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La sélection de la semaine : Station 16, Le chevalier d’Eon, Le théorème de Karinthy, Unité Félin, Gansta 1, Vives voix, Rolqwir, Nelson, 22 enquête explosive et Delirium

Par Casedepart @_NicolasAlbert

Pendant le Festival d’Angoulême, la sélection de la semaine de Case Départ ne s’arrête pas. Parmi ces dernières nouveautés, il y a pour vous quelques petites merveilles : Station 16 : un nouvel album de Herman, un version dessinée de la vie romanesque du Chevalier d’Eon, Le théorème de Kartinthy : une plongée dans les milieux radicaux allemands des années 80, un album sur une unité militaire d’élite : Unité Félin, le nouveau manga coup de poing des éditions Glénat : Gangsta, Vives voix : un album d’introspection d’un homme rongé par la tristesse, le deuxième tome des aventures burlesques du chevalier Rolqwir, un polar de David Chauvel : 22 enquête explosive et un superbe autoportrait de Philippe Druillet : Delirium. Bonnes lectures !

Station 16 :

entre le froid polaire et la chaleur atomique

station 16
La collection Signé des éditions Le Lombard fête ses 20 ans. Un anniversaire en grande pompe, puisqu’elle publie dans ce label, un nouvel album de Hermann et Yves H. Et comme d’habitude c’est une excellente histoire. Le duo père-fils avait déjà signé Manhattan Beach 1957, The girl from Ipanema et Liens de sang dans la même collection. Aujourd’hui, ils sont de retour avec Station 16, un récit historique et fantastique dans le grand nord de la Russie.

1997. Nouvelle-Zemble, au Nord de la Russie, proche de l’Océan Arctique. Dans un climat d’une grande froideur, une patrouille militaire russe surveille les limites de ce petit territoire au-delà du 60e parallèle. Pour s’amuser un peu, les membres de cette unité Gricka, Durak, Valentin et Sacha bizutent le nouveau venu Grigor Grigorievitch Galastine en le faisant affronter un ours polaire. Le bleu de la bande doit titiller l’animal en lui lançant une pierre et déguerpir rapidement.

En revenant à leur base située à Savernaïa, ils reçoivent un appel de détresse de la Station 16, un lieu abandonné depuis plusieurs années. Intrigué Durak, opérateur radio, en parle à son chef. Partie en hélicoptère, l’unité se pose alors sur la station dans un épais brouillard.

Ce lieu fut le laboratoire nucléaire des soviétiques entre 1955 et 1990. 135 bombes dont 87 dans l’atmosphère y explosèrent, dont une surpuissante en 1961, la Tsar Bomba, 1400 fois plus importante que celle d’Hiroshima.

Les militaires commencent leur inspection et sans grande surprise, il n’y a rien : pas un être humain, les bâtiments sont vides et la neige a envahi les baraquements. Sous les portraits de Staline, les lits sont tous bien alignés ; il y a même une salle d’opération et le poste radio, par lequel est arrivé le message reçu par l’unité, n’a plus fonctionné depuis des années. Alors quel est ce mystère ? Qui a bien pu envoyé ce SOS ? Alors qu’ils rejoignent l’hélicoptère pour repartir, un phénomène naturel se produit : une aurore boréale zèbre le ciel polaire. A partir de ce moment-là, des phénomènes surnaturels se déclenchent et les hommes de l’unité vont en pâtir…

Un nouvel album de Hermann est toujours un événement dans l’univers du 9e Art. Le récit très solide de Yves H. happe le lecteur grâce à un excellent mélange : du fantastique, de l’action et une bonne dose de suspens. L’intrigue à ressort classique est néanmoins très efficace. Les membres de l’unité de Severnaïa sont bien campés et notamment le plus jeune Grigor qui s’avérera courageux. Le sentiment d’abandon et de solitude des militaires atteint son paroxysme dans cette station militaire soviétique désaffectée où ont eu lieu des essais nucléaires d’une rare puissance. Le dessin du talentueux Hermann est toujours aussi séduisant. Les décors enneigés sont majestueux, réhaussés par des couleurs directes sublimes. Les visages sont très expressifs. Le découpage apporte une vraie dynamique au récit teinté d’un grand suspens.

