Magazine Culture

Une mangeuse de Dragons !

Publié le 09 mars 2014 par Dubruel

LE REMPLAÇANT d'après Maupassant

Ce jour-là, nous discutions,

Mon ami Paul Lermois,

Capitaine des Dragons,

Et moi,

Assis à la terrasse d’un café.

-« Cette dame qui vient de passer,

Tu l’as vue ? C’est Mme Jardel. »

-« Cette personne au bonnet de dentelle ? »

-« Oui. Son mari était notaire

À Pithiviers