acerbe, cette enquête un peu veine met en lumière un drôle de héros, un peu gauche mais attachant. Ce roman fait aussi la part belle à l’underground, aux pratiques sexuelles singulières tout cela avec l’avènement d’internet, la high-tech ou la sur-information des événements. L’auteur anglais survole de manière folle toutes les cultures actuelles : les films ou les séries télé. Un bon roman sur les limites de la liberté.

  • Artères souterraines
  • Auteur : Warren Ellis
  • Editeur: Le livre de poche
  • Prix: 6,60€
  • Sortie: 15 janvier 2013

La capitaliste rhénane

la capitaliste rhénane
La capitaliste rhénane est un album pour adulte signé Yxes et publié par Alixe BD. Sous titré : l’exploitation de l’homme par la femme et dans la même veine que Itinéraire d’un soumis de Fée Tishe et Axterdam, il raconte une journée d’une des plus puissantes dirigeantes de la planète, dont la société est gouvernée par les femmes et soumet les hommes dans des jeux sexuels les plus SM.

Francfort-sur-le Maine. Von Harbsthal Building. Heike Von Harbsthal dirige d’une main de fer son entreprise qui produit du sperme artificiel et par cette production industrielle, met en péril la survie de l’espèce masculine.

Un homme se présente à elle pour obtenir un stage dans la société. Archi-diplômé de grandes écoles, la patronne ne l’entend pas ainsi. Elle lui demande de se déshabiller pour lui montrer ses vraies références et lui fait préparer une convention de stage à durée illimitée. Pas tant surpris que cela, l’homme s’exécute, pensant qu’il sera à la hauteur des beaux étalons français. Mais c’était sa compter sur la perversité de Heike : elle sort alors le grand jeu, utilisant des instruments sadomasochistes de premier plan. Elle veut en faire son collaborateur particulier, le laissant de temps en temps à Gin Sling, sa secrétaire. Pourtant l’homme est d’accord avec la dirigeante et se présentera tous les jours de 8h à 20h pour satisfaire tous ses désirs.

Mais le scandale pointe le bout de son nez. Heike rend visite à la propriétaire de l’Hôtel Adlon de Berlin Madame Kessler. Cette dernière est aussi journaliste à Hier qui met en lumière les pratiques si particulières de la puissante dirigeante vis-à-vis de ses salariés masculins. Ses nuits débridées sont affichées en une du journal. Pour éviter les esclandres, elle rachètera la maison d’édition du journal et fera détruire tous les exemplaires. En attendant, amusée, la femme commence à raconter à la journaliste les soirées très spéciales que fait donner Hilda Von Speer, tous les ans dans sa propriété. Le dress-code est sidérant : les uniformes nazis sont les bienvenus.

Yxes a crée en 2006 son blog intime Journal graphique d’un soumis. Il y met en images ses différentes rencontres avec des femmes dominatrices. Il préfère d’ailleurs dessiner des femmes ayant de l’expérience plutôt que de jeunes lolitas. Il se prend lui-même comme modèle pour les personnages masculins de l’album. La capitaliste rhénane est un hommage aux pockets érotiques italiens des années 1970-1990. Le trait est sobre et plutôt bien maîtrisé et le récit un peu politique : jouant sur la crise mais surtout sur l’inversion de la hiérarchie pré-établie dans notre société occidentale hommes-femmes, à savoir que les femmes dominent les hommes.

  • La capitaliste rhénane
  • Auteur : Yxes
  • Editeur: La Musardine – Alixe BD
  • Prix: 15€
  • Sortie: 12 novembre 2013

Retour à La Une de Logo Paperblog