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Musique et révolution (2/2) : où en est la « musique alternative » égyptienne ?

Publié le 26 février 2014 par Gonzo

logo-1_0Ma3azefOn a déjà salué dans ces chroniques la naissance, il y a quelque temps déjà, du site Ma3azef, créé avec le soutien du Fonds arabe pour les arts et la culture et de Eka3 (lire إيقاع). Régulièrement, Ma3azef publie, essentiellement sur la musique arabe actuelle, des études passionnantes. Elles n’ont qu’un seul défaut – de ce côté-ci de la Méditerranée s’entend –, celui d’être en arabe, et donc pas forcément accessibles à tout le monde !

En novembre dernier, tout un dossier a ainsi été publié à propos des industries musicales arabes et de la commercialisation galopante de ce secteur. La première partie est théorique avec des textes de Theodor Adorno et des commentaires de Gilles Deleuze sur la musique (à travers un article de Ian Buchalan intitulé Deleuze and Pop Music. La seconde propose des études sur la production musicale actuelle, avec notamment un texte d’Ahmed Nagy, un jeune écrivain et journaliste égyptien (il est né en 1985).

Celui-ci revient sur la “chanson alternative” (الأغنية البديلة), un phénomène ancien qui a pris un tour différent tout récemment dans le contexte des soulèvements populaires de 2011. Ahmed Nagy commence par retracer les origines de cette production musicale en réaction à la mise en place, durant la période nassérienne, d’un secteur culturel étatique hégémonique. Avec pour conséquence la « sacralisation » de certains artistes, en même temps que la marginalisation de formes musicales, notamment « populaires ». Dans les interstices de cette scène culturelle officielle, quelques voix ont parfois réussi à se glisser et à même affirmer leur présence dans le temps, souvent pour des raisons en partie idéologiques (Cheikh Imam en est le meilleur exemple).

Dans les dernières années du siècle passé, la situation a évolué. La culture a perdu de sa centralité dans le dispositif étatique, ce qui a permis l’arrivée progressive, conjointement à la libéralisation de l’économie, de nouveaux acteurs (étrangers ou soutenus depuis l’étranger). Le développement de nouvelles facilités techniques (cassettes audio puis internet et les techniques numériques en général) a également contribué à accroître la souplesse du dispositif de production culturelle. Dans la limite des lignes rouges fixées par le pouvoir, les acteurs « à la marge » (plutôt qu’en marge) du système ont ainsi été en mesure de s’exprimer davantage, avec une place à eux à l’intérieur du champ culturel, quelque part à côté des artistes-fonctionnaires et des chanteurs commerciaux.

Avec les manifestations de la place Tahrir en 2011, cette « chanson alternative », puisque c’est ainsi qu’on la nomme, s’est trouvée propulsée sur le devant de la scène, souvent au sens propre du terme lorsqu’il s’est agi des prolongements festifs des manifestations, avec bien entendu des conséquences sur le statut de ce secteur de la création musicale. Ahmed Nagy observe ainsi que des institutions telles que la fondation Al-Mawred ou Sâqiyat al-Sawi (ساقية الصاوى), « piliers » traditionnels de la création alternative, ont dû en quelque sorte s’adapter au nouveau contexte en redéfinissant, dans les faits, la chanson et plus largement la musique dites « alternatives ». Cela s’est produit en particulier via l’intégration à leur programmation de formes naguère totalement marginales (à la fois socialement, culturellement, esthétiquement et économiquement), telles que la chanson “techno-chaabi” dite mahragan (voir ce billet).

Parallèlement, les industries culturelles locales ont aussi commencé à tenir compte de la nouvelle donne, phénomène que reflètent bien les campagnes publicitaires des deux principales sociétés de sodas (Coca et Pepsi), rituellement axées autour d’une figure musicale : depuis la révolution, les anciennes « stars », y compris lorsqu’elles ont manifesté leur soutien (au moins de façade) aux soulèvements populaires, ont été écartées au profit de groupes “alternatifs” tels que Cairokee ou Eskendarella. Avec pour conséquence que le caractère « marginal » de cette production, ou si l’on préfère son cachet « alternatif », devient de plus en plus sujet à caution, et même à interrogation.

La rotation des modes culturelles, qui permet cette recomposition permanente au sein du champ permettant à des acteurs marginaux d’occuper, aux dépens d’autres, un placement de plus en plus central, est en réalité la condition nécessaire au fonctionnement de ce champ. S’il était totalement statique, ce dernier ne pourrait « fonctionner » faute d’une compétition assez ouverte. Il faut en effet que les acteurs bénéficient d’un minimum d’autonomie, au moins en apparence, pour qu’ils puissent rivaliser afin d’incarner, dans tel ou tel contexte, la légitimité esthétique du moment. Finement analysé par Ahmed Nagy dans le cas de la chanson alternative égyptienne, ce phénomène concerne bien entendu l’ensemble des champs artistiques et culturels. On pourrait ainsi développer des analyses comparables avec le rap marocain de Muslim évoqué la semaine dernière.

