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Il paraît que les voyages forment la jeunesse

Publié le 13 mai 2008 par Chondre

Je me souviens comme si c’était hier de mon premier grand voyage en Amérique du Nord. Je sortais de deux mois cauchemardesques de veilles en rééducation neurologique à la Pitié-Salpétrière et nous avions passé des semaines à organiser notre premier grand voyage. Nous étions à l’époque étudiants (donc fauchés) et avions planifié dans le moindre détail trois semaines (deux pour moi car je devais rentrer plus tôt en France) de vacances aux États-Unis et au Canada. Point de business class ni d’hôtels luxueux, mais des billets charters pourris pourris et des réservations en auberges de jeunesse qui sentent le poney à plein nez. Le prix des billets d’avions était imbattable: trois cents petits euros pour un Paris New York. Nous ne connaissions pas la compagnie. L’hôtesse du CROUS qui nous avait vendu les billets nous avait assuré que nous ne serions pas déçus. Et nous ne l’avons vraiment pas été. La conne.

La première épreuve du voyage fut l’arrivée en temps et en heure à l’aéroport. Snooze et moi-même n’avions pas été brillants cette année là et nous devions passer des examens en septembre. Les épreuves se terminaient à 12h30 et l’heure limite d’enregistrement à Roissy était deux heures plus tard. Nous avons donc été parmi les derniers à enregistrer et avons obtenu les places les plus pourries de l’avion, tout au fond à côté des toilettes. Après avoir poireauté quatre longues heures en salle d’embarquement (les salauds de pauvres passent toujours après les vols réguliers), nous avons enfin décollé pour rejoindre New York. Il fut un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître, le temps ou il était possible de fumer un peu partout, et notamment à l’arrière des avions. Nos places étaient en zone fumeur et avons absorbé l’équivalent de plusieurs dizaines de cartouches de cigarettes pendant huit longues heures. Nous étions coincés dans la quatrième dimension. Tous nos voisins clopaient comme des porcs et il était impossible de voir à plus de trois mètres. Cancer du poumon mon ami.

Air One avait un je-ne-sais-quoi de plus. La compagnie avait inventé l’extremely low cost avant l’heure. Toutes les hôtesses avaient dépassé leur date de péremption depuis de nombreuses années (détail vraiment machiste mais qui a son importance). Chacune était dépareillée, vêtue d’un uniforme différent masqué par un immonde tablier jetable en plastique blanc. Elles portaient également des gants Mappa roses pour servir le plateau repas. Les boissons étaient en option ainsi que les journaux ou l’unique film diffusé sur des télévisions minuscules fixées au plafond du couloir. Il fallait ainsi payer cinq dollars pour obtenir de l’hôtesse des écouteurs. De toutes les façons, le fog ambiant empêchait de distinguer les écrans. Nous avons atterri tard dans la soirée. Il était temps. Les toilettes étaient bouchées et il ne restait plus aucun sac à vomi en réserve.

Fin 1993 (moui moui, ce voyage date un peu), New York était une ville différente. L’indice de criminalité était important. Rudolph Giuliani venait d’être élu maire. Les rues étaient dégueulasses, les quartiers du nord de Manhattan ne s’étaient pas boboisés, prendre le métro après minuit était hasardeux. Il était possible a contrario de visiter très simplement de nombreux buildings et la vue des tours jumelles était fantastique. Nous ne dormions pas au sud car nous avions eu la bonne idée de réserver des places dans les dortoirs à douze lits de l’auberge de jeunesse située à Harlem sur Amsterdam Avenue, au niveau de la 110 rue. Le quartier a depuis été nettoyé pour devenir très tendance. A l’époque, les murs étaient surmontés de fils barbelés et les gardiens passaient leur temps à faire des rondes. De l’extérieur, l’auberge ressemblait plus à Alcatraz qu’à un endroit convivial et chaleureux pour étudiants fauchés. La nuit, les sirènes des voitures de police empêchaient tout sommeil réparateur et il était conseillé de dormir attaché à son sac à dos. Ambiance.

Tous les guides précisaient que les touristes se faisaient souvent arnaquer en sortant de l’aéroport. Nous avons tout d’abord tenté de rejoindre Manhattan en empruntant les transports en commun. Il faisait nuit et cette option nous a été déconseillée par un policier. La seule option qui se présentait à nous était le taxi. Il fallait faire attention et bien prendre un taxi jaune à damier car de nombreux faux taxis rodaient aux alentours. Ce qui devait arriver arriva. Après avoir demandé le prix moyen de la course à un conducteur véreux et après avoir accepté le tarif proposé (30 dollars), le piège s’est naturellement refermé sur nous. Nous arrivions par l’ouest et la vue était fantastique. Les buildings longeant l’Hudson river étaient tous éclairés. L’empire State était majestueux et nous pouvions même distinguer au sud un bout des tours jumelles. Le moteur commença à faire un bruit bizarre et le taxi a soudainement ralenti. Teuf-teuf-teuf-pchouit (bruit du moteur qui tousse). Deux directions s’offraient à nous: Le Bronx ou Downtown Manhattan via le Holland Tunnel. Le deal était simple. Soit nous donnions au chauffeur l’intégralité de notre liquide (160 dollars), soit le fils de sa mère nous débarquait au beau milieu du Bronx. Il y avait certainement un cadavre dans le coffre et du crack sous son siège. Nous sommes finalement arrivé à bon port, délestés d’une partie de nos économies.

Mother fucker. Les vacances commençaient bien. La suite fut aussi agitée. Cette petit expérience ne nous a pas empêché de tomber amoureux de la ville et d’y retourner une bonne dizaine de fois, dans d’autres conditions, à différentes périodes de l’année, d’être touché par certains événements, d’y vivre de nombreux plans loose et d’y faire de délicieuses rencontres. Depuis, Air One a fait faillite, les putes et les dealers ont déserté les alentours de la gare routière, la vue est plus dégagées au niveau de Battery Park, on trouve des Starbucks à tous les coins de rue et les transports en commun sont bien plus surs.


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