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Les impressionnistes en privé, 100 chefs-d’oeuvres de collections particulières, au Musée Marmottan-Monet (Paris 16)

Publié le 27 février 2014 par Carnetauxpetiteschoses @O_petiteschoses

Véritable hommage aux collectionneurs, c’est une sélection d’oeuvres impressionnistes rarement présentées au public que propose de découvrir le Musée Marmottan-Monet.

Situé à l’extrémité des Jardins du Ranelagh, cette ancienne demeure privée était celle de Paul Marmottan (1856-1832) passionné par l’art de l’Empire. Toute sa vie il collecte des objets d’art (peintures, mobilier livres relatifs à Napoléon et sa famille) qu’il lègue ensuite à l’Académie des beaux-arts en souhaitant qu’on transforme son hôtel particulier en musée.

En 1857 l’établissement reçoit le leg de Victorine Donop de Monchy, l’Impression au soleil levant de Monet ainsi que toute la collection de son père, Georges de Bellio médecin personnel de Manet, Pissarro, Renoir et de Monet.

Effet de neige, soleil couchant, Monet
Effet de neige, soleil couchant, Monet

Enfin à la mort de Michel Monet, le musée reçoit une centaine d’oeuvres de Claude Monet et adopte une coloration essentiellement impressionniste.

Au fil du temps, le musée reçoit d’autres collections que les particuliers tiennent à confier à l’établissement. Un ensemble d’enluminures, de toiles post-impressionnistes ou encore des toiles de Manet, Degas, Renoir et Berthe Morisot.

Puisque ce sont les particuliers qui ont permis ce bel ensemble qu’il est d’ailleurs possible de visiter en même temps que l’exposition temporaire, c’est presque comme une évidence qu’intervient cette volonté de leur rendre hommage.

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Chaumières à Auvers-sur-Oise, Pissarro

Mais l’impressionnisme est avant tout dès ses débuts une affaire de particuliers. Émergeant dans un contexte où s’entremêlent plusieurs courants ou traditions (peinture d’Histoire, néoclassique, romantisme ou réalisme etc…) les jeunes artistes ne sont pas reconnus et sont même rejetés par les instances officielles. Leur réputation n’est plus à faire aujourd’hui, il s’agit de Monet, Degas, Renoir, Pissarro, Sisley, Guillaumin ou Cézanne menés par Manet, qui bousculait les conventions (même s’il ne se revendiquait pas du groupe, et qu’il n’ait jamais exposé avec eux).

Malgré l’accueil du public et de la critique, ils poursuivirent leur recherche, chacun explorant une dimension spécifique (sur lesquelles nous auront l’occasion de revenir lors de l’examen précis de leur oeuvres dans l’exposition). Ils sont alors soutenus et encouragés par des particuliers, des collectionneurs principalement, des amateurs ou des marchands qui voient l’esthétique indéniable de leur art visionnaire. Ce sont eux qui permettent le succès des artistes.

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Pommiers en fleurs à Louveciennes, Sisley

Profondément attachés aux oeuvres qu’ils collectionnent, leur lien est avant tout affectif avec ces objets d’art. C’est pour cette raison principalement que les héritiers des familles collectionneuses choisissent le musée Marmottan Monet pour confier leurs collections ou les oeuvres qu’ils possèdent. C’est un acte délicat qui procède d’une lourde mission pour le musée : celle de prendre soin de l’entreprise de toute une vie (car la collection s’est faite progressivement), et de préserver la mémoire des collectionneurs. Pour les héritiers des collections c’est une partie des souvenirs de famille qu’ils confient à l’institution. Nombre d’oeuvres n’ont aussi jamais été mises en vente parce que leur propriétaire n’avaient pas le coeur de s’en séparer. Pourtant c’est très volontairement que ces derniers ont prêté leur toiles, contents de présenter leurs peintures au grand public.

Antibes, Monet
Antibes, Monet

L’exposition présente alors une collection hors du commun, l’assemblage pour un temps donné de toutes ces oeuvres rares. Traité chronologiquement et thématiquement à la fois le parcours est plutôt digeste et agréable.

