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Cy Twombly, à fleur de mots

Publié le 05 janvier 2014 par Pantalaskas @chapeau_noir

"On paper"

Le dessin et l'écriture ne sont pas indifférents l'un à l'autre. Cela commence par le papier. L'exposition "On paper" de la galerie Karsten Greve présente un aspect de l'oeuvre de Cy Twombly : ses dessins réalisés à partir de la fin des années cinquante.  Mais à la frontière de l'expression écrite et du dessin, où se situe Cy Twombly ?  Plongé dans l'activité artistique tumultueuse de New York de l'après-guerre, où il fréquente John Cage, Franz Kline, Robert Motherwell, Robert Rauschenberg notamment, pouvait-il échapper aux expressions  les plus puissantes, les plus radicales  pour seulement laisser courir sur le papier un trait à peine perceptible et donner naissance à une création emprunte de légèreté ?

Dessin années cinquante, Cy Twombly

Dessin années cinquante, Cy Twombly

Les papiers de Cy Twombly  délivrent les éléments d'une énigme : graffitis, mots, chiffres, signes, paroles fragmentées figées sur le support, ratures. D'une pièce à l'autre, l'opinion varie, les certitudes vacillent. Au point de s'interroger sur le mouvement créé par ces apparitions. Ces signes semblent parfois s'engloutir dans le plan du papier, parfois apparaître à sa surface. Ces dessins-écritures, ou le contraire, sont-ils en état de construction ou de décomposition ?
En  passant en revue les dessins de la galerie Karsten Greve,  j'ai eu le sentiment  de pister une ébauche à une autre, comme si l'obsession de Cy Twombly  se manifestait pour une recherche inaboutie  d'un dessin au suivant.

Dessin Cy Twombly

Dessin Cy Twombly

Impossible, par ailleurs, de cerner la nature de ces signes disparates, ne répondant pas une  formalisation unique. Ici l'espace du plan détermine une scène sur laquelle l'artiste libère une écriture désintégrée disponible pour tenter de révéler une pensée, voire une narration, à la manière d'un Basquiat, mais apaisé. Ces traces ne hurlent pas, elles chuchotent.

L'effacement

L'effacement fait partie de ce jeu. Le peintre et dessinateur Gérard Titus-Carmel a superbement écrit sur ce recours au gommage dans le dessin :
"Ces coups de gomme viennent toujours à point nommé, non pour effacer ou atténuer, ni même pour introduite quelque effet de sfumato, mais bien plutôt pour ouvrir des trouées nécessaires par où faire entrer l’air et la lumière au sein de la matière opaque  et grise de la mine de plomb, sans quoi le dessin risquerait d’étouffer ; autrement dit, pour ménager des circulations et des couloirs – des issues, par où l’on peut à  tout moment reprendre son souffle et laisser en cette brèche une place nouvelle pour le doute."

Chez Cy Twombly  un entre-deux semble caractériser l'oeuvre. Mais sommes-nous entre deux dessins successifs, entre mots et chiffres, entre traces et lettres, entre rature et effacement ?  Un sentiment d'inachevé perdure, la sensation que l'oeuvre n'est pas fixée ici sur ce dessin mais quelque part en attente, en devenir.
Chez un autre peintre, Antoni Tapiès, les « Hiéroglyphes »  s’apparentent  assez facilement à un mur de graffitis que l’on aurait pu découvrir dans un univers sub-urbain, donnant le sentiment d’avoir été réalisés dans une urgence émotionnelle, loin de tout souci de composition et d’agencement. Entre écriture et pictogramme, ce geste de Tàpies  nous renvoie à une préoccupation qui, si elle remonte aux peintres rupestres, accompagne l’histoire de la peinture et de l’écriture jusqu’à la culture urbaine du Street art.
Chez Cy Twombly, il faut y retrancher la violence du trait au bénéfice de la légèreté, dans cet entre-deux sans fin entre trace et écriture, toujours à la surface du papier, à fleur de mots.

Photos: Galerie Karsten Greve

Cy Twomby
"On paper"

du 12 octobre 2013 au 1er février 2014
Galerie Karsten Greve
5 rue Belleyme
75003 Paris


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