En plus de sa pertinence, une telle sociologie de la culture a également un autre avantage, celui de permettre un minimum de méthode dans l’observation, la description et l’analyse des phénomènes, musicaux et plus largement culturels. Céder trop facilement à l’émerveillement naïf devant la chanson, l’art, et même les techniques de communication « révolutionnaires » (rappelons-nous de la « révolution Facebook » chantée sur tous les tons lors du « printemps arabe »), non seulement n’aide pas à la compréhension des choses, mais peut même être considéré comme une simplification révélatrice, dans certains cas, d’une bonne dose de suffisance (de sentiment de supériorité si l’on préfère) chez l’observateur, spécialiste et/ou relais médiatique de ce qu’il prétend observer.

Fidèle à l’esprit plutôt qu’à la lettre — et aussi je l’espère à son sens – voici ci-dessous ma traduction (qui reste à peaufiner) du texte d’Ahmed Nagy. Un exercice qui intéressera je l’espère les lecteurs… Le texte arabe est accompagné de liens Internet vers des vidéos qui constituent un autre apport intéressant. Nombre de ses références et parfois de ses allusions sont traitées dans différents billets récapitulés (en septembre dernier) ici.

La fin de la chanson alternative ?

Brève introduction historique
Nasser et ses compagnons de route ont mené, à partir des années 1950, une opération de transformation radicale, non pas seulement du cadre général de l’État et de ses appareils, mais plus largement de la société et du contexte général, lesquels devaient être soumis à l’action d’une énorme machine qu’on n’a jamais vu apparaître en totalité mais à laquelle on a donné par la suite le nom de « projet nassérien avorté » !

L’art et la culture faisaient partie des domaines soumis à cette opération de « mise au pas », à travers la mainmise de l’État sur les médias et l’édition, puis la radio, le cinéma et la télévision. Par la suite, cette opération a gagné l’ensemble du secteur de la production culturelle et artistique, après la nationalisation des journaux, des sociétés de production artistique, sous différents prétextes.

Dans le domaine de la chanson, l’action de l’État nassérien s’est fait sentir, pour l’essentiel, de deux manières. D’un côté, la prise de contrôle des instruments de production et de diffusion pour prendre en main la chanson arabe et égyptienne et donner une sorte d’aura de sainteté aux vedettes bien en cour (Abdel-Halim Hafez et Oum Koulthoum par exemple), tout en marginalisant les autres, soit à cause de leur appartenance à l’ancien régime (Safar Ali, Fuad Abdel-Moheid), soit en considérant que leurs chansons n’étaient pas « engagées » (Mahmoud Shokoko). De l’autre côté, il y a eu la création d’un énorme ministère de la Culture, confié à des personnes comme Zachariah al-Hajjawi, lequel fit le tour des villes de province pour réunir les artistes populaires et les transformer en fonctionnaires répétant le même numéro sur les scènes des théâtres de l’État.

Mais comme nous l’a appris Foucault, la où il y a un pouvoir qui s’efforce d’exercer son emprise à travers ses appareils, il y a également de la résistance. Le processus de domination par l’État sur la chanson n’est pas allé sans résistance comme on a pu se rendre compte à travers l’expérience de Cheikh Imam. Mais à côté de cela il y avait également, à la fin des années 1960, des groupes de jeunes musiciens qui subissaient l’influence des transformations qualitatives que connaissait alors la chanson en Europe et aux États-Unis. On vit apparaître des groupes comme The Rockets, The Black Coats, etc. ou encore les projets Ismaël Tewfik El-Hakim, qui se suicida par la suite dans des circonstances restées obscures.

Malheureusement ces expériences ne s’appuyaient pas sur un héritage idéologique ou des courants culturels porteurs de modèles historiques comme c’était le cas pour la gauche. Leurs expériences musicales se sont perdues, alors que cela n’a pas été le cas pour Cheikh Imam, ce qui a donné à son œuvre une durée historique qui en a fait une sorte de modèle pour ce qui sera appelé ensuite la « chanson engagée ».

Celle-ci a vu sa marge de manœuvre s’élargir de plus en plus durant les années 1970 et 1980, en raison du retrait relatif du pouvoir étatique dans les domaines artistiques et culturels et en raison également de l’apparition de nouvelles techniques de diffusion et d’impression, moins chères et plus efficaces, plus difficiles à contrôler aussi, telles que la cassette. Tout un courant musical a ainsi fait son apparition sous le nom de « chanson alternative ».