  • Station 16
  • Auteurs : Hermann et Yves H.
  • Editeur: Le Lombard, collection Signé
  • Prix: 14,45€
  • Sortie: 17 janvier 2014
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Sans contre-façon, je suis le Chevalier d’Eon

le chevalier d'éon
Héros trouble, ambigu mais tellement romanesque, le Chevalier d’Eon fascine. De nombreux auteurs ont souvent raconté sa vie, ses frasques ou ses grandes réussites. L’espion androgyne, aussi à l’aise en jupe qu’en uniforme de capitaine des Dragons, fut souvent mandaté par le roi Louis XV pour accomplir des missions secrètes. C’est ce destin hors-norme, fait de mystères et d’intrigues qu’a voulu conter Agnès Maupré dans cette nouvelle série publiée par Ankama. Dans ce premier opus, Lia, le lecteur découvre le Chevalier d’Eon entrant au service de sa majesté.

Une soirée est organisée par le roi de France, Louis XV. Aidée de la Comtesse de Beaumont, Charles-Geneviève-Louis-Auguste-André-Timothée d’Eon de Beaumont dit Chevalier d’Eon, se prépare pour ce petit événement. Pour s’amuser, il s’habille en femme avec robe et maquillage. Lors de ces festivités, le souverain aimait choisir de nouvelles conquêtes féminines. L’homme déguisé en femme est alors désigné par Louis XV, qui commence à se jeter sur lui pensant que c’est une femme. Trompé, le roi entre alors dans une grande colère. C’est à ce moment-là que Madame de Pompadour, la favorite du roi, interfère auprès de son illustre amant et lui explique que c’était une supercherie.

Ce chevalier qui aime se déguiser est aussi un homme courageux, pugnace, une fine lame, très intelligent et possède une belle plume.

Peu rancunier, Louis XV convoque le chevalier à la Cour qui lui confie une mission spéciale : s’approcher de la tsarine Elisabeth et lui donner un courrier secret. Le roi aimerait que la Russie devienne l’alliée de son royaume dans un problème diplomatique avec la Prusse. Tous les ambassadeurs, depuis 15 ans, ont échoué dans cette tentative et se sont retrouvés emprisonnés en Sibérie. Grâce à son art du déguisement, il deviendra la lectrice personnelle de la souveraine russe. Pour ce voyage, il est accompagné de Sir Douglass, un noble passionné par la géologie et les pierres précieuses qui lui donnera les clefs pour devenir un bon espion. Pour approcher la tsarine, il récupère une lettre de recommandation écrite par la Duchesse de Mecklenbourg, une intime de la souveraine.

Voici une belle initiative de la part de Agnès Maupré que de s’attaquer à la vie du Chevalier d’Eon, cet homme dont l’art du déguisement est son principal atout. Né en 1726 à Tonnerre dans l’Yonne, il obtient le titre de docteur en droits civil et canon, il est ensuite recruté par le roi en 1755, il opérera sous le titre officiel de secrétaire d’ambassade. Il participera à quelques campagnes de la Guerre de sept ans et prendra une part active dans le traité qui y mettra fin en 1763. Accumulant des dettes énormes, il sera rejeté par Louis XV qui le destituera et le traînera devant les tribunaux. A la mort du souverain, il essaiera de faire chanter Louis XVI, le nouveau roi, qui refusera et lui intimera l’ordre d’accepter de porter des habits féminins jusqu’à sa mort pour récupérer sa pension. A la Révolution, il se réfugiera en Angleterre où il décédera à Londres en 1810.

Cette vie originale et si romanesque ne pouvait qu’inspirer Agnès Maupré. La jeune auteure réussit le pari fou de mettre en lumière, pour la première fois en bande dessinée, la vie incroyable Chevalier d’Eon. Tous les personnages ayant existé sont ici dépeints avec beaucoup de folie, souvent ils sont haut-en-couleurs tels le roi, la Pompadour ou la tsarine Elisabeth. Le récit dynamique est rythmé par les rencontres et les missions secrètes du Chevalier. La grande force de l’album réside dans le dessin de l’auteure de Milady de Winter chez Ankama. Le trait léger et aérien, très proche de celui de Joan Sfar, pour lequel elle a travaillé sur la version animée du Chat du Rabbin, rend admirablement l’ambiance frivole de la cour. Ajouté à cela, des couleurs à l’aquarelle magnifiques, le lecteur tient entre ses mains, un très bon album.

