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Compte-rendu de la conférence sur l’islamophobie à l’Institut du monde arabe

Publié le 11 janvier 2014 par Juval @valerieCG

Je vais donc résumer, comme promis à certain-es, la conférence sur l'islamophobie qui s'est tenue le 09 janvier à l'Institut du monde arabe.
Les intervenants étaient les suivants :
- Marwan Mohammed, sociologue, chargé de recherche au CNRS. Co-auteur de  Islamophobie. Comment les élites françaises fabriquent le "problème musulman".
- Claude Askolovitch, journaliste et essayiste. Auteur de Nos mal-aimés : ces musulmans dont la France ne veut pas.
- Abdellali Hajjat, sociologue et politiste, maître de conférences à l’université Paris-Ouest Nanterre. Co-auteur de  Islamophobie. Comment les élites françaises fabriquent le "problème musulman".
- Kamel Meziti, historien des religions. Auteur du Dictionnaire de l’islamophobie.
Les actes islamophobes sont en augmentation de 23% selon la Commission Nationale Consultative des Droits de l'Homme (80% des actes sont commis envers des femmes). On commence de plus en plus à parler de l'islamophobie ; et les actes et paroles islamophobes sont de plus en plus dénoncés.

Intervention de Marwan Mohammed :
On constate l'émergence d'un espace où l'on peut parler de l'islamophobie. La CNCDH et le CCIF constatent tous deux qu'il y a une augmentation radicale de l'islamophobie depuis 2008-2009 même si elle ne fait que monter depuis 10 ans.
En 2003 Vincent Geisser rédige un essai sur l'islamophobie.
Malgré les travaux, malgré la dénonciation des actes et paroles islamophobes, le déni persiste.
Fourest, Venner et Brückner ont présenté le mot islamophobie comme une création des mollah iraniens afin de faire taire tous ceux qui voudraient critiquer l'islam. Mohammed et Hajjat ont montré dans leur ouvrage qu'il s'agit d'un mot employé par les administrateurs coloniaux français au XIXeme siècle.
Il convient d'inclure l'islamophobie dans l'histoire de la laïcisation. A partir de la seconde guerre mondiale on rejette beaucoup moins par le prisme de la religion. Le rejet via la religion renaît dans les années 80 avec l'arrivée de groupes de migrations.
Le fait de penser l'islamité comme une source de menace empêche l'empathie.
L'islamophobie n'est pas équivalent au racisme anti-arabes ; si on observe les courbes de statistiques des actes anti-arabes, on constate qu'ils ne correspondent pas à la courbe des actes islamophobes.

Intervention de Abdellali Hajjat :
On tend souvent à montrer que l'islamophobie serait uniquement un rejet, au fond justifié ; on fonde ainsi des inégalités.
Il revient ensuite sur les grèves syndicalistes des années 80 comme par exemple chez Citroën. Beaucoup de grévistes étaient des immigrés maghrébins. Parmi leurs revendications,  il y avait la demande d'un lieu de culte. Certains dont donc fait des grèves qui relevaient du conflit de classe, un phénomène intégriste. On a pu entendre que la CGT était alliée avec les intégristes. Des ministres comme Mauroy et Deferre parlèrent "de menaces intégristes". Il n'y avait pas encore le GIA, pas le 11 septembre pourtant on a commencer à assister à une racialisation religieuse.
Le hijab fut vu comme une trahison des beurs à l'égard de la république. La république nécessitait une homogénéité où les initiatives individuelles étaient mal vues. On pensait que les enfants d'immigrés cesseraient de croire et l'affaire du hijab de 1989 montre que cela n'est pas le cas.
L'islamophobie permet ce que ne peut plus le racisme anti-arabes pour les partis d'extrême-droite.
Elle déshumanise les musulmans et spécialement les femmes musulmanes. Porter le hijab disqualifie.
On assiste à une discrimination légale par capillarité : on discrimine légalement les collégiennes et lycéennes portant un foulard puis il y a capillarité ; étudiants, mères d'élèves accompagnant des sorties scolaires, crèches (affaire Babyloup)...

Un des enjeux des recherches autour des l'islamophobie est de faire reconnaître que la loi de 2004 est le début d'un processus de légitimation de discrimination.

Intervention de Claude Askolovitch :

Pour Askolovitch, il n'y a pas de filiations entre les grévistes des années 80 vus comme intégristes et l'islamophobie actuelle. L'islamophobie est selon lui née est avec Fabius qui a cherché à se faire une place entre DSK et Hollande. le musulman est toujours vu comme un archétype, jamais comme un individu.
L'islamophobie est aujourd'hui une opinion admise comme l'était l'antisémitisme dans les années 30.
Il souligne qu'on ne ferait sans doute pas des couvertures "Ce **** sans-gêne" en parlant par exemple d'homosexualité comme l'avait fait le Point avec l'islam.
Les musulmans sont suspectés d'incompatibilité avec la République et ses valeurs.

 Intervention de Kamel Meziti : 

Meziti a remarqué qu'il était demandé aux musulmans, après le 11/09 de faire un mea culpa sur l'attentat. C'est ce qui l'a poussé à écrire un dictionnaire de l'islamophobie (qualifié par un auteur de Riposte laïque de "recueil de fatwa). L'islamophobie s'inscrit dans un long processus historique remontant aux Croisades.
Il convient de ne pas diluer l'islamophobie dans un magma raciste et d'étudier ses spécificités.
Meziti nous cite alors la phrase d'un journaliste (je ne l'ai malheureusement pas noté) qui qualifie les musulmans avec 24 adjectifs orduriers et insultants sans que cela suscite beaucoup d'émotion.

Mes remarques :

Le point a été évoqué dans une question du public ; j'ai également regretté qu'il n'y ait pas de femme musulmane pour parler de l'islamophobie. 80% des victimes des actes islamophobes sont des femmes ; il faudrait donc évidemment permettre aux chercheures de s'exprimer en articulant race et genre.
J'ai regretté la brièveté de la conférence : 1h30 je crois.
J'aurais aimé que Mohammed et Hajjat expliquent ce qu'est un processus de racialisation (la race est encore beaucoup corrélée à quelque chose de biologique comme la couleur de peau). Je vous conseille donc d'acheter leur livre où cela est abondamment et clairement expliqué.
Je m'abstiendrai de faire un commentaire sur la nomination de Jack Lang, arabisant célèbre et chichement payé, à la tête de l'IMA.


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