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Printemps ou aube

Publié le 09 mars 2014 par Adtraviata

Le Printemps des poètes a commencé hier en Franc, il met notamment à l’honneur Max Jacob, disparu il y a 70 ans. C’est avec plaisir que je vous propose à nouveau un texte de lui, et de circonstance… Bon dimanche de printemps à tous !

L’ongle de
Dieu ! l’ongle de
Dieu

a rayé, a rayé la nue, des nues des nuits

c’est une craquelure ; l’éclair derrière la nuit

devient un glaive et rougoie ainsi qu’un météore.

Alors la bouillie verte entre en convulsions

entre en fièvre secrète, en extase secrète.

Et le cal de la terre se redresse et s’affale

le cal noir de la carapace de la terre !

Syllabe par syllabe

le
Nain au visage destructeur

piétine les syllabes du
Verbe.

Qui s’éveille, s’éveille ? le lamento des coucous !

qui s’éveille ? le madrigal des bourgeons duveteux

le baiser des invisibles buveuses de miel !

qui éveille le jeu des tigres de la mort en fuite ?

le
Printemps dont la tête oscille de boucles folles.

L’élite des génies que la musique a attirée

escorte le
Printemps, le
Printemps vétilleux

sur le corps amaigri, amaigri de la terre

escorte le
Printemps, le printemps vétilleux.

Sur la carapace calleuse de notre terre

pèsent les capsules et les boucles folles

le collier blanc des pâquerettes, le collier

et les tiges de l’amour timide, humide.

L’amour timide, dominateur du monde,

métamorphose l’épine et la haie des prunelles,

détruit les cygnes qui habitent les ascètes.

Qui éveille tes flèches impaires, ô soleil ?

Quand j’aurai vu les couleurs de ce monde

Où vivent les esprits qui n’attendent plus rien

et l’amour océan où les élus s’inondent

je croirais dur qu’ici nous sommes comme des chiens.

ô jardin fabuleux qu’encense votre grâce

Dieu, suivi des regards des saints extasiés !

Là, les sens détendus par la langueur

oubliant les fatigues des routes de la terre

ils découvrent les perspectives nouvelles du bonheur

ils s’inclinent vers la volupté comme vers une rivière

aphrodisiaque, ils puisent, fiers amants,

dans les girandoles de la grâce, elle bourdonne.

Ils réalisent l’union, et désirent ardemment

le grondement de la grâce dans la poitrine qui trombone

ils scintillent comme des cristaux, ils fleurissent

comme des astres, la grâce sort en larmes

de leurs yeux sanglants de rubis

sur les faces brillantes comme des armes.


Classé dans:Des Mots en Poésie Tagged: Max Jacob, Poésie

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