  • Le Chevalier d’Eon, tome 1 : Lia
  • Auteur : Agnès Maupré
  • Editeur: Ankama
  • Prix: 15,90€
  • Sortie: 24 janvier 2014

Le théorème de Karinthy :

en immersion dans les milieux radicaux

théorème de karinthy
Les éditions Des ronds dans l’O publient un polar fort et troublant Le théorème de Karinthy. Jörg Ulbert et Jörg Mailliet racontent dans cette histoire assez sombre l’infiltration d’un jeune policier dans un groupuscule d’extrême-gauche radical dans les années 80 à Berlin.

Le Hongrois Frigyes Karinthy (1887-1938) établit un modèle de relations humaines portant son nom ou également appelé Les six degrés de la séparation en 1929. Cette modélisation met en lumière une théorie qui indique que tout individu sur Terre serait relié à n’importe quel autre par une chaîne de connaissances personnelles composée tout au plus de 5 maillons. Au début des années 80, la police fédérale allemande décide de se servir de ce théorème pour retrouver des terroristes de gauche qui vivent depuis des années dans la clandestinité.

1981, Berlin. Otto, un jeune officier de police allemand, est missionné par ses supérieurs hiérarchiques pour infiltrer les milieux d’extrême-gauche radicaux. Son ultime but : Martin, un terroriste, ancien membre de Fraction Armée Rouge, qui cherche à se faire oublier mais qui est visé par de nombreuses instructions judiciaires. Pour cela, le policier s’inscrit à l’université, s’installe à Berlin Ouest et commence à écumer les lieux dédiés à l’extrême gauche (bars, boîtes, fêtes de quartier, manifestations, squatts…). Il espère ainsi forcer les rencontres et approcher les connaissances de Martin.

Dans le même temps, le terroriste arrive dans la capitale, après un temps de clandestinité, avec pour but de reprendre la lutte armée. Il s’entoure de personnes fidèles et commence son entreprise par tous les moyens. Après de multiples essais, Otto parvient à rencontrer Martin.

Extrêmement bien documenté, le premier récit de bande dessinée de Jörg Ulbert est un véritable thriller très solide qui plonge le lecteur, de manière admirable, dans le Berlin des années 80. Sur fond de Guerre Froide et dans une époque terroriste à son apogée, l’ambiance et l’atmosphère berlinoise sont très bien restituées. Berlin, qui semble presque être un personnage à part entière dans l’histoire, est bien décrite avec une grande précision. Le lecteur est happé par Le théorème de Karinthy, grâce à un subtile mélange de fiction et de réalité. Les personnages, dont Martin, sont bien campés et l’on ressent parfaitement leurs revendications ; cette envie d’un monde différent mais tellement utopique. Ce combat armé tellement vain qui commence à perdre de sa superbe dans la jeunesse allemande. Le trait semi-réaliste de Jörg Mailliet est confondant de précision. Le découpage très vif permet de rythmer ce récit très noir. Les décors magnifiques rendent bien l’ambiance des bas-fonds de la capitale allemande. Le théorème de Karinthy : un excellent polar historique pour entrer en immersion dans les milieux radicaux du Berlin des années 80.

  • Le théorème de Karinthy
  • Auteurs : Jörg Ulbert et Jörg Mailliet
  • Editeur: Des ronds dans l’O
  • Prix: 22€
  • Sortie: 23 janvier 2014

Gangsta : manga coup de poings

gangsta
Gangsta est la nouvelle série surpuissante des éditions Glénat. Ce manga ultra-violent mais à l’histoire très solide est signé Kohske. Dans un quartier sordide d’une ville imaginaire, deux hommes accomplissent divers travaux sanglants pour de nombreux clients mais leur vie de violence va être bouleversée par la rencontre d’une prostituée.

Ergastulum. Ce lieu violent, sombre et sans foi ni loi est un repère de crapules en tout genre. Les mafieux, criminels, policiers ripoux se croisent et s’affrontent souvent très violemment. Deux hommes, Nicolas Brown, mercenaire sourd, discret et qui ingurgite un nombre important de médicaments et Worick Arcagelo, gigolo et borgne, aiment y travailler. Ils accomplissent tous les sales boulots pour le compte de nombreux clients.

Un jour, ils croisent le chemin d’Alex, une jeune et belle prostituée et leur vie va être bouleversée. Ils vont la sortir de sa condition délicate. Leurs habitudes changent et de douloureux souvenirs refont surface.

