Magazine Culture

Intermède

Publié le 11 mai 2008 par Funuraba

   En feuilletant les pages roses du Larousse (qui regroupent certaines locutions latines et étrangères, et non pas une compile du Kama Sutra - note pour les lubriques -), une maxime a attiré mon attention: "Aut Caesar, aut nihile", c'est à dire "ou César, ou rien" (devise attribuée à César Borgia).
  Cela m'a rappelé, par contraste, une phrase que m'a dite une de mes connaissances: "Tout mais pas rien". La phrase, en soi, est touchante; dans le contexte, elle m'a boulversé (j'me ramollis moi). Cette véhémence à vouloir être quelque chose, à compter dans la vie de quelqu'un; il eut fallu être un monstre pour répondre "Mais que pourrait-tu bien être?" et, hélas! je me ramollis (la preuve, je me répète).
  Dans "L'alchimiste" (au dela du tombereau de mièvrerie et de lieux communs, sur fond de "le bonheur est un voyage, et non une destination", ce livre n'est pas totalement dénué de bon sens), Cuelho parle d'un marchand de pâtisserie, heureux de sa petite industrie, et épanoui de vivre parmi les siens, en jouissant des fruits de son labeur. Cité pour illustrer le contraste avec Santiago, le héros du livre, ledit marchand est en quelque sorte l'archétype (et même le stéréotype) de l'homme heureux de sa petite vie, avec ses petits plaisirs simples, etc (Cuelho qui ratiocine sur l'ambition, ça n'allait pas voler plus haut). En lisant ce passage, j'avais pensé "Quel ridicule manque d'ambition! Comment peut-on trouver la force de vivre, quand on ne rêve pas gloire (et fortune, accessoirement)?". Quelques jours plus tard, en dégustant une tarte au citron chez Salim, le pâtissier ta3 l'houma, je révisai mon jugement, et pensai "Mes ambitions sont teintées de vanité, tandis que celle des gens simples font tourner le monde". Morale: La meringue assagit, et la tarte au citron de Salim vous apprend l'humilité^^ (n'est-ce pas Ryuzaki?).
   By the way. Amour, amour-propre, orgueil, vanité, ambition; tout cela est étroitement lié. Une chère et tendre, il y a de cela quelques années, me reprochait de ne pas aimer assez (et de ne pas l'aimer assez, de fait). Réponse "j'ai trop d'amour-propre pour ne pas me préférer aux autres, et donc à toi" et autres niaiseries sur le même mode "ma ntih'ch mel 3oud" (ceci n'est pas une remise en question, car sur le fond, je n'ai pas changé). Quelque temps plus tard, en lisant Rousseau, je tombe sur ceci "Dès qu'on a commencé de se mesurer ainsi l'on ne cesse plus, et le coeur ne sait plus s'occuper désormais qu'à mettre tout le monde au dessous de nous. Aussi remarque-t-on généralement, en confirmation de cette théorie, que les gens d'esprit, et surtout les gens de lettres, sont de tous les hommes ceux qui ont la plus grande intensité d'amour-propre, les moins portés à aimer, les plus portés à hair".
  Yakhah nendeb!! La même conclusion de la part de Montherlant, au terme d'une narration loufoque d'une scène rocambolesque que fait Pierre Costals à sa fiancée (dans "Les lépreuses"): "Un littérateur, oui,  joli cadeau à faire à une enfant!".
  Une autre chère et tendre - amie seulement, du moins pour l'instant, la distance garantissant la chasteté de nos rapports (quoique "on peut se saisir d'un esprit par les mots comme on se saisit d'un corps par les caresses" Nicole, Les lions sont lachés) - m'a cité un jour cette critique au sujet du maître "...l'aboutissement serait une abnégation presque chrétienne si elle ne s'accompagnait d'un orgueilleux sentiment de lucidité et de superiorité". Cette critique, qui est un ersatz de ce qui fait l'inanité de cette profession, car consistant en des 1- Evidence: Lucidité = savoir, savoir = supériorité, car "la yastawi ladina ya3lamoun wa ladin la ya3lamoun" 2- hors de propos: Qu'a à voir la chrétienneté avec un écrivain à l'athéisme notoire, qui a fait dans le jansénisme sur ses vieux jours, plus en tant que dilettante et philosophe qu'en tant que dévot? avec un écrivain qui professe que "le suicide est une dernière parcelle de liberté dans la nécessité", et qui, menacé par la cécité, l'a appliqué à la lettre? 3- L'aboutissement est notre recherche à tous, car "we get worse or we get better every day; let's get better today, c'mon!" Jason Street, dans "Friday Night Lights". La notion de perfection, qu'on ne possède pas en nous, mais qu'on appréhende, et qui fait que l'on croit en Dieu, qui est cette perfection, vers laquelle on tend, chaque jour. Inanité donc, que cette phrase pompeuse, vide de sens, et ridicule.

        To be suivre
 


Retour à La Une de Logo Paperblog

Magazine