Attention cependant à la forte affluence qui dessine une longue file sur les trottoirs à l’extérieur, qui se prolonge à l’intérieur à la fois dans les pièces du musée (où il est possible d’admirer les oeuvres permanentes du musée qui valent vraiment le détour). L’entrée de l’exposition se trouve un peu plus loin. Evitez de visiter l’exposition un dimanche pendant les vacances scolaires, car la file se poursuit à l’intérieur des pièces d’exposition.

Pourtant, les oeuvres des maîtres parviennent rapidement à nous transporter dans des paysages paisibles, loin des salles bondées.

Les peintres sortent de l’atelier

En 1840-50, les peintres de l’Ecole de Barbizon jouent un rôle décisif : sortant de leur atelier, ils installent leur chevalet à l’extérieur, en pleine Nature pour trouver leur motif dans les bois, le long de la rivière, dans les jardins, ou donnant sur un point de vue intéressant de la ville.

Les paysages dominent, et c’est Corot, Jonkind, ou Boudin qui vont séduire par leurs scènes paisibles.

Ville d'Avray, le grand étang et ses villas, Corot
Ville d’Avray, le grand étang et ses villas, Corot

L’unité dans ce tableau nait de la verticalité des deux arbres à gauche, qui structurent la composition. On y distingue les différents plans travaillés à l’horizontal par le peintre, comme des strates figuratives et chromatiques.

L’étang est un motif récurrent des oeuvres de Corot, où il a habité régulièrement jusqu’à sa mort. De sa chambre située au deuxième étage, il jouissait de la même vue, qu’il ne manque pas de dépeindre dans certaines de ses toiles. Dans les collections du Louvre, on y trouve Ville d’Avray, l’étang et les maisons Cabassud. Pour la toile ci-dessus, il quitte pourtant la maison, pour placer son chevalet sur la rive d’en face, de l’autre côté du lac. Les plans sont travaillés subtilement, avec une lumière plus éclatante à l’arrière-plan.

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La plage de Bénerville, Boudin

Un des autres grands précurseurs, est Boudin, maître des ciels. Dans le tableau qui représente La plage de Bénerville, il convoque son art particulier de la composition. En cadrant la scène très haute, laissant les deux tiers du tableaux rempli par le ciel. La langue de sable qui s’avance avec volupté, donne une impression de calme, tout en respectant la prédominance du ciel.

Lorsque le mouvement prend toute son importance, les peintres nous entrainent en Ile-de-France, en bordure de Paris, dans l’Oise, ou dans des villes au bord de la mer (Rouen, Antibes, ou Aix). Saisissant la sensation précise que le paysage produit sur eux à l’instant, ils parviennent à le fixer dans une sorte d’ »impression durable », comme le qualifie le théoricien du paysage pré-impressionniste, Jean-Basptiste Desperthes.

La meule, Pissarro
La meule, Pissarro

Le motif de la meule est rare chez Pissarro. Celle-ci est particulièrement remarquable, notamment grâce à sa forme conique parfaite. La petite taille des personnages permet de lui conférer une présence majestueuse. On en distingue une plus petite à l’arrière-plan, qui oriente le regard sur la perspective des champs en fond, et des nuages blancs moutonnants. On note l’impression permise par une touche souple et délicate. L’année précédente, Pissarro  avait entrepris de figurer les 4 saisons, dont un automne avec un champ de meules qui rappelle celui-ci.

Une cour à Chaville, Sisley
Une cour à Chaville, Sisley

Dans ce tableau spectaculaire, le peintre réussi avec force, à dépeindre un bref instant où le soleil éclaire les toits d’une teinte orangée. Ici tout est enseveli sous une épaisse couche de neige : la cour, les toits, ou une charrue. Seule une femme, située à gauche de la toile va au puits. On devine le silence. Dans la décennie 1870, Alfred Sisley représente beaucoup de paysages enneigés, c’est un sujet qui lui permet de jouer avec les nuances de sa palette. Il parvient ainsi à rendre l’effet d’une neige qui vient juste de tomber, comme le feront aussi très bien Monet ou Pissarro.

C’est d’ailleurs un détail a retenu mon attention. La justesse des paysages enneigés dans cette exposition, et de leur représentation.

