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De l’argent facile au risque d’une ruine de l’âme

Publié le 13 mai 2008 par Denis_castel

De l’argent facile au risque d’une ruine de l’âme

"La prostitution et ses tarifs faramineux sont une tentation bien trop grande lorsqu’on manque d’argent et qu’il faut le trouver dans l’urgence" résume Laura D, qui livre, dans un ouvrage rédigé avec l’aide de Marion Kirat et publié chez Max Milo, "Mes chères études - Etudiante, 19 ans, job alimentaire : prostituée", son témoignage d’étudiante amenée à se prostituer pour payer son loyer et ses repas.

Laura est donc étudiante en première année de Langues Etrangères Appliquées, espagnol et italien, dans une ville de province dont on saura seulement qu’elle est située à deux heures de train de Paris. Entre des parents à la situation trop modeste pour pouvoir l’aider financièrement mais pas assez pour qu’elle puisse bénéficier d’une bourse, un petit copain plutôt à l’aise financièrement grâce aux siens mais trop égoïste (ou pas assez amoureux ?) pour concevoir de contribuer plus qu’elle aux charges de logement et d’alimentation, et un petit boulot dans une société de télémarketing qui lui rapporte un salaire trop dérisoire pour le temps qu’elle doit y consacrer, Laura se trouve vite asphyxiée et condamnée à rogner sur tous les postes de dépenses, y compris son alimentation, allant jusqu’à mettre en péril sa santé.

La solution, elle croit la trouver un soir sur Internet, dans des annonces où des hommes plutôt mûrs cherchent des jeunes femmes pour des "massages". Commence alors ce qui sera pour Laura une lente déchéance, faite de rendez-vous dans des hôtels glauques ou de passes dans des parkings. Autant le début du livre et les passages consacrés à sa vie d’étudiante sont convenus voire totalement plats, autant Laura, lorsqu’elle détaille quelques-uns de ses rendez-vous avec ses "clients" et la façon dont elle vit (mal) sa condition d’étudiante prostituée, arrive à nous faire sentir avec un certain souffle les affres qu’elle traverse, déchirée entre la tentation de cet argent vite gagné, et la culpabilité et le dégoût qui l'assaillent.

Il est vrai que, sur le plan strictement financier et nonobstant les jugements moraux, le calcul est vite fait. Pour une étudiante comme Laura, quinze heures au SMIC dans une entreprise de télémarketing, cela doit faire un salaire maximum de 450 euros à la fin du mois pour 60 à 70 heures de travail, autant de temps qu’elle ne pourra pas consacrer au travail personnel qui doit compléter les cours suivis à la fac. Dix passes à 150 euros l’heure, ce qui semble être le tarif moyen pris par Laura à ses clients, cela fait 1.500 euros à la fin du mois pour 10 heures de "travail". Vingt passes, cela fait 3.000 euros.

Mais cela relève du domaine du conceptuel. Parce que les dix ou vingt clients, il va quand même falloir a minima leur faire une fellation et se laisser pénétrer (et s’ils sont là, prêts à payer, c’est que la plupart d’entre eux doivent être loin de ressembler à George Clooney), voire plus (ou pire, chacun jugera) comme le raconte Laura. Et faire face, pendant et après, à la sensation de saleté et de souillure, au sentiment de dégoût de soi-même et à la culpabilité. En tout cas pour Laura, pour qui la prostitution n’est pas vraiment choisie et assumée mais plutôt contrainte. Je ne suis pas sûr qu’il en soit de même pour toutes les escort girls, étudiantes ou pas, qui offrent leurs services sur Internet. Il faut lire à ce sujet la très intéressante postface d’Eva Clouet, auteur chez le même éditeur d’un ouvrage consacré à prostitution étudiante sur Internet.

De l’argent facile au risque d’une ruine de l’âme

La plupart de ces escort girls qui affichent des tarifs à 300 euros l’heure (il suffit de chercher sur Google), semblent avoir un surmoi suffisamment atrophié pour vivre sans états d’âme leur condition de prostituée tout en en tirant de confortables revenus. Il est vrai qu’il s’agit là de prostitution plus haut de gamme que celle qui doit se pratiquer dans les bois de Boulogne ou de Vincennes.

Je laisse aux bonnes âmes les jugements moraux sur la prostitution et ses risques sanitaires et physiques. Il incombe plutôt à chacun de savoir jusqu’où il ou elle serait capable d’aller pour faire face au dénuement ou à la nécessité de nourrir ses enfants et les sentiments que cela lui inspirerait. Pour ma part, j’avoue que je ressentirais une profonde répulsion à aller sucer des mecs ou me faire sodomiser, même contre plusieurs centaines d’euros. Mais si l’homosexualité ne me choque pas, elle ne m’a jamais attiré non plus et je reste un pur hétéro. En ce qui me concerne, la question serait donc plutôt de savoir comment je vivrais (à l'instar du personnage incarné par Daniel Auteuil dans "Mauvaise passe") d’aller faire des cunnilingus à quelques grosses et moches sexagénaires ou septuagénaires en mal d’amour, que l’on dit pouvoir rencontrer dans une grande brasserie du boulevard du Montparnasse, sans me sentir ni sale ni coupable ?

Quoi qu'il en soit, et même si c'est un truisme que de le souligner, le témoignage de Laura, qu'il ait un effet de loupe ou qu'il ne soit que la partie émergée d'un phénomène de prostitution étudiante qui prendrait de l'ampleur, n'est pas moins éclairant que les statistiques de l'INSEE sur l'évolution du pouvoir d'achat.

NB : L’utilisation de la fonction "Prévisualiser" des commentaires est toujours à éviter si vous ne voulez pas voir disparaître ce que vous vous serez échiné à taper. Merci Lycos et B2 Evolution !


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