Il est bien difficile de donner une définition précise de ce qu’on réunit sous cette expression. On a pris l’habitude d’appeler ainsi les formes musicales marginales, celles qui ne sont pas soumises au pouvoir de l’État, pouvoir qui s’est élargi pour se constituer en système et en réseaux de production privée qui n’appartenaient peut-être pas à l’État mais qui exerçaient son rôle. En tout cas, l’expression « chanson alternative » n’a jamais totalement recouvert la chanson populaire, qu’il s’agisse d’Ahmed Adaweya ou de ses semblables. Au contraire, on les arelégués à part et on les a considérés comme les produits d’une situation socio-politique complexe et même bizare.

Tout cela s’est passé à un moment où l’État n’éprouvait plus autant le besoin d’affirmer son pouvoir dans le domaine culturel en général et dans la chanson en particulier, sauf pour quelques questions sensibles, marqués par des lignes rouges. Certes, la machine médiatique de l’État, qui restait la plus grande et la plus puissante, a continuer à favoriser les chansons officielles sur le dos des expérimentations musicales de la jeunesse, et même sur le dos de celle qu’on appelait la chanson populaire, pour ne rien dire de la chanson locale (tout ce qui ne se trouve pas au Caire, du groupe Al-Tantoura à la chanson bédouine), traitée comme une production folklorique, tout juste bonne à figurer parmi les arts populaires.

Deux scènes et quelques questions
Tout au long des journées de protestation qui ont suivi les manifestations du 28 janvier 2011, la place Tahrir est devenue une scène où étaient diffusées les chansons patriotiques : celles qui avaient vu le jour au temps du « projet nassérien avorté » mais également celles des nouveaux groupes musicaux de la jeunesse qui répétaient les mêmes expériences du passé. Les slogans se mélangeaient à la musique.

Pour beaucoup, la place était une sorte de manifestation artistique. Le 11 février, alors que la liesse populaire était à son comble, une radio a diffusé pendant plus de trois heures uniquement de la musique mahragan : de Amr Haha, Figo, le groupe 8%. Pourquoi l’« art élaboré » [al-fann al-jamîl] a-t-il disparu des célébrations, à la seule exception du siège du parti Tagammu3 où étaient diffusées ce jour-là, depuis un balcon, les chansons d’Abdel-Halim Hafez ? Pourquoi ont-elles été remplacées par les morceaux des groupes de musique mahragan tels que Eh, Hosni, lâche-les nous et casse-toi ? Pourquoi une institution culturelle comme al-Mawred a-t-elle invité ensuite des stars de la musique mahragan comme Islam Chipsy et Amr Haha à se produire au théâtre Al-Genaina du parc Al-Azhar, tandis que les plateaux des chaînes télévisées officielles ou non invitaient des groupes comme Eskendarella ?…

Voilà un moment déjà que les marques de boissons gazeuses ont pris l’habitude d’inviter les vedettes de la chanson sur la scène internationale et arabe pour animer leur campagne de promotion annuelle. Chaque année, la bourse des vedettes évolue ainsi en fonction de l’artiste retenu ou non cette année-là. Être choisi revenait à être consacré comme la star de la saison.

Un an après la révolution, une de ces marques de boissons gazeuses a choisi le groupe Wust el-balad pour sa campagne publicitaire tandis que l’autre retenait le groupe Cairokee. L’un et l’autre appartiennent à ce type de chansons apparu avant la révolution. Leur public fréquente les lieux culturels indépendants, décharge gratuitement leurs titres sur Internet. Pourquoi est-ce après la révolution qu’un groupe indépendant a pu être élu pour la campagne publicitaire d’une société de boissons gazeuses ? Pourquoi n’a-t-on pas choisi des vedettes comme Amr Diab, Hamada Hilal ou Mohammad Fouad ? Tous les trois ont pourtant chanté la révolution ! Dès lors, est-ce qu’on peut continuer à présenter comme alternatifs, différents ou indépendants des groupes musicaux qui participent à des publicités pour des boissons gazeuses ?

Soif de naturel !
Dans le livre qu’Abdallah Kamal et Ibrahim Issa ont publié (une seule édition, pratiquement à compte d’auteur) dans les années 1980 sur la chanson alternative, tous les jeunes artistes que les deux auteurs présentent sous la rubrique « chanson alternative » disent combien ils sont malheureux de devoir se produire dans les cabarets de la rue des Pyramides. A cette époque, la chanson alternative, c’était celle d’un Ali El-Haggar, d’un Mohamed Mounir, de cette génération qui se battait pour trouver des lieux pour jouer et des sociétés prêtes à les produire.

Mais au début du troisième millénaire, avec les politiques de globalisation et d’ouverture économique que le régime avait autorisées comme il avait autorisé le financement étranger des organisations de la société civile, et notamment celles qui concernaient le développement culturel, la situation a changé. Tout un système chargé de veiller sur « l’art alternatif », dans son ensemble et dans la chanson en particulier, a ainsi vu le jour.