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Sur les planches de Trouville, hôtel des Roches noires, Monet

Dans ce tableau Monet choisit de représenter la vie sur la plage, plutôt que le paysage en lui-même. On ne distingue en effet que très peu la mer qui est finalement seulement suggérée. Monet préfère montrer la population nonchalante, évoluant dans un monde préservé, totalement ignorante du contexte politique. Le contexte de réalisation de cette toile est la guerre de 1870. Cette année là, Monet épouse Camille Doncieux avec qui il a déjà un fils de 3 ans et passe son été à Trouville. « Ici on pense presque à la paix, on est moins alarmé. La fuite en Angleterre est presque complète. Les transatlantiques font le service pour Londres. » écrit-il à Boudin, avant de partir vivre dans la capitale anglaise.

Le jardin de Maubuisson, Pontoise, Cézanne
Le jardin de Maubuisson, Pontoise, Cézanne

Il s’agit d’un verger au printemps que Cézanne peint aux côtés de Pissarro lors d’une de ses séjours dans la région. Pissarro était de 9 ans et demi son ainé, et il le portait en estime. « C’était un père pour moi, c’était un homme à consulter et quelque chose comme le bon dieu » dira-t-il. Ensemble, ils font une série des mêmes motifs. La comparaison des toiles nous apprend beaucoup sur la manière de travailler des deux artistes.

Ce qui reste constant, c’est que chacun garde sa sensation devant le motif.

Cézanne voit dans le jardin de Maubuisson, l’occasion de travailler par aplats de couleurs et d’explorer les formes géométriques des toits des maisons tandis que les arbres sont esquissés par petites touches.

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Chez Pissaro (ce tableau n’est pas présent dans l’exposition), au contraire ce sont les arbres qui prennent le pas sur le village. Complètement en fleurs, ils occupent tout l’espace.

Bord des falaises de Pourville, Monet
Bord des falaises de Pourville, Monet

Monet offre ici un point de vue privilégié sur la mer. Il choisit un cadrage original, où la falaise occupe la majorité de la toile. Sa découpe accroche le regard. C’est une toile qui préfigure la série de tableaux qu’il réalise ensuite dans la Creuse.

Madame Renoir et son chien, Renoir
Madame Renoir et son chien, Renoir

Dans ce portrait, presque engloutit par la végétation, Renoir associe les deux thèmes qui traversent son oeuvre : la figure humaine et la Nature. Cette dernière est luxuriante, et rendue habilement par les herbes hautes. La petite taille de la toile explique certainement sa facture en plein air. C’est grâce à son chapeau de paille, que Renoir parvient à éviter une dissolution complète de la figure dans la nature.

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Le pont Corneille à Rouen, brume du matin, Pissarro

C’est à Rouen où il effectue 4 séjours que Pissarro qu’il choisit de peindre un motif récurrent (comme Monet avec les cathédrales) pour en capter les nuances des moments. Dans sa chambre d’hôtel qu’il transforme en atelier, il observe l’extérieur en mémorisant et guettant certains instants fugaces de lumières et de variations. Dans le tableau du pont Corneille, brume du matin, c’est bien cette dernière le sujet du tableau. Il n’est pas tellement questions des éléments du décor mais bien de l’atmosphère floue du matin, où la brume enveloppe le pont, et se confond avec les fumées blanches des bateaux. C’est elles qui font le lien avec les éléments d’arrière plan en même temps qu’elles guident le regard vers le haut, donnant sa dynamique à la toile. La verticalité est aussi renforcée par les 4 peupliers à l’extrémité de l’île.

Jeunes filles au bord de la mer, Renoir
Jeunes filles au bord de la mer, Renoir

Dans la toile, Jeunes filles au bord de la mer (qui est aussi utilisée pour l’affiche de l’exposition), Renoir reprend un de ses sujets caractéristiques. Puvis De Chavanne l’avait déjà traité. Dans leurs robes blanches atemporelles, les modèles sont saisies avec une touche douce et caressante. Renoir après avoir hésité entre le dessin et la peinture, a compris qu’il était coloriste et s’y consacre pleinement. Il parvient à la perfection à rendre les matières vaporeuses.