Dans cet univers si singulier, il existe une race mutante de surhommes appelés twilights dont Nicolas est l’un d’entre-eux.

Gangsta est le première série de Kohske au Japon. Prépublié dans @bunch, ce manga propose un univers sombre et ultra-violent. Pourtant, le mangaka casse les codes de ce style de récits. L’histoire très solide est l’une des meilleures que l’on est pu lire depuis longtemps. Le duo mafieux composé par Nicolas et Worick est beaucoup plus complexe qu’il le laisse apparaître, notamment avec la découverte du passé du mercenaire sourd. Leurs caractères forts offrent une ouverture pour la suite de la série. Le récit se fonde habilement sur l’action, un fort suspens et des moments plus légers grâce à un peu d’humour. La ville de Ergastulum est un personnage à part entière : glauque, sombre, sale ; un lieu de perdition dont les tentacules emprisonnent les protagonistes. Le trait original de l’auteur est magnifique. Les gueules carrées de ses personnages rendent le dessin fort et sombre. Gangsta : un manga d’excellente facture ; une très belle surprise.

  • Gangsta, volume 1
  • Auteur : Kohske
  • Editeur: Glénat Manga
  • Prix: 7,60€
  • Sortie: 03 janvier 2014
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Vives voix

vives voix
Après des années de bonheur avec son amie, Benny est au bord du gouffre. Il ne répond plus de rien, pire, ses gestes entraînent de lourdes conséquences et notamment une révolution. Ces errances sont racontées dans un petit album bien écrit, Vives voix signé Baladi.

Benny, sorte d’homme-brindille rentre enfin chez lui. Après un séjour en prison, mais on ne sait pas réellement pourquoi et après avoir connu l’hôpital ; il est de retour. Après quelques échecs et de grosses dettes, il connaît enfin l’amour, un amour intense qui dure 7 ans. Mais les histoires d’amour finissent mal en général et la sienne en particulier.

Seulement cette rupture va l’emmener dans les profondeurs de la souffrance humaine. Dans un état quasi léthargique, il ne pense plus et n’arrive même plus à se lever. Sa vie est une succession de pleurs et une immense solitude. Et lorsqu’il arrive enfin à sortir de chez lui, il croise une ancienne conquête d’un soir, qu’il ne reconnaît pas.

Dans le même temps, la colère gronde dans la rue. Benny jette une brique par la fenêtre qui va coûter la vie à sept flics. Ce geste anodin va le propulser en icône d’une révolution en cours.

Vives voix est la septième aventure de Benny, concoctée par Baladi. L’auteur suisse explore avec beaucoup de justesse leurs déboires sentimentaux mais aussi les crises existentielles qui en découlent. Les blessures de l’âme et du corps sont parfaitement dépeintes. Ce récit un brin biographique met en lumière, les errances humaines, la solitude poussée à l’extrême, l’introspection individuelle mais aussi collective, avec notamment le mouvement social de colère de cette révolution. Le trait très dépouillé de décors se concentre beaucoup sur les visages épris de douleurs et de doutes. Un bel album de Baladi.

  • Vives voix
  • Auteur : Baladi
  • Editeur: Atrabile
  • Prix: 12€
  • Sortie: 23 janvier 2014

Rolqwir

rolqwir
Le plus grand des héros est le deuxième tome des aventures burlesques de Rolqwir, un chevalier arrogant, maladroit et boudeur qui vit dans le Yamoto. Cette série de Philippe Cardona et Nathalie Torta va ravir plus d’un adolescent tant l’histoire est loufoque à souhait.

Yamoto, le pays du soleil levant. Le chevalier français Jean de Rolqwir s’est rangé des combats, après avoir battu le méchant Fouivre, qui est d’ailleurs devenu son ami depuis. Dans la cité de Derrière-la-rivière, il a ouvert la première boulangerie assisté par Kippil, le renard et Maëva, la jolie jeune femme. Si son affaire fonctionne à merveille, il n’en va pas de même de son moral : il s’ennuie ferme. Pour surmonter cette profonde déprime, le petit renard a une solution, une mission digne d’un grand chevalier-héros : escorter Gruiky le cochon au concours du plus beau cochon de la Montagne-aux-oiseaux. Rolqwir prend cette charge très au sérieux, même lorsque le convoi tombe dans un guet-apens.

