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Nymphomaniac : Les deux facettes de Lars Von trier

Publié le 02 février 2014 par Unionstreet

2014 commence donc par le retour d’un grand réalisateur, banni du Festival de Cannes, qui avec deux films nous montre toujours un peu plus de perversion dans notre monde de brutes épaisses. Passé maître du marketing, les affiches de son Nymphomaniac et une bannière bien vulgaire laissent prévoir une orgie interdite aux moins de 18 ans. Un séisme qui bousculerait la morale du petit bourgeois. « Forget About Love » qu’il nous dit. Et si Lars Von Trier n’était devenu qu’un provocateur as de la communication et du buzz ? En partie, puisque le ramdam médiatique autour de son film a crée une attente toute particulière pour son nouveau film. Mais le soufflet est vite retombé face à une presse partagée et un public désorienté par ses obsessions.

Qu’est ce que Lars Von Trier si ce n’est qu’un grand esprit malade ? Capable de la plus grande des poésies comme du pire effet trash, Lars Von Trier est le réalisateur le plus controversé de ces dernières années. Capable du meilleur (souvent au cinéma) comme du pire (ses sorties de route orales, Antichrist), il se surpasse dans le scénario de Nymphomaniac qui alterne scènes succinctes de toute beauté et provocations ridicules. Le film est rongé l’âme du réalisateur.

Peut être est ce l’effet Charlotte Gainsbourg, mais depuis Antichrist, il semblerait que Lars Von Trier filme des personnages dépourvus de toute humanité qui sombre dans une incapacité à vivre avec les autres. Avant, il était plutôt question d’amour perdu dans la fatalité, de femmes martyrs. Joe, elle, est incapable d’aimer. C’est peut être la seule chose non mensongère sur les affiches du film : « Forget about love« . Et ce manque d’amour est ce qui empêche le film d’être un chef d’oeuvre. L’Etat de Joe restera toujours le même, elle quitte tout, dans l’impossibilité de renier sa nymphomanie. Dans sa misogynie sous-jacente, il semblerait que Lars Von Trier nous montre finalement un monstre qui, dévoré par ses pulsions sexuelles, ne peut être qu’une mauvaise personne, une mauvaise mère, une mauvaise femme… Une personne seule, un Moi versus le monde, qui ne peut trouver son salut parmi son entourage. Encore une fois, aucun espoir chez LVT.

Là où Lars Von Trier fait mal le travail avec Nymphomaniac, c’est que le scénario est trop apparent. L’incorrigible réalisateur glisse des répliques qui ne sont pas pensées par les personnages, mais qui sont dites par les acteurs et pensées par LVT. Comme si cela découlait de sa profonde dépression, LVT saccage son oeuvre, l’enferme dans une auto-flagellation moralisatrice malsaine (le personnage qui d’emblée se dit être a « bad human being ») où les provocations sont nombreuses. Ainsi Charlotte Gainsbourg voudrait, comme toute bonne bourgeoise, se faire prendre par deux « nègres ». Et le réalisateur insiste lourdement sur le mot « nègre » et fustige le politiquement correct et l’hypocrisie de notre société. Il ne change pas tant que ça notre homme, son cinéma est toujours un cinéma doloriste pour le pauvre spectateur pour qui ses films sont des épreuves psychologiques. Autre provocation gratuite, faire dire à l’un de ses personnages une saillie sur l’antisionisme. On se croirait à Cannes le jour où le réalisateur est devenu persona non grata. Autre instant agaçant, le clin d’oeil à Antichrist (le gamin, le sexe, la neige, Haendel) dans la partie deux de Nymphomaniac. Est ce que Nymphomaniac n’a de sexuel que la branlette intellectuelle de son auteur ?