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Hémérocalles au bord de l’eau, Monet

Sensation éprouvée près du bassin, à Giverny, Monet saisit les fleurs rouges du Japon qui ne durent qu’un jour. Pour cela, il choisit une toile de grande taille, et ne laisse aucune place à l’horizon. Il joue au contraire avec tous les mouvement possibles que lui permet la plante.

Paris, une ville atemporelle sous la plume impressionniste

Si les peintres impressionnistes restent fidèles à la sensation, livrant au public l’impression précise qu’ils ont éprouvé à l’instant de la scène qu’ils dépeignent, c’est avec une justesse indémodable qu’ils expriment l’essence des lieux et des saisons.

C’est le cas des paysages enneigés, des villages et villes aux alentours de la capitale, mais aussi d’une certaine image de Paris. Cette dernière possède quelque chose hors du temps qui inspire et donne envie de saisir aujourd’hui.

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Rue de Paris, temps de pluie, Caillebotte

Il s’agit d’une esquisse préparatoire qui est exposée ici, Caillebotte l’offre à Monet qui le conserve au dessus de son lit à Giverny. On perçoit bien les rues de Turin et de Moscou à Paris. Si les formes sont nettes les visages sont floutés. La rue est un des thèmes favoris du peintre qui le rattache aux peintres de la vie moderne. Un critique disait ainsi « 4 peintres impressionnistes se sont donnés pour objectif de représenter Paris. Caillebotte a choisit la rue, Renoir le bal, Degas le café-concert et le théâtre, et Mme Berthe Morisot le boudoir. » Cette toile est visible dans la partie qui précède l’exposition, dans les collections permanentes.

Les boulevards exterieurs, effet de neige, Pissarro
Les boulevards exterieurs, effet de neige, Pissarro

De même l’œuvre qui suit, qui est exposée dans la même pièce. Ici le peintre dépeint la rue en 1879. C’est inhabituel pour lui, il lui consacre une vraie étude entre 1890 et 1900. Ici le point de vue et l’angle est tout juste surélevé, et l’on devine certainement un boulevard qui n’est pas très éloigné de son pied à terre à Montmartre. Les figures se détachent nettement de la blancheur de la neige qui recouvre le trottoir et la rue. Elles sont courbées et par ce mouvement, rendent avec succès l’effet du froid saisissant.

Quai de la Rapée, Armand Guillaumin
Quai de la Rapée, Armand Guillaumin

Dans ce tableau automnal, Armand Guillaumin dépeint une scène urbaine dans la capitale, figurant les promeneurs au bord de la Seine. Dans les oeuvres qui représentent le Quai de la Rapée, c’est le Paris industriel qu’il cherche à montrer. Artiste engagé, il dénonce et avance ses revendications directement dans ses toiles. Mais cette oeuvre échappe à cette idée, on se situe dans la ville tout en occupant un endroit calme hors de l’agitation de la capitale. Il parvient à rendre dans la pure tradition impressionnistes, les reflets du ciel dans l’eau démontrant ainsi ses talents de coloriste.

Rue Halévy, vue du 6ème étage, Caillebotte
Rue Halévy, vue du 6ème étage, Caillebotte

Dans les deux scènes de rue qui suivent, Caillebotte réussit à rendre avec justesse la vie parisienne de l’époque.

Dans la première, il focalise son point de vue sur la rue Halévy qui mène à la place de l’Opéra. Il coupe et consacre le côté gauche à la représentation du montant de la fenêtre, que l’on devine en chien assis. Cet angle accentue l’impression de profondeur. Tandis que le premier plan est dégagé, parsemé de piétons et de calèches, on mesure avec la perspective plongeante, la proximité des immeubles.

Refuge Boulevard Haussmann, Caillebotte
Refuge Boulevard Haussmann, Caillebotte

Dans le second, il fait disparaitre les immeuble au profit du terre-plein. Vide, espace et solitude se dégagent de cette scène. Nous nous situons au carrefour du boulevard Haussmann, de la rue Scribe, et de la rue Gluck. Ces endroits sont des « refuges » qui permettent aux piétons de traverser plus tranquillement les artères plus saturées.

A voir :
Les impressionnistes en privé
100 chefs-d’oeuvres de collections particulières
Musée Marmottan-Monet
Jusqu’au 6 juillet 2014
2, rue Louis-Boilly
75016 Paris

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