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Ntifa, Foum Jemâa et leur Communauté Juive.

Publié le 05 février 2014 par Feujmaroc

Cet article de Mr Aomar BOUM, nous éclaire un peu sur l'histoire de cette région du Maroc (Tadla-Azilal) et de sa population juive, aujourd'hui quasiment disparue. Nous n'avons pas beaucoup de détails de ce coin de pays, en voici quelques détails.

Georges SEBAT

Notables Juifs à Foum Jmâa.

Notables Juifs à Foum Jmâa.

Ntifa (Foum Jemâa, et région)

Ntifa (Ar Ntifa) fait référence à une confédération tribale dans les montages du Haut Atlas, dont la région s’étend du Sud de Tadla, longeant les Ait Atab, Ait Msad et Azilal à l’Est, Beni Moussa au Nord, Sraghna à l’Ouest et Tanant au Sud. Dans la majorité de l’année, en dehors des terres cultivées proches de sources d’eau dispersées et de l’Oeud El Abid, les plaines du Haut Atlas proches de Bzou et Foum Jemâa sont sèches et arides.

La géographie et la nature du climat de la région explique son appellation de « Ntifa » (ntaf relate des herbes à récolter). Bzou et Foum Jemâa étaient importantes économiquement car elles reliaient Marakech et Demnate avec Fès via Boujaa et Tadla. Un groupe de hameaux, Bzou est bien connue comme un centre d’apprentissage religieux, mais également pour sa prospérité économique qui précédait Foum Jemâa. En Septembre et à la fin de chaque saison de récolte, les Musulmans organisaient le Festival du pèlerinage (mawsim) du Sidi El Seghir Ben El Manyar, en présence de toutes tribus avoisinantes. Foum El Jemâa fut un autre centre économique majeur de Ntifa, important stratégiquement, économiquement, mais également religieusement de par la croissance de la confrérie Nasiriyya au 18ème Siècle.

Les origines des juifs de la région Ntifa sont inconnus, mais il ne faut probablement pas aller plus loin que le 18ème Siècle. Les communautés juives de Foum Jemaa et Bzou étaient les plus importantes à Ntifa. Les juifs de la région ont retracé leur origine du Dadès et de la Vallée du Todgha.

Bzou et ses environs, étaient particulièrement bien connus, car ils étaient le site de tombeaux de plusieurs Saints hommes vénérés. Peut être le plus important fut le tombeau de Rabbi Yossef Abajayo. Comme plusieurs Saints Juifs Nord Africains ((Heb/Jud-Ar : saddiqim), il était dit avoir été un rabbin émissaire (meshullah ou shadar) de la terre sainte, qui vint au Maroc recueillir des dons mais qui mourut à Tabia vers 1920 et fut enterré près de Bzou. Comme plusieurs légendes hagiographiques, sa sainteté fut révélée après sa mort. Un pèlerinage (Ar :ziyara) lors de sa hiloula (jour de la mort du Saint) fut organisé après le départ des juifs de la région. La communauté juive de Bzou vivait dans le Mellah (Ar : mallah) de Tigdmin, au nord du site de pèlerinage musulman de l’ordre religieux (zawiya) de Sidi El Seghir ben Al Manyar, et proche du tombeau du Tsaddik Moul El Borj (Propriétaire de la tour).

Ntifa, Foum Jemâa et leur Communauté Juive.

Tombe du Tsaddik Sidi Moul El Borj - Bzou.

Le plus grand  et le plus important mellah de Ntifa fut Foum Jemâa. Quand Charles de Foucauld traversa Foum Jemâa en 1883, il découvrit le marché du lundi (Tnayn Ntifa) pour lequel la ville était célèbre. Il rapporta que ses habitants se dénombraient approximativement à 1500 personnes, parmi lesquels 200 juifs impliqués dans le commerce avec les communautés de Bzou et Demnate.

D’autres mellahs de la région au milieu du 20ème siècle étaient Tanant, Tizouknatine, Bouhrazen, Ait Tagella et Tabia. La population juive de Foum Jemâa a augmenté au 20ème siècle. Depuis que la ville et son grand marché hebdomadaire du Lundi demeurait un centre important de la riche production d’amande. Les juifs y migrèrent en délaissant et laissant disparaître les mellahs de la région. En 1936, la population de Foum Jemâa atteignit 5728 personnes, parmi lesquels 741 juifs. En 1956, juste avant la période d’émigration juive en masse, le nombre de juifs de Foum Jemâa se chiffrait encore à 700 âmes, approximativement.

La connexion grandissante des juifs de Ntifa aux autres communautés juives, fut attestée en 1880. Sur la base de rapports reçus, il était mentionné que le gouverneur de Ntifa avait battu à mort un important juif, nommé Jacob Dahan qui était accusé de relations sexuelles interdites avec une femme musulmane, les représentants de l’étranger à Tanger, protestèrent auprès du Makhzen. L’incident de Ntifa devint une « cause célèbre » pour les organisations juives étrangères ainsi que le corps diplomatique au Maroc, cela arriva juste après la conférence de Madrid en 1880, qui avait œuvré à régler le problème des « protégés » indigènes (spécialement les juifs) qui jouissaient des privilèges extraterritoriaux accordés aux puissances étrangères.

Ntifa, Foum Jemâa et leur Communauté Juive.

Petits élèves juifs de l'AIU dans la région de Ntifa - Village d'Ait Taguella.

L’éducation moderne ne fut pas introduite dans la région de Ntifa avant 1953, quand l’Alliance Israélite Universelle ouvrit une école à Foum Jemâa ;  elle ne demeura que quelques années, du fait de l’émigration vers Israel de la communauté. En 1956, presque toute la communauté de Foum Jemâa avait fait leur Aliya (émigration), mais à cause de politique d’émigration sélective Israélienne (seleqseya), le départ de la majorité de la communauté fut reporté et eut lieu seulement après l’Indépendance du Maroc. En 1964, presque tous les juifs de Ntifa avaient émigré, mais seulement quelques uns restaient à Bzou, ils continuèrent leur commerce dans la région jusqu’aux années 1990, quand le dernier juif de Bzou décéda.

Aomar BOUM

Article paru dans le Journal

“Encyclopedia of Jews in the Islamic world”

Lundi 18 Juillet 2011


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