Mais le chevalier n’a pas le temps de se défendre que Ten-Ishi, le héros itinérant à la tête de panier en osier, intervient, ce qui a le don d’énerver notre héros-boulanger. En effet, Jean est vaniteux, arrogant, de mauvaise foi et un peu gaffeur. Après cette aide bienvenue, l’équipage arrive à bon port et Gruiky remporte le concours.

Le lendemain, fou de jalousie, Rolqwir se rend au Sentaï Dojo, l’académie des héros de Yamoto pour y quérir un stagiaire qu’il pourra façonner à son image. Son apprenti Kintaro n’est pourtant pas des plus habiles mais c’est celui que choisit le chevalier. Rapidement le jeune homme très serviable sera envié par Jean : tous les habitants du village l’adore.

Rolqwir, voilà une série jeunesse complètement burlesque. Le récit conjoint de Philippe Cardona et de Florence Torta est une gigantesque farce. Teintée d’une humour plus ou moins léger, l’histoire casse les codes de l’héroïc fantasy. Les références culturelles liées aux mangas, à l’univers geek sont multiples. Les personnages sont caricaturaux à l’extrême et c’est ce qui fait rire, comme le chevalier ou certains méchants, ce qui permet de nombreuses situations cocasses. Le héros principal est tellement obnubilé par sa réussite et sa propre personne qu’il est facile de s’en moquer. Le trait humoristique de Florence Torta est très influencé par les mangas. Les personnages sont petits avec de grosses têtes. Les couleurs pétillantes dynamisent le dessin ; cela semble facile pour une coloriste aguerrie sur des séries tel que Nocturnes rouges ou Les naufragés d’Ithaque. Rolqwir : un album jeunesse déjanté par un duo d’auteurs décalés.

  • Rolqwir, tome 2 : Le plus grands des héros
  • Auteurs : Philippe Cardona et Florence Torta
  • Editeur: Soleil
  • Prix: 10.95€
  • Sortie: 15 janvier 2014

Nelson : un tourbillon de bêtises

nelson
Créée en 2001, dans le quotidien suisse Le Matin, la série jeunesse d’humour Nelson poursuit ensuite ses aventures dans le magazine Spirou et en albums chez Dupuis. A ce jour, le petit diablotin orange a vécu plus de 3000 strips sous la plume de son papa Bertschy. Le petit animal est prêt à tout pour empoisonner la vie de son entourage, grâce à une imagination débordante. Voici son quatorzième opus, Définitivement nuisible.

Nelson est un petit diablotin orange, à la croisée d’un chat et d’un chien doté d’une queue en forme de pointe, mi-ange mi-démon. Ce petit être facétieux, espiègle et farceur, vit avec Fanny, sa jeune et jolie maîtresse dans un beau pavillon. Alors que Nelson était le roi de la maison, la jeune femme décida d’adopter un chien. A la suite d’une déception amoureuse, Fanny se rend dans une animalerie et repart avec Floyd. Alors que le vendeur en avait fait un être doué d’une grande intelligence, il s’avère que le chien est une catastrophe et très empoté. Ce qui va ravira notre diablotin préféré, qui va faire tourner en bourrique le labrador. Il sera son véritable souffre-douleur et l’utilisera pour accomplir les pires bêtises.

La vie de Fanny est alors un véritable enfer à cause de Nelson qui n’arrête pas une minute : pendant les repas, le ménage, dans la salle de bain et même lorsqu’elle passe un entretien d’embauche.

A la manière des grands auteurs américains (Charles Schultz avec les Peanuts ou Jim Davis avec Garfield), Bertschy livre une partition amusante de la vie trépidante du petit diable catastrophique. Les gags sous forme de strips en 3 cases tombent souvent justes et permettent aux jeunes lecteurs de rire de bon cœur. Le diablotin n’en rate pas une pour embêter son entourage (Fanny ou Floyd). Son imagination débordante apporte de grandes conséquences et participe à l’ambiance joyeuse dans la vie de sa maîtresse. Le trait punchy et les couleurs pétillantes de l’auteur rendent parfaitement l’ambiance humoristique de la série. Les strips qui ne comportent que peu de décors mettent parfaitement en avant les personnages, les situations comiques et les pitreries de Nelson.