S’il est vrai que les conversations dans la chambre (la pêche, l’orgue, les fourchettes, l’église d’Orient et d’Occident...) peuvent laisser perplexes par leur didactisme plombant et que Lars Von Trier ne brille pas par le choix de sa soundtrack classique so mainstram, Nymphomaniac est, comme tout ses films, fascinant. Finalement, il n’a pas entièrement perdu son génie et, même s’il essaye de nous vendre un film froid où le personnage ne peut vivre que dans la solitude et sans amour, offre des courts instants splendides. Une fille qui se promène dans la forêt avec son père, un arbre en haut d’une montagne totalement courbé par le vent mais qui se tient toujours là, un Jérôme dans sa voiture les larmes aux yeux, un écran divisé en trois sur une symphonie de Bach, un père mourant en noir & blanc … Les instants de grâce ne manquent pas dans Nymphomaniac, comme des sursauts involontaires de la part du réalisateur. Alors que les scènes de sexe laissaient présager un film horriblement réaliste, le réalisateur s’en détache totalement pour apporter une poésie qui pourrait venir de la mythomanie du rôle de Charlotte Gainsbourg. Son premier orgasme à douze ans, entourée de la putain de Babylone et Messaline, le perpétuel retour de Jérôme dans l’intrigue … Tandis que plusieurs fois Seligman s’interroge sur la véracité de l’histoire de Joe, celle-ci lui demande si son récit ne lui serait pas plus profitable en y croyant qu’en y croyant pas. Il faut donc accepter le fait que peut-être nous ne saurons jamais la vraie histoire de Joe. Le film prend une tournure bien plus intéressante.

nymphomaniac

Joe est une nouvelle sorte de personnage dans un film de Lars Von Trier. Loin du sacrificiel, loin du martyr, Joe a tout quitté de son plein gré car elle a décidé de vivre : c’est à dire de reconnaître sa nymphomanie. Ce n’est pas la société qui l’a abîmé, ni l’amour (elle est incapable d’aimer) ou encore moins les moeurs bourgeoises dont elle se moque. Du jour au lendemain, elle ne peut plus rien ressentir de sexuel (c’était là que se terminait le premier film) et elle va décider de multiplier les nouvelles expériences pour retrouver ce plaisir charnel. Masturbation, S&M, double pénétration, homosexualité, tout y passe mais rien n’y fait. Joe devient un personnage solitaire qui décide de vivre hors du monde mais qui, grâce à l’art rhétorique, trouve en Seligman son premier vrai ami. Ils sont opposés, elle, nymphomane et lui, vierge et asexué. Au point que lorsqu’elle choisira l’abstinence, Seligman fera un choix qui conclura le film d’une façon très « LarsVonTrierienne ».

Ce qui est étrange avec Nymphomaniac c’est que l’on persiste à se demander si Joe était amoureuse de Jérôme. Comme si on voulait nous trouver une raison de l’apprécier. Cette relation est passionnante et LVT gâche ça avec des idées pas toujours positives. J’espère profondément que Joe a été une femme amoureuse, cela rendrait la deuxième partie véritablement poignante : comment une femme peut elle vivre alors qu’elle ne ressent plus rien. C’est encore moins tolérable que de n’avoir jamais rien ressenti. On pourrait alors comprendre pourquoi Joe est si violente vis à vis d’elle même. C’est un personnage magnifique crée par un réalisateur égocentrique et provocateur qui avait l’air de s’amuser sans se rendre compte de l’or qu’il avait dans les mains. D’où ce sentiment d’inachevé. Rarement un film de Lars Von Trier (il y a eu The Direktor) n’avait été aussi drôle. Grotesque (le chapitre avec Uma Thurman) et absurde (la collection de sexes, Willem Dafoe, humiliation à l’urine) se confondent tandis que Joe est en enfer et s’assume. Nymphomaniac c’est en définitif le personnage féminin le plus passionnant de l’univers Von Trier, après Dogville, avec l’horrible impression que l’on se fout de notre gueule. L’Art de Von Trier c’est d’avoir injecté à son film les deux éléments qui façonnent son identité : la fascination et le dégoût.

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