Ce système a permis la multiplication des jeunes groupes musicaux. Il leur a procuré des scènes ainsi que des soutiens. Un soutien accordé cependant en fonction de critères, avec en particulier l’obligation de s’inscrire dans la tradition de la chanson alternative telle qu’elle existait depuis les années 1960. C’est pour cela qu’on retrouve dans les paroles des chansons de cette époque l’écho des expériences antérieures, au point de paraître souvent comme une sorte de copie.

Par ailleurs, le système de production de l’art indépendant créé par les différentes institutions veillant au développement culturel n’offrait pas suffisamment de liberté. Le fantôme du pouvoir y rôdait encore, avec les lignes rouges tracées par ce pouvoir mais également par la société et par le consensus esthétique. Naturellement tout cela s’est reflété sur les expériences artistiques, lesquelles se sont tenues à l’écart des différents tabous politiques, sociaux et esthétiques. Hors de ces limites, impossible de trouver sa place dans l’industrie de l’art indépendant !

Cependant, la période a également vu un développement technologique qui, à travers Internet, a permis l’accès au monde entier. Même celui qui se trouvait à l’écart du système de production de l’art alternatif et qui n’avait pas le moindre lien avec l’art officiel, et y compris si la musique qu’il proposait était aussi expérimentale que possible, destructrice et quasiment incompréhensible, celui-là, grâce à Internet, pouvait diffuser sa production sans même avoir à dévoiler son identité s’il avait quelque appréhension pour sa sécurité ou s’il craignait le regard de la société sur son œuvre.

Internet a permis la création d’un monde nouveau, avec des expériences inédites. L’industrie de l’art alternatif a naturellement essayé de prendre le train en marche. Ainsi, un lieu comme la Sâqiyat al-Sawi, qui avait refusé dans un premier temps d’inviter sur sa scène des groupes de rap, a-t-il été obligé au bout d’un moment de les accepter, surtout lorsque quelques-uns de ces groupes, grâce à Internet, se sont fait un nom et se sont créé leur public.

La fin du vieux monde
En Egypte, la multiplication des médias après la révolution, qu’il s’agisse des chaînes TV, des radios ou encore des journaux, a créé un nouvel équilibre : on a besoin de contenu pour remplir toutes ces heures d’émission et ces pages blanches, à un moment où l’intérêt pour la chose politique est plus fort que jamais. Dès lors, la demande pour des chansons patriotiques a augmenté. Au point que certains ont pu considérer que ce regain d’intérêt pour les formes artistiques alternatives était une sorte de victoire politique. On pourrait mentionner aussi l’utilisation de la chanson à des fins politiques, comme une sorte de propagande médiatique. En pareil cas, la valeur artistique – valeur qui, bien entendu, demeure une question relative – ne tient pas seulement à ce qu’est cette chanson en elle-même mais elle s’étend à la nature de son message politique et idéologique ainsi qu’aux positions politiques de l’artiste concerné.

Curieusement, cette situation n’a pas entraîné un développement de la chanson politique nationaliste, développement qui aurait eu un effet dans le domaine de la propagande politique. Au contraire, les chansons en question sont dénuées de toute ambition visant à montrer leur différence ou encore à expérimenter des formes nouvelles. En fait, elles ont en commun de parler du contexte politique d’une manière très immédiate, en utilisant des formes musicales toutes faites. Au point qu’on ne voit pas vraiment ce qui sépare une chanson comme Les martyrs du 25 janvier interprétée par Hamada Hilal de Ya El-Midan, par le groupe Cairokee avec la chanteuse Aida El-Ayouby…

La chanson alternative n’est plus une alternative à quoi que ce soit ! Elle a perdu son élan expérimental, sa capacité à créer en dehors des cadres, pour ne garder que le « cachet » qui était déjà le sien avant la révolution, sa porte d’entrée vers la globalisation et la marchandisation.

Le défi actuel ne concerne donc pas seulement les musiciens qui doivent dépasser l’esthétique vaseuse qui est, aujourd’hui, celle de l’art alternatif. Il concerne aussi les institutions culturelles qui ont veillé sur cette forme artistique depuis des années et qui ont manifesté, l’année passée, combien elles étaient, plus encore que les artistes, en train de patauger puisqu’on les a vu inviter, à l’occasion de manifestations telles que Al-fenn midan [L'art est dans la place] des groupes musicaux comme Islam Chipsy.

Cette difficulté à se situer signifie, entre autres choses, que ce ne sont pas simplement les institutions culturelles et artistiques de l’État qui ont besoin d’une réorganisation en profondeur et d’une réflexion de fond quant à leur mission. Les institutions qui ont protégé la nouvelle production culturelle alternative et indépendante doivent également le faire, si elles ne veulent pas retomber au niveau [platement festif] de la musique mahragan


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