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Bill Viola : au commencement fut l'eau

Publié le 09 mars 2014 par Marcel & Simone @MarceletSimone
Bill Viola : au commencement fut l'eau

Vous ne saviez pas qui était Bill Viola ? Moi non plus. À en croire le peu de visiteurs le jour de l’ouverture de l’exposition, nous ne sommes pas les seuls. Il faut absolument remédier à ça (quoique visiter une exposition sans foule au Grand Palais est un plaisir assez rare…), non pas par snobisme mondain mais parce que son œuvre est géniale.

J’ai eu la chance de rencontrer l’artiste. Ce new-yorkais a une vision très particulière de la vie. Selon lui, le monde est divisé entre les « unborns » et les « deads ». Et entre les deux il y a nous, les « livings ». Il déclare ne pas craindre la mort, peur créée par nos egos surdimensionnés, puisqu’il appartient à un cycle. Son immortalité existe donc dans le prolongement de sa vie grâce aux fameux « unborns ». Chéper le mec quoi ! Mais, à travers le média de la vidéo, il a su nous transmettre sa vision à la fois unique et universelle.

Une maîtrise technique et une audace incroyables lui permettent de créer Three Women. Trois femmes en noir et blanc sont filmées avec une caméra de surveillance. L’image est sale avec de gros grains. Elles s’approchent de nous. Et soudain, la plus âgée des trois transperce un mur d’eau et apparaît en couleur avec une image numérique parfaite. La seconde la suit, enlève les cheveux trempés de ses yeux puis vient la troisième, la plus jeune. Les deux premières repartent dans leur monde en noir et blanc tandis que la dernière hésite, nous regarde tout en saisissant la main colorée de sa compagne déjà dans l’obscurité. Finalement, car c’est inévitable, elle traverse une nouvelle fois ce passage, le mur d’eau se refermant sur elle, l’eau lui dessinant des ailes d’anges. Nul besoin de vous expliquer la métaphore du passage du néant à la vie puis de la vie à la mort.

Cependant, cette omniprésence de la mort chez Bill Viola n’est pas dépressive ou angoissante. Dans Man searching for immortality/ Woman searching for immortality, deux personnes âgées, un homme et une femme, apparaissent sur un mur de granit noir et sortent une lampe de poche. Ils commencent alors à inspecter chaque recoin de leur corps. D’après l’artiste, à la recherche de la moindre trace de maladie. D’après moi, à la découverte de la beauté de leur corps, tout émerveillés de ce que la vie peut créer. En éclairant leur corps, la lampe crée un halo de lumière dorée qui rappelle les peintures à fond doré des primitifs italiens ou flamands. Ces vidéos sont de véritables tableaux en mouvements, des images animées. Dans Walking on the edge deux hommes marchent dans le désert. La lumière et la chaleur du désert créent une ambiance particulière. On a l’impression, à un certain moment, que les deux hommes font du surplace, comme si le temps était suspendu.

Bill Viola : au commencement fut l'eau

Dans son polyptique Going forth by day l’artiste a souhaité que les vidéos soient projetées à même le mur, sans l’intermédiaire de l’écran plasma. Il compare cet ensemble aux fresques de Giotto à Assise. Un paysage sublime montre une coupe de maison où un homme est en train de mourir dans un lit. Un couple est à son chevet. Plus bas une vieille dame attend. Près d’elle des hommes chargent des meubles sur un bateau. L’action est lente mais forte, on assiste à la mort d’un homme. La mort est ici triste pour le fils qui pleure son père mais joyeuse pour le défunt qui rejoint sa femme. Après s’être étreint le couple embarque sur le bateau pour un dernier voyage. Voyage auquel nous invite l’artiste à travers ses tableaux vivants.

Bill Viola : au commencement fut l'eau

Bill Viola a échappé à la noyade lorsqu’il avait six ans. « Je me suis alors assis au fond du lac, comme un petit bouddha, et j’ai vu ces rayons de lumière étonnants qui pénétraient dans l’eau, exactement comme dans Ascension. » L’eau est créatrice de vie - le liquide amitotique - mais permet aussi le changement d’état avec le baptême. Cet élément permet aussi le reflet comme dans Surrender. Elle est aussi destructrice, à travers le déluge ou la noyade. Les trois ascensions de l’exposition sont toutes aquatiques et toutes masculines. Le premier homme sort de l’eau pour monter au ciel (First light), le second s’élève accompagné de l’eau (Tristan’s ascension (the sound of a moutain under a waterfall)) et le dernier tente de s’élever sous l’eau avant d’échouer et de d’enfoncer dans les abysses (Ascension).

Bill Viola : au commencement fut l'eau

Le choix des Dreamers pour clore l’exposition est très fort. Endormis, une série de personnages semble flotter sous l’eau pour toujours, ni vivant ni morts.

Bill Viola : au commencement fut l'eau

Bon, vous aurez compris j’ai adoré cette exposition ! En temps qu’expérience muséale, cette rétrospective est assez particulière. Six heures de vidéos sont projetées et certaines simultanément. Il est donc impossible de tout voir, il faut à la fois faire des choix mais aussi accepter de rester 35 minutes devant une œuvre si vous avez décidé de regarder Going forth by day en entier. En choisissant les fresques d’Assise comme comparaison, Viola nous éclaire encore une fois sur son œuvre. Ces œuvres de la Renaissance étaient faites pour la contemplation des moines. Rentrer en communion avec l’œuvre de Viola peut aussi amener à une forme de méditation, le temps s’étend, on est loin du monde. Loin de la lumière aussi, l’exposition étant dans le noir ! Une expérience à perpétuer dans l’ascenseur de l’espace culturel Louis Vuitton (article à suivre !).

Grand Palais

3, avenue du Général Eisenhower

75008 Paris

TARIFS : Plein 13 euros / Réduit : 9 euros

Dans le cadre de la nuit européenne des musées, l'exposition sera gratuite à partir de 20h le 17 mai

Jusqu’au 21 juillet


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