Magazine Culture

Bowie/Burroughs

Publié le 08 février 2014 par Hunterjones
Bowie/Burroughs Dans le livre Wild Boys de Williams S. Burroughs, l'arme privilégiée de ses "garçons sauvages" est un couteau Bowie.
David Bowie n'a jamais choisi son patronyme en l'honneur du livre (qui ne serait public que 5 ans plus tard de toute façon) mais bien en l'honneur du couteau. Versant autour de 1966 dans la philosophie, il tentait de trancher au travers des mensonges de la vie et s'était affublé de ce surnom pour associer image et motivation.
Quoiqu'il en soit, Burroughs et Bowie se sont rencontrés il y aura 50 ans cette année, et tous deux se sont lourdement inspirés l'un de l'autre suite à cette rencontre orchestrée alors par le magazine Rolling Stones.
Bowie/Burroughs Fin 1973, Bowie est à la croisée des chemins. Il assassine Ziggy sur scène, son public explose et revisite ses albums passés le rendant riche. Bowie devient le guide de Lou Reed en solo, écrit pour Mott the Hoople et se fait le parrain d'Iggy et de ses stooges.
La Ziggymania est à son zénith et l'album suivant en bénéficiera largement. Marc Bolan et Rod Stewart, ses principaux rivaux, n'ont pas le mystique (le côté androgyne qui intrigue entre autre) pour le rejoindre au sommet. Seul Elton John, et parce qu'il cède à la même flamboyance et ambiguïté sexuelle, réussit à suivre la parade. Certains tentent vainement de copier Bowie, mais trempant dans le désespoir plus que dans l'habileté artistique.
Bowie/Burroughs
Bowie est alors plus qu'une pop star, il est le leader d'une culture artistique.
Et comme pour Bob Dylan une décennie auparavant, ça l'effraie.
William S. Burroughs en était, lui, dans les derniers moments de son séjour à Londres, débuté en 1968. Mieux connu pour l'invention de sa technique de cut-up que pour ses oeuvres chez le grand public,  il avait publié Wild Boys la même année que Bowie s'inspirait des droogies de Kubrick dans A Clock Work Orange pour créer Ziggy Stardust.
Bowie/Burroughs Pour Burroughs, qui publiait depuis 20 ans avec des succès d'estime mais qui n'avait jamais goûté à l'aventure "grand public", rencontrer Bowie au sommet de la montagne, c'était embrasser la célébrité sur écran géant (bien qu'ils n'existaient pas encore). Burroughs avait déjà tâté du glamour avec un grand G en frayant avec Paul McCartney entre 1965 et 1966, ce qui lui avait valu un salut sur la pochette de Sgt.Pepper's Lonely Hearts Club Band de la part du Beatle.
Des groupes de musique naissants, Insect Trust et Steely Dan, feraient un clin d'oeil à l'oeuvre de Burroughs dans leur nom de band.
Bowie/Burroughs Les besoins de Bowie étaient peu évidents et ceux de Burroughs, issu d'une famille giga-riche qui avait coupé les ponts avec lui, étaient tout aussi diffus, mais dans les deux cas, on cherchait une "redirection de carrière." Il y avait urgence de part et d'autre.
Au début des années 60, Burroughs et son ami le peintre Brion Gysin, avaient aussi développé la cut-up technique visuelle, c'est-à-dire applicable à la peinture. Les ancêtres du scrapbooking sont Burroughs et Gysin. Bientôt, Bowie appliquerait ça aux sons.
Bowie/Burroughs Bowie, ayant lu Nova Express de Burroughs en prévision de la rencontre avec l'auteur, un livre écrit avec la méthode de la cut-up, trouva cette nouvelle manière de créer si agréable qu'il l'appliqua aussitôt à son projet suivant: une adaptation du livre de George Orwell 1984, fusionné à l'univers de William S. Burroughs.
Bowie/Burroughs La famille Orwell, effrayée par les idées de Bowie, refuserait de lui donner l'accord d'utilisation du matériel du grand George, mais Bowie teinterait les 6 années suivantes de réalisme social germanique au passé punk croisé de science-fiction. Diamond Dogs, lancé en 1974 sera son album le plus Ballardien.
Bowie connaissait son public et il voulait grandir, se transformer, au même rythme que ceux-ci se transformaient. Avant même le début des années 80, il s'en éloignerait toutefois, se relocalisant en Allemagne et refusant tout type de promotion pour ses albums. Tournant presque le dos à la machine musique. La business du moins.
Bowie/Burroughs
Le personnage du martien qu'il avait joué pour Nic Roeg allait devenir Bowie. Aliéné de sa planète.
Le truc étant de déserter avant que le public ne choisisse de le déserter.
L'album Low lancé en 1977 allait emprunter des sons entrecoupés (des loops), des collages sonores de Brian Eno et même une langue inventée, techniques qui avaient William S. Burroughs à la racine.
Bowie/Burroughs
Celui-ci pour sa part reviendrait vivre aux États-Unis, effectuant des tournées de lecture et apprenant à se mettre lui-même en marché, sur scène, dans les espaces publics, sur disque, en clip, en film,  jusqu'à tard dans les années 90 touchant enfin de la richesse dont l'underground l'avait séparé de son héritage familial bourgeois.
La rencontre Bowie/Burroughs était publiée dans le Rolling Stones il y aura 40 ans le 28 février prochain.
William S. Burroughs aurait eu 100 ans mercredi dernier.

Retour à La Une de Logo Paperblog