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Un étouffant millefeuille

Publié le 20 janvier 2014 par Nicolas007bis

AnémoneAlléger le millefeuille territorial est sans conteste le sujet à la mode. Le constat partagé par quasiment tout le monde est que l'empilement des strates dont les compétences se recouvrent en grande partie ajouté à la densité au sein de chacune d'entre elles, trop de communes, trop de départements et trop de régions, coute beaucoup d'argent à la collectivité. L'organisation territoriale est lourde, couteuse, et source d'inefficiences qui pénalisent l’activité économique, il faut donc faire quelque chose.

Faire quelque chose, ça fait quelques temps qu'on en parle et pourtant on a toujours l'impression de partir de zéro.

En 2008 déjà, le rapport Attali préconisait notamment de faire disparaitre les départements et en 2009 celui de Balladur parlait de fusion entre régions et de grandes métropoles. A l'arrivée, on n'a eu une toute petite avancée avec les conseillers territoriaux et la suppression de la clause de compétence générale, deux mesures que la Gauche une fois arrivée au pouvoir s'est stupidement empressée de remettre en cause.

Un premier projet de Loi porté par Marylise Lebranchu a pour objectif de créer une douzaine de métropoles, ce qui n'a véritablement du sens que si ces entités ne se rajoutent pas à tout le reste. On devine que c'est justement l'objet du second projet de Loi prévu pour Avril et qui concernera les départements et les régions. C'est sans doute à cette seconde phase qu'à fait allusion François Hollande lors de sa conférence de presse.

Le problème c'est qu'autant le premier sera voté relativement facilement, autant le second risque d'accoucher d'une souris rachitique. Déjà, François Hollande l'a annoncé d'entrée, pas question de supprimer tous les départements. En la matière, on peut espérer au mieux la suppression de quelques départements autour de Paris et d’une manière générale la fusion des métropoles et de leurs départements. Quand à la fusion des régions, il n'a pas fallut attendre longtemps pour constater que les résistances seront extrêmement fortes. Sans parler de la Picardie qui refuse de disparaitre, même des fusions qui peuvent paraitre évidentes comme celle de la Basse et de la Haute Normandie, n'ont rien d'une sinécure. La lutte d'influence entre Caen et Rouen, qui par leur histoire peuvent chacune prétendre à accueillir la capitale de la Normandie, risque de constituer un obstacle important.

D’autres regroupements qui répondent également à une certaine logique historique et géographique comme l’intégration de la Loire-Atlantique dans la Bretagne, sont loin d’être gagnés d’avance si on en croit le refus radical de Jean-Marc Ayrault.

D’une manière générale, la réorganisation des territoires se heurtera aux intérêts des élus locaux qui y perdront tout ou partie de leurs prérogatives, et cela fait du monde. Et ces élus ce sont eux qui composent le Sénat.

Tout le monde est d’accord pour réduire le millefeuille, tant qu’on ne touche pas à son pré-carré.

Pire encore, depuis la réforme territoriale de décembre 2010, aucune suppression d’un échelon ne peut avoir lieu sans la consultation par référendum de la population.

Or, en la matière, il n’y a malheureusement que de fâcheux précédents. La Corse en 2003 et l’Alsace en 2013 ont toutes les deux refusées par référendum, la constitution d’une collectivité territoriale unique. Comment imaginer la réunion de l’Alsace et de la Lorraine alors que les Alsaciens n’ont pas voulu d’une fusion entre le Haut-Rhin et le Bas-Rhin !

Ce qui m’amène à ce qui devrait être la principale difficulté à toute avancée en ce domaine, le référendum. Ce n’est pas par hasard que les opposants à la suppression des départements de la petite couronne, idée récemment lancée par Jean-Marc Ayrault, exigent un référendum préalable.

La difficulté c’est que compte tenu de la diversité du territoire national, il n’y a pas une solution unique pour toute la France. Tout est lié, on ne peut faire disparaitre tous les départements sous prétexte que les métropoles les remplaceraient. Onze métropoles ne suffisent pas à couvrir tout le territoire. De même certaines régions peuvent être amenées à fusionner d’autres non. Difficile dans ces conditions d’organiser un référendum national puisque tout le monde ne serait pas touché de la même manière selon qu’il habite à Lyon, au fin fond de la Picardie, en Charente-Maritime, en Seine Saint-Denis ou à Paris. Sans même évoquer son détournement, en pour ou contre François Hollande.

Quand aux référendums locaux, l’exemple récent de l’Alsace montre bien son caractère pour le moins aléatoire. Le risque étant de se retrouver dans une situation encore beaucoup plus compliquée que l’actuelle et en tout cas avec une organisation incompréhensible et incohérente.

D’une manière ou d’une autre, si on veut arriver dans un délai inférieur au millénaire, à réformer notre territoire, il faut passer outre le (s) référendum(s) et imposer aux élus de s’entendre sur une nouvelle organisation dont le cadre aura été fixé de manière beaucoup plus rigide et plus précise que ce qui a été fait jusqu’à présent. Sinon, et même si les mentalités semblent avoir un petit peu évolué sous la pression des déficits, il y a fort à parier qu’à l’exception de quelques décisions symboliques, rien ne change en profondeur et que le millefeuille continue à prospérer sur le dos des finances publiques.

On peut ainsi imaginer de réunir des régions afin qu’elles aient plus de poids à l’échelle européenne, ce qui aurait du sens à partir du moment où leurs prérogatives sont parfaitement identifiées et exclusives.

A condition également que les compétences des régions soient agrandies au détriment du département qui ne serait plus qu’une représentation locale de la région à laquelle celle-ci aurait délégué certaines missions.

Evidemment, seule la région disposerait d’élus.

Constituer de véritables métropoles qui seraient le cœur névralgique d’une région, est également une bonne idée, à condition qu’on n’en fasse pas une strate supplémentaire entre les communes et les départements. A condition également, que ces métropoles n’échappent pas au contrôle démocratique des citoyens.

Il faut donc que les principales prérogatives des métropoles se substituent à celles de l’ensemble des communes regroupées. Communes qui ne seraient que des sortes de représentations de la métropole au plus près du citoyen. Dans les régions ou la métropole est puissante, celle-ci se substituera au département.

Le mode d’élection municipale pourrait prévoir un vote au prorata du nombre d’habitant, au sein de chaque commune, qui constituerait l’assemblée municipale de la métropole.

En tout état de cause, procéder comme semble vouloir le faire François Hollande risque bien d’être un nouvel échec de la réforme territoriale, et dans notre situation la France va finir par s'étouffer avec son millefeuille.


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