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Serrano Si !

Publié le 08 janvier 2014 par Pantalaskas @chapeau_noir
piss christ

"Piss christ" Andres Serrano 1

Les expositions du photographe Andres Serrano ont souvent entraîné dans leur sillage l'odeur du souffre, engendré le scandale, avivé les antagonismes.

"Piss Christ"

Et si on y associe le nom d' Yvon Lambert, on ne peut oublier, en France, l'incident de 2011 : après une virulente campagne de protestation menée, notamment, par  l'archevêché d'Avignon, un tirage de "Piss Christ" est vandalisé lors d'une exposition à la collection Lambert. Déjà, peu après sa réalisation, cette oeuvre  suscitait en 1989 de violentes polémiques aux États-Unis ainsi que dans d'autres pays où elle était exposée.
L'ardente beauté de l'oeuvre n' a pas fait taire les opposants. L'artiste expliquait avoir rempli un verre de son urine et de son sang, puis y avoir immergé un petit crucifix en plastique. " Si en faisant appel au sang, à l'urine, aux larmes, ma représentation déclenche des réactions, c'est aussi un moyen de rappeler à tout le monde par quelle horreur le Christ est passé."
La justification n'avait pas apaisé les milieux catholiques radicaux, ceux-ci s'en prenant violemment à l'oeuvre en la détruisant.  A son corps défendant, cet épisode jugé "blasphématoire" poursuit encore aujourd'hui Andres Serrano .

   Cuba Si !

Serrano cuba
L'actuelle exposition de la galerie Yvon Lambert  "Cuba" ne prête pas le flanc aux mêmes polémiques. Saisissant une invitation à  la Biennale de la Havane pour réaliser un travail in situ, le photographe s’installe  au Central Havana, hôtel au passé prestigieux. S'attachant aux portraits, il accueille les intellectuels, artistes, musiciens, écrivains mais aussi des inconnus dans le salon afin d’être photographiés. Il ne se contente pas de portraits en studio et va hors des murs, à la rencontre des habitants. Puis, pendant quelques semaines, il voyage dans le pays pour se l'approprier en images. Si les portraits ont représenté une part importante du travail et sont majoritaires dans l'exposition,  j'ai été, pour ma part,  plus particulièrement sensible aux  décors dépourvus de présence humaine : une pièce vide  plus que modeste, une chambre d'hôtel déserte au décor désuet. Car si l' être humain est effectivement absent du cadre, c'est pourtant bien une intimité qui est dévoilée dans ces cadres. Ces intérieurs physiques expriment, dans l'apparente objectivité de leur capture, une autre intériorité, mentale, affective.
Serrano cuba2
Avec ce Cuba intimiste, Andres Serrano restitue le charme d'une société hispano-coloniale que le temps n'a pas effacé. Ce qui aurait pu prendre l'aspect d'un reportage sur une société dans laquelle la misère n'est pas éradiquée, devient  par la grâce de la photographie la révélation de moments suspendus, éthérés. Au détour d'un cliché, on croit éprouver la chaleur accablante d'un été, détecter quelques senteurs de café ou de rhum, deviner l'ombre tournoyante d'un ventilateur antique. Peut-être même que, dans cette atmosphère feutrée, on pourrait déceler, au loin, les échos de la Guaracha.

Le photographe expose un Cuba d'aujourd'hui illustré par ces portraits d'hommes, de femmes et d'enfants, ces lieux habités par une mémoire mélancolique, tout cela  sans agressivité ni caricatures. Mais il montre aussi à cette occasion sa propre nature, fort éloignée de cette image sulfureuse qui lui colle à la peau.  Andres Serrano  se révèle dans ces jours tranquilles à Cuba,  dans cette errance nonchalante emprunte d'une nostalgie colorée par ce passé toujours présent.

Photo :  Piss-christ : Wikipédia
Photos : Cuba : Andress Serrano Galerie Yvon Lambert

Andres Serrano
Cuba
& Signs of the Times
28 novembre 2013 – 16 janvier 2014

Galerie Yvon Lambert
108 rue Vieille-du-Temple
Paris 3e.


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