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Homophobie, sexisme et délit de féminité

Publié le 28 février 2014 par Juval @valerieCG

J'étais assez méfiante face au livre Pour en finir avec Eddy Bellegueule qui raconte la vie d'un enfant brillant, différent, homosexuel dans un village où tout est misère.
Nous les bobos gauchos aimons bien ce genre de bouquins, cela nous permet de voir qu'on n'est surtout pas comme cela, surtout pas bêtes, surtout pas homophobes.
L'homophobe est toujours l'arabe de banlieue, l'ougandais à moitié fanatique où le nordiste consanguin. Mais pas nous. Jamais.

Si j'insiste autant jour après jour sur l'importance de déconstruire la virilité, c'est pour tous les Eddy Bellegueule ; je ne saurais imaginer ce que ressent un gamin mâle qui sort de la norme virile imposée. Je me souviens du film Guillaume et les garçons à table où Guillaume est pris par son père alors qu'il est déguisé en Sissi. Je me souviens de cette série policière hier soir où un père découvre le cadavre de son fils assassiné portant des sous-vêtements de femme ; sa première urgence est de vite les lui enlever parce qu'il est honteux de porter des sous-vêtements féminins.
On vit dans un monde où un homme qui a des comportements considérés comme féminins vaut encore moins qu'une femme ; encore une femme c'est logique qu'elle adopte des comportements à la con, insensés et futiles mais comment un être logique et rationnel pourrait sciemment le faire alors qu'il n'est pas obligé ?
Dans Eddy Bellegueule, Eddy est sodomisé par son cousin qui répète ensuite partout ce qu'il a fait ; c'est Eddy qui sera humilié, battu pour cela. Ce n'est pas grave de sodomiser ; ce qui est grave c'est de ne pas avoir l'air viril, c'est d'avoir des airs et des manières. C'est de ressembler à une femme. On ne traite pas de façon homophobe les gens parce qu'on les a vus en plein acte sexuel mais parce qu'ils sont soupçonnés d'être homosexuels, parce qu'ils ont des airs et des manières. Parce qu'ils sont efféminés.
Je me demande chaque fois ce que veut dire ce terme là moi ; est ce que je suis efféminée moi aussi ? Ou je le suis par défaut donc pas besoin de le dire ? Pourquoi ce qui est considéré comme bien pour moi devient la pire insulte si j'avais un pénis ? Si notre société aime "tant les femmes" (c'est vrai on entend ca partout, non?) alors pourquoi la féminité est détestée, moquée, méprisée, surtout quand c'est un homme qui s'en empare ?

L'homophobie envers les hommes me semble teintée de deux choses :
- l'obsession envers une sexualité considérée comme dégradante. Dans la sexualité cisgenre hétéro, il y a possibilité de sodomie mais il y a d'autres possibilités de pénétration ; pour les homophobes, la seule possibilité de sexualité homo est la sodomie qui les ramène sans cesse aux fèces.
- l'obsession envers un mode de vie qu'on n'arrive pas à penser autrement que dans le binôme femme/homme, binôme qu'on a besoin d'appliquer sur tous les autres modes de conjugalité. Un homme n'est pas censé être pénétré mais doit pénétrer car le pénétré est considéré comme faible, comme dominé. L'obsession des hétérosexuels à savoir qui est "actif" ( rien que le terme en dit long) permet au fond de se positionner ; alors qui fait la femme ? Qui ne vaut pas grand chose ? Qui ose se comporter comme même une femme n'oserait pas se comporter puisque la plupart des femmes sont censées refuser la sodomie, n'est ce pas, on n'est pas des putes.

J'aimerais bien à un moment qu'on interroge collectivement nos pratiques face à l'homosexualité ; pourquoi "pd" fait encore partie de nos injures ? Pourquoi préciser #nohomo sur un twit quelconque ? pourquoi s'emparer du facebook d'un copain pour lui faire une bonne blague en écrivant "je suis gay" ?

L'homophobie me semble beaucoup à voir avec le sexisme ; pas uniquement bien sûr mais beaucoup, parce qu'on sort des rôles de genre imposés dans cette identité sexuelle là ce qui n'est pas admissible dans notre société. On aime beaucoup en faire des caisses sur l'homophobie en banlieue, où l'homophobie en Afrique, où l'homophobie de Civitas - qui sont évidemment réelles, qui sont évidemment à combattre - sans jamais étudier nos propres comportements. C'est quoi un homme ? Je mets quoi dans ce mot là ? Pourquoi a-t-on besoin d'inventer des mots comme "folle" ou "queer" (que certes se sont réappropriés certains mais qui sont à la base des injures) pour qualifier des comportements ? est ce seulement la sexualité qui pose problème dans l'homosexualité ? C'est quoi se "comporter comme un homme" ?


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