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Une galerie, pour quoi faire ? (2)

Publié le 15 janvier 2014 par Pantalaskas @chapeau_noir

Sans prétendre cerner en quelques lignes l'ensemble des données sur l'histoire des galeries d'art contemporain en France tel que le relate de façon très complète  le livre de Julie Verlaine , "Les galeries d'art contemporain à Paris", cette question toujours sous-jacente : une galerie, pour quoi faire?  trouve dans cet ouvrage un certain nombre de réponses. On sait que le devenir d'une galerie d'art contemporain n'échappe pas à l'impérieuse nécessité de se situer d'une façon claire dans le paysage artistique, de donner une image qui personnalise son propos, ses objectifs.  On a vu précédemment que la capacité à "remplir une fonction d'intermédiaires militants" constituait pour les galeristes  un atout essentiel. Il est aisé de prendre un exemple ayant traversé la seconde moitié du vingtième siècle pour durer jusqu'à  aujourd'hui : la galerie Denise René.

Denise René, années Cinquante

Denise René, années Cinquante

Denise René

Denise Bleibtreu rencontre au café de Flore à Paris en 1939 un vicomte descendant de la noblesse hongroise : Victor de Vasarely. C'est le début à la fois d'une histoire personnelle et d'une aventure artistique exceptionnelle. Pendant plus d'un demi-siècle, celle qui devient Denise René a poursuivi, avec une opiniâtreté exemplaire la défense de l'art cinétique et de l'Op-art. Victor Vasarely aura joué personnellement un rôle moteur dans cette action. Les prises de position artistiques de Denise René se sont révélées non seulement déterminantes pour l'activité de la galerie mais ont participé directement à l'histoire de l'art : l'exposition "Le Mouvement" d'avril 1955 porte haut la détermination d'une galeriste qui n'a jamais vacillé dans ses engagements même lorsque l'art cinétique triomphant des années soixante a perdu son aura et connu une très longue période d'oubli.

Tapié

Michel Tapié

Michel Tapié

Parfois, le positionnement  historique d'une galerie s'opère par l'intermédiaire d'un critique (on ne parle pas encore de commissaire d'exposition ou de curator).
Adepte de l’art informel, le critique Michel Tapié, se consacre essentiellement à la promotion de ce mouvement. Dès 1946, il soutient ces jeunes artistes informels que sont Bryen, Dubuffet, Hartung, Mathieu, Michaux, Pollock ,Riopelle, Wols. Joignant le geste à l’écrit, Tapié organise en mars 1951 une grande exposition "Véhémences confrontées" chez Nina Dausset. Pour la première fois sont présentés côte à côte des artistes français et américains abstraits, opérant une entrée en force des peintres du gestuel, de l’élan spontané, du hasard, du chaos contre l’abstraction géométrique. En novembre de la même année, il met sur pied une manifestation de groupe, « Signifiants de l’informel » avec Fautrier, Dubuffet, Michaux, Mathieu et Serpan, au Studio Paul Facchetti à Paris.

Groupe ou écurie ?

Au regard des artistes d'une galerie, comme l'observe Julie Verlaine dans son livre, on peut faire une distinction entre le groupe et l'écurie. "Cette métaphore hippique (...) n'est jamais appliquée aux artistes de la galerie Denise René, ni à ceux de la galerie Arnaud. Dans ces deux cas, on  préfère soit le qualificatif de "groupe", soit une caractérisation esthétique précise (les abstraits géométriques, les lyriques)".
Le terme d'écurie ne porte pas la même charge artistique, ne situe pas la galerie sur le plan du choix collectif. Il s'agit là davantage de défendre ses propres "poulains" sans que soit pris en compte formellement  un parti-pris.
Dans ces années où  l' Etat ne s'est pas encore affirmé comme un acteur majeur du développement de l'art contemporain, les galeries se voient donc en situation pour jouer ce rôle de promoteur de  l'art en train de se faire. Parfois même, son rôle s'affirmera sur un plan plus muséal. C'est Denise René, encore un fois, qui présente Mondrian à Paris avant les institutions.
Cette mise en perspective de l'histoire des galeries d'art contemporain en France se révèle alors riche en enseignements sur ce que peut être le devenir d'une galerie, à la fois dans la mission qu'elle se fixe et pour les perspectives que lui offrent ses engagements.

(A suivre)

Photo Tapié :http://contemporary-coterie.blogspot.fr/
Photo Denise René : Galerie Denise René

"Les galeries d'art contemporain à Paris "
"Histoire culturelle du marché de l'art" (1944-1970)

Julie Verlaine
Publications de la Sorbonne 2012
586 pages
ISBN 978-2-85944-723-6 / ISSN 2105-5505


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