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Bodybuilder, une tribu d’egos

Publié le 04 décembre 2013 par Jean-Pierre Jusselme

Serge et gil Bodybuilder, une tribu degos

Le tournage du film de Roschdy Zem: Bodybuilder  m’a incité à regarder d’un peu plus près les analyses sociologiques sur ce sujet. Qu’est-ce qui se joue dans la pratique du bodybuilding poussée à un certain niveau ?

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C’est ce qu’a cherché à déterminer l’anthropologue finlandaise Taina Kinnunen grâce à un travail de terrain(T. Kinnunen, « Bodybuilding et sacralisation de l’identité », Ethnologie française, avril-juin 2004.)

Selon son étude, le bodybuilding extrême (par opposition à des pratiques plus profanes de ce sport) n’est pas une simple occupation, mais un « style de vie global » construit sur une opposition forte entre le « pur » et l’« impur ».

On retrouve cette opposition à propos de l’entraînement : les bodybuilders valorisent les mouvements où l’effort est tout entier supporté par le muscle que l’on entraîne alors que le mouvement est considéré comme impur quand la charge est trop lourde et défigure le geste. Les « poids libres » (poids et haltères) sont considérés comme sacrés alors que la seule pratique des appareils de musculation est tenue pour insuffisante. La nourriture est également investie d’une forte charge symbolique : entrent dans la catégorie du pur les protéines et les sucres lents, tandis que les graisses et les sucres rapides sont rangés dans l’impur.

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Le bodybuilding valorise l’idée du sacrifice : il faut accepter la douleur, les privations, fuir l’hédonisme, se consacrer entièrement à cette pratique. T. Kinnunen montre que le corps dans le bodybuilding est à la fois un moyen et un objet de sacralisation, qui vise à satisfaire les critères culturels du groupe. À l’ère du « body boom » généralisé, où le corps est compris comme instrument primordial de la fabrication de l’identité, source d’expériences profondes, ainsi que fin en soi, objet de toutes les adorations [Frank, 1991 ; Turner, 1991 ; Shilling, op. cit.], le corps peut être conçu comme centre du processus de sacralisation de l’identité. Il est alors le centre symbolique permettant l’établissement de frontières entre le profane et le sacré, comme le manifeste l’opposition « pur »/« impur » dans les sphères sociales, rituelles et idéologiques du bodybuilding.

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Nous n’étions pas seuls. Race, nationalité, cela n’avait aucune importance. Avant toute chose, nous étions des bodybuilders – et tout devenait plus simple grâce à cela.[Sam Fussel, ancien pratiquant de bodybuilding de haut niveau, 1992 : 83].

Le bodybuilding est typique des styles de vie des tribus postmodernes telles qu’elles se construisent en grande partie à travers Internet et des magazines spécialisés. Ces forums présentent des stars de la spécialité, fournissent des informations et servent de sites de discussion Malgré l’existence d’un style commun, chaque bodybuilder aspire paradoxalement à être unique.

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