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[Chronique] St. Vincent – St. Vincent

Publié le 28 février 2014 par Wtfru @romain_wtfru

Front Cover by V.......
(Loma Vista/Republic)

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St. Vincent est une génie. Voilà pour les présentations. Pas la peine de tourner autour du pot pendant dix ans, Annie Clark (de son nom à l’état civil) fait partie de cette caste de gens qui n’a besoin de personne d’autre qu’elle-même pour briller. Auteure-compositrice-interprète, la texane de cœur maitrise toutes ces casquettes sans transpirer plus que cela. Depuis son premier album qu’elle est saluée de partout et qu’elle compte un public de plus en plus nombreux, du simple fan aux autres artistes (par exemple un disque en commun avec David Byrne en 2012).
Bref, tout lui réussit avant la sortie de son quatrième solo, au titre éponyme. Pourquoi ce choix ? Parce que St. Vincent a décidé de s’amuser et de jouer avant tout pour elle. De créer un objet qu’elle décrit comme un album de fête à passer pour des funérailles. Tout un programme.

Fête et funéraille, l’ambivalence est bien là. Oui, il y a toujours ce côté trituré, de la production à la voix haut perchée d’Annie, mais totalement contrebalancé ici par une majorité de morceaux totalement joyeux et donc festifs. Les deux premiers singles balancés en éclaireur jouent d’ailleurs dans cette cour-ci et avaient pu surprendre par leur « accessibilité ». Le refrain de Birth in Reverse est certainement son plus catchy et efficace tandis que l’excellent Digital Witness va chercher dans trompettes et clairons pour nous obliger à remuer nos muscles fessiers. Imparable. Ne pas croire cependant que St. Vincent a succombé aux sirènes de la facilité en passant chez Republic. On est toujours dans quelque chose de parfaitement produit, recherché dans les moindres détails. Un véritable mille-feuille musical.
Cet équilibre entre compositions de qualité et esprit un peu plus funky est d’ailleurs le gros point positif de l’opus. Là où son précédent disque, Strange Mercy, trouvait sa vitesse de croisière dans si ce n’est de la tristesse au moins un côté sombre, celui-ci a son point d’ancrage dans la lumière.

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St. Vincent – Digital Witness

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Pour arriver à un tel résultat, St. Vincent n’a pas hésité à aller piocher dans des influences musicales aussi pertinentes que variées. On est dans le rock avec Regret, carrément dans la pop pour Psychopath et on va même sur des chemins un poil hiphop pour Huey Newton. Autant de genres qu’elle parvient à incorporer aisément dans son univers plus électronique. Un univers où la musique défonce toutes les barrières pour offrir quelque chose d’orgiaque à l’oreille. Il y a de véritables moments de grâce, parfois sur un titre entier, parfois sur une petite portion. L’impression que rien n’est jamais figé, que chaque seconde apporte son lot de surprises et que tout peut péter à tout moment. Il y a le changement d’ambiance dans le sus-nommé Huey Newton avec un pont entre les deux parties absolument génial, il y a l’avant-refrain de Every Tear Disappears et puis bien sûr l’orchestration global. 

Un monde musical incroyable, plus éclairé que jamais mais qui reste paradoxalement assez noir. La voix cristalline d’Annie y est pour beaucoup, les textes également et puis cette espèce de désabusement général naturel qu’elle dégage. Sans virer dans la déprime totale cependant. Oui on peut être un peu dark mais aimer s’amuser de temps en temps et exprimer sa joie, c’est un peu le message délivré. On est dans quelque chose d’assez « Tim Burtonesque » dans l’idée où même lorsque l’on est face à un instant de bonheur ou d’assez lumineux (pour la comparaison cinématographique), il se dégage toujours un fond sombre, un sentiment de mélancolie tenace. C’est certainement aussi cette raison qui pousse St.Vincent à évoluer dans des eaux très hybrides et quelque peu torturées, même si la production a gagné en grain et délaisse – malheureusement – l’aspect sale qu’elle pouvait avoir.

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St. Vincent – Huey Newton

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St. Vincent – Regret

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Néanmoins, malgré la qualité évidente de l’album, il manque une part de magie que l’on pouvait retrouver sur les deux précédents, venant un peu enrayer la machine. On écoute ça avec plaisir mais quelques moments plus faibles (les deux ballades Prince Johnny et I Prefer Your Love) nous font parfois décrocher et il faut toute la dextérité instrumentale de l’artiste – et c’est tout à son avantage – pour nous replonger dedans.
Il y a aussi le revers de la médaille de vouloir en mettre beaucoup partout et où ça devient un peu indigeste par endroit. Comme lorsqu’on mange trop de foie gras. On sait que c’est bon mais ça peut devenir écœurant à le manger comme du pâté. 

Enfin, il n’empêche, c’est une génie. Et cette vidéo ci-dessous ne peut qu’amplifier ce sentiment.

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3.5

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Tracklist:
1. Rattlesnake
2. Birth in Reverse
3. Prince Johnny
4. Huey Newton
5. Digital Witness
6. I Prefer Your Love
7. Regret
8. Bring Me Your Loves
9. Psychopath
10. Every Tears Disappears
11. Severed Crossed Fingers

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