  • Nelson, tome 14 : Définitivement nuisible
  • Auteur : Bertschy
  • Editeur: Dupuis
  • Prix: 10,60€
  • Sortie: 10 janvier 2014

22, enquête explosive

22 enquête explosive
Une nouvelle série policière ! Encore une ! Le premier tome de 22, enquête explosive est co-scénarisée par David Chauvel et Olivier Le Bellec et mis en images par Thierry Chavant. Il met en scène des membres de la Brigade de Répression du Banditisme (BRB) dans des enquêtes réelles ou fictives.

Dans un commissariat parisien, un homme d’une cinquantaine d’années se présente à Inès, officier de police, avec une petite fille de 6-7 ans. Perdu et le regard vide, il avoue qu’il a tué sa femme à coups de couteau après que celle-ci se soit fait violer, ainsi que sa fille. Il explique qu’il n’a pas supporté qu’elle ait été salie par le violeur. Ce style d’histoires, c’est le quotidien des policiers de ce commissariat.

En planque dans un voiture, Inès et ses deux collègues attendent l’ouverture d’un magasin. Alors que les grilles de ce dernier se lèvent, une jeune femme les interpelle et leur dit qu’elle vient d’être agressée. L’homme se trouverait encore dans le métro et les deux policiers décident de le prendre en chasse. Après une course poursuite sur les quais, l’homme tente d’étrangler l’un d’eux.

Dans le même temps, l’une des bijouteries les plus prestigieuses de la Place Vendôme se fait cambrioler. Pourtant le modus operandi est exceptionnel : la vitrine a été plastiquée d’explosifs. Ce vol est l’oeuvre de deux motards : le premier, un homme âgé, vieux de la vieille dans le métier, un spécialiste des explosifs et ancien militaire ; le second : un jeune en quête de sensations fortes et nouveau dans la cambriole. Ce dernier est d’ailleurs initié à l’art du plasticage par son collègue.

Pour enquêter sur ce vol si singulier, on fait appel aux hommes de la BRB : des enquêteurs et surtout un lieutenant stagiaire, qui ne sait pas trop où il en est. Pourtant, ils ne trouvent rien sur les voleurs, qui repartent tranquillement en banlieue sans être inquiétés.

22, enquête explosive est prévue en diptyque. Pour ce premier volume, dans un format comics, est une idée de Olivier Le Bellec, policier à la BRB. Ce qui devrait donner un gage de qualité au scénario tant les situations semblent être réelles. Pour mettre en œuvre ces nombreuses enquêtes, il est aidé par David Chauvel, le talentueux scénariste de Les enragés, Popotka ou Le poisson clown, un habitué d’excellentes histoires. Pourtant le récit de cet album est très confus fait de flash-back trop nombreux. Alors que l’on pouvait s’attendre à un album construit sur de bonnes bases grâce aux nombreuses idées d’histoires ancrées dans le réel par Le Bellec, on est déçu du résultat. Les allers-retours entre le quotidien des policiers ou les péripéties des cambrioleurs auraient pu donner du rythme mais cela semble trop fouillis. Le trait réaliste de Thierry Chavant est quant à lui très décevant. Même si les cadrages et le découpage sont dynamiques, il y a beaucoup d’erreurs concernant les visages ou les proportions. Alors que le concept de départ pouvait être franchement excellent, il déçoit. En espérant que le tome 2 soit de meilleure qualité. On est en droit d’attendre mieux de Chauvel, cet excellent scénariste.

  • 22, enquête explosive
  • Auteurs : David Chauvel et Olivier Le Bellec
  • Editeur: Delcourt
  • Prix: 14,95€
  • Sortie: 08 janvier 2014

Delirium : Famille, je vous hais !

delirium
Philippe Druillet est un immense auteur, un créateur mondialement reconnu. Avec Bilal et Moebius, il est l’un des maîtres de la bande dessinée de science-fiction. L’auteur de Lone Sloane n’avait jamais vraiment parlé de sa vie, mais à 70 ans, il s’est dit qu’il était grand temps de se raconter. Assisté de David Alliot, Druillet dresse un portrait sans complaisance de ses parents, anciens collabos pendant la Seconde Guerre Mondiale, dans le livre Delirium publié aux éditions Les arènes.

Philippe Druillet est né le 28 juin 1944 à Toulouse. Fils de Victor, engagé dans la Milice du Gers et de Denise, agent administratif de cette institution, leur deuxième enfant. Ce jour de juin, son père 52 ans est partagé entre la joie et la tristesse. La joie d’accueillir un nouveau-né et la tristesse de voir partir l’un de ses amis, Philippe Henriot, ministre de la propagande de Vichy. Affecté par cette disparition et alors qu’il voulait que ce dernier soit le parrain, Victor décide de prénommer son fils, Philippe, en hommage à cet homme politique aux idées nauséabondes.

Voilà un début de vie peu commune. L’enfance de l’un des fondateurs de Métal Hurlant, va être bercée par cette fin de règne du régime de Pétain.

L’issue d’une fin prochaine de guerre fit déserter les collabos et autres politiciens de l’autre côté de la frontière allemande. La famille Druillet prit donc le chemin de Sigmaringen. Dans ce château, en plus du gouvernement de Vichy, Victor fit la connaissance de Céline. L’auteur antisémite de Voyage au bout de la nuit deviendra même le médecin du petit Philippe.

Le 7 août 1944, un avis de recherche est alors émis à l’encontre du père et le 11 de ce même mois, un mandat d’arrêt pour « intelligence avec l’ennemi » est proclamé. La famille doit fuir et rejoint l’Espagne. Là-bas, le régime dictatorial de Franco l’accueille à bras ouverts. Ils seront même condamnés à mort par contumace.

Né en 1892, Victor a passé 20 ans sur les champs de batailles et a connu un premier chagrin, sa première femme meurt du typhus alors qu’elle n’a que 30 ans. Comme son père, Philippe connaîtra un choc lorsqu’il perdra sa femme au même âge. Policier zélé, il va monter rapidement les échelons. En 1939, il est envoyé au Perthuis pour traquer les communistes espagnols souhaitant entrer clandestinement en France. Devenu ripou, il sera ensuite incarcéré mais en 1941 mais il sera réintégré dans la police par Pétain. Il devient alors responsable de la milice du Gers en 1943.

A la mort de son père, Philippe a 7 ans, il découvre quelques mois avant l’existence d’un demi-frère, Edmond, un homme qui s’engage dans les forces françaises libres et qui avait rendu visite à la famille réfugiée à Figueras, en Espagne.

Quelques années après la guerre, une loi amnistie les anciens collabos, la mère, la grand-mère Madeleine et Philippe reviennent alors en France, dans le Gers. Les conditions spartiates et le manque de moyens financiers feront partir la famille à Paris. La grand-mère qui adore son petit-fils, devra même travailler. Philippe a alors 10 ans.

C’est ainsi que commence la vie de Druillet, délicate et qui le ronge : « Depuis 70 ans, je vis avec les fantômes d’un passé qui me révulse. Depuis des années, je dois affronter cette famille qui me hante chaque jour un peu plus. Aujourd’hui, j’ai décidé de tout envoyer valser. De tout ouvrir. De ne plus rien cacher. Aujourd’hui, je veux affronter cette histoire familiale, la regarder en face et régler mes comptes avec ce passé. » Il souligne même le fait que ce ne soit pas pour ses parents mais pour tous ceux qui sont morts, qui ont payés de leur vie et rendre justice à ceux qui ont souffert. Entre son père milicien qu’il a peu connu et sa mère qu’il a toujours haïe, les propos sont acerbes et sans complaisance. Seule sa grand-mère a grâce à ses yeux. Cette première partie du livre Delirium est poignante et presque bouleversante ; lui qui deviendra un homme à mille lieues des idées immondes de ses parents. Sa seule bouée de sauvetage, c’était le dessin, ce qui lui a permis de ne pas sombrer dans la délinquance. L’école et les enseignants, il déteste. Il se réfugie donc dans ses univers fantastiques qu’il commence à imaginer : un univers à des années-lumières de ses origines. Le lecteur se laisse ensuite bercer par la vie d’artiste de Druillet, entre les chambres sous les toits de Paris et mai 68, en passant par ses coups de cœur pour sa femme Nicole, ses excès mais aussi le parrainage et le paternalisme de René Goscinny à son encontre.

Delirium : un autoportrait sensible et sans concession pour la famille d’un immense auteur ; pour les fans de Druillet, pour les amoureux du 9e Art et pour tout ceux qui aiment les parcours atypiques. Case Départ vous recommande vivement ce livre bouleversant.

  • Delirium
  • Auteur : Philippe Druillet avec David Alliot
  • Editeur: Les Arènes
  • Prix: 17€
  • Sortie:  janvier 2014

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