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Don Sleet, trompettiste maudit, raconté par Nicolas Rabel

Publié le 12 janvier 2014 par Assurbanipal

Don Sleet (1938-1986),

la vie d'un trompettiste maudit, racontée par Nicolas Rabel.

      A côté de Don Sleet, trompettiste maudit de la West Coast, la vie de Chet Baker (1929-1988) ressemble à un conte de Noël. Nicolas Rabel a décidé de ressuciter, par la magie de la Toile, la vie et l'oeuvre de cet artiste méconnu (avant lui, je n'en avais jamais entendu parler). Il la raconte dans l'ordre chronologique avec, pour chaque année importante de 1938 à 1986, des dessins, une mise en situation de l'actualité politique et culturelle de l'époque, les événements marquants de la vie de l'artiste, des extraits musicaux avec le son craquant et chaud du vinyle tirés de la collection personnelle de l'auteur, une voix qui raconte cette vie d'un musicien doué qui s'est brûlé à la drogue comme un phalène sur un halogène. Cela ressemble à un conte mais ce n'est pas pour les enfants à moins de vouloir les prévenir, dès leur plus jeune âge, des dangers des paradis artificiels. Les dessins font penser à ceux de Loustal et Parringaux pour " La note bleue " la BD qui remit sur le devant de la scène, Barney Wilen. A lire et écouter en français ou en anglais.

Le père de Don Sleet était professeur de musique et trompettiste. Tout s'explique. Il n'a connu sa mère que malade (la sclérose en plaques). Des freudiens convaincus affirmeront qu'il s'est rendu malade pour rendre hommage à sa mère. Né à Fort Wayne (Indiana) en 1938, il suivit ses parents à San Diego (Californie) en 1949. C'est là que se déroula ensuite l'essentiel de sa vie. En 1958, Down Beat le sacra meilleur trompettiste en devenir. En 1959, il devint toxicomane ce qui brisa sa carrière. Il jouait alors dans un groupe mixte, Blancs et Noirs, " Lenny Mac Brown and the 4 souls " ce qui n'était pas fréquent à l'époque.

En 1961, il sortit son premier album comme leader " All members " avec un casting de rêve (Jimmy Heath: sax ténor, Wynton Kelly: piano, Ron Carter: contrebasse et Jimmy Cobb: batterie), que des musiciens aguerris, accompagnateurs de Miles Davis et Chet Baker. Justement, en 1961, Chet Baker croupissait dans une prison italienne pour toxicomanie. Alors Orin Keepnews, le fameux producteur de Riverside Records s'est dit: un Blanc, beau gosse, trompettiste et camé. Voilà un Chet Baker de remplacement avec qui gagner un max de blé. Don Sleet n'était pas aussi solide que Chet ou Miles. Il avait 23 ans et ce fut la dernière fois de sa vie qu'il fut fier de ce qu'il faisait.

En 1963, il entra dans le groupe du fameux batteur Shelly Manne à la place de Conte Candoli. La dernière apparition de Don Sleet sur un album eut lieu en 1964 pour " My fair lady " de Shelly Manne. Il avait 26 ans. Le reste de sa vie ne fut qu'une longue descente aux enfers. Il perdit sa carte de musicien ce que lui interdisait de jouer en club. Il devint un requin de studio pour le cinéma et la télévision. Un juge lui interdit même d'être musicien, estimant que ce milieu était nuisible pour sa santé. Trop de drogue. 

Nicolas Rabel parvient à nous intéresser à la vie d'un raté qui gâcha ses talents. Son livre peut être lu vite ou lentement, dans l'ordre ou le désordre. Il peut aussi être écouté, regardé. Il donne des pistes pour  aller plus loin. Il nous fait découvrir un musicien oublié. Grâces lui en soient rendues.  

Les anglophones peuvent lire " My brother, Don Sleet " par David Sleet, ex batteur, professeur de santé publique (un métier freudien pour le fils d'une malade et le frère d'un toxicomane), frère cadet de Don Sleet. 

L'éminent critique de Culture Jazz , Philippe Paschel, lui, n'a pas du tout aimé cette présentation de Don Sleet par Nicolas Rabel, mais alors pas du tout. A vous de vous faire votre avis lectrices exigeantes, lecteurs sélectifs.

      Pour nous consoler de cette triste histoire, écoutons Don Sleet, jeune et en pleine forme, en concert au Beacon Inn, à Cardiff by the Sea, comté de San Diego, Californie, Etats-Unis d'Amérique en 1959. Gary Lefebevre au saxophone ténor a conservé l'enregistrement et l'a mis à disposition des fans de West Coast Jazz sur la Toile. Merci Gary. Le groupe joue " Obvious Conclusion ". " Conclusion évidente " en français. Rien à ajouter.



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