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Une galerie, pour quoi faire ? (3)

Publié le 19 janvier 2014 par Pantalaskas @chapeau_noir

L'ouvrage "Les galeries d'art contemporain à Paris", évoqué dans les articles précédents,  cadre les années 1944-1970. Cette étude montre comment l'engagement de certaines galeries  pour l'art de leur temps a contribué à leur pérennité.

"Les années de combat"

arnaud
On pourrait citer encore comme exemple emblématique  l'aventure exceptionnelle de la galerie Arnaud, autour de Jean-Robert Arnaud et John Franklin Koenig dans les années cinquante. De cet impressionnant état des lieux concernant les galeries d'art contemporain parisiennes, il est tentant de projeter les enseignements sur les périodes suivantes. Dans les années soixante dix et quatre-vingt, le paysage artistique montre encore l'existence de mouvements  avec la naissance de groupes d'artistes, formellement organisés ou prenant l'aspect parfois de mouvances aux contours plus flous. Après le Nouveau réalisme, la Figuration Narrative des années soixante, viendront BMPT, Supports-Surfaces par exemple. La Figuration libre prend forme à l'initiative d'un critique.
Qu'en est-il aujourd'hui ?  Une différence majeure saute aux yeux : la disparition des groupes tels qu'ils se manifestaient dans les décennies précédentes. Certes les mouvement historiques sont eux toujours représentés par des galeries s'étant engagées à leurs côtés. Les nouvelles générations d'artistes vivent leur création de façon individuelle.  Tout se passe, me semble-t-il, comme si dans un univers désormais mondialisé de l'art, on assistait, au plan national, à une atomisation du paysage artistique. En France, cette différence avec la situation de la seconde moitié du vingtième siècle est flagrante.

Pour une "exposition Manifeste"

On peut s'interroger sur cette individualisation  renforcée de la pratique artistique. Dans le passé, parfois le regroupement trouvait son origine dans la synthèse faite par un critique (Tapié pour l'art informel, Seuphor pour l'art géométrique, Restany pour le Nouveau réalisme, Gassiot-Talabot pour la Figuration narrative...). Parfois ce sont les artistes eux-mêmes qui pour défendre une communauté de vue sur l'art  décidaient de se regrouper (Support-Surfaces), accompagnés à l'occasion par un critique ou théoricien (Marcelin Pleynet) où rassemblaient leurs énergies pour des motifs directement politiques et militants (Jeune Peinture).
Pour les jeunes générations d'artistes on peut s'interroger sur les conséquences de cette dissolution du tissu artistique, sur l'absence d'identification collective du corps artistique. Les galeries d'art contemporain peuvent contribuer à  affirmer la véritable personnalité des nouvelles formes de l'art pour peu qu'elles s'engagent elles-mêmes dans des "Expositions Manifeste", associant leur propre devenir à l'émergence de ce qui peut être révélé comme tendances, mouvements et non plus seulement faire leur "marché" dans les productions personnelles isolées.

Une galerie, pour quoi faire ? (3)

Exposition "Finir en beauté" 1981

Quand Michel Tapié présentait "Véhémences confrontées" à la galerie Nina Dausset en 1951, quand Bernard Lamarche-Vadel proposait "Finir en beauté" en 1981 dans son loft parisien pour révéler la génération que Ben appellera La Figuration libre, cette vocation porte-étendard des galeries se vérifiait. On peut observer, sur ce dernier exemple, qu'il fallait parfois trouver des lieux hors galeries pour assumer ces prises de position.

Pour une galerie du troisième type

Dans le tissu national des galeries sont identifiées comme galeries d'art contemporain celles qui répondent au critère d'une"convention d’originalité" suivant laquelle la valeur des oeuvres dépend de leur caractère novateur ( 1 151 galeries d’art contemporain en France suivant une étude du Département des études, de la prospective et des statistiques du Ministère de la culture en 2012). On peut imaginer que, sur la base d'un critère aussi peu restrictif, nombre d'entre elles s'adonnent à une activité peu sélective au regard des artistes contemporains, les autres, moins nombreuses, opérant des choix plus pointus. Parmi celles-ci,  trouve-t-on souvent l'exemple de ces "expositions Manifeste" ?
On peut rêver de voir davantage  de galeries prendre en considération cet objectif. La création artistique n'est pas un long fleuve tranquille. Elle suppose, dans l'entourage des artistes, le soutien des partenaires, notamment les galeries. Ce soutien ne peut pas s'exprimer seulement à travers les moyens de la communication, les procédures des attachés de presse. Il doit s'impliquer dans l'engagement de ces artistes en tentant de s' attacher à mettre en valeur les paramètres communs de leur démarche, en s'employant à encourager leur raison d'être collective. Une telle ambition n'est pas de tout repos,  une telle galerie ne se trouve pas sous chaque pierre du sentier de la création. Mais je ne désespère pas de faire un jour cette rencontre du troisième type.

Photo " Finir en beauté " : http://finirenbeaute.blogspot.fr/

"Les galeries d'art contemporain à Paris "
"Histoire culturelle du marché de l'art" (1944-1970)

Julie Verlaine
Publications de la Sorbonne 2012
586 pages
ISBN 978-2-85944-723-6 / ISSN 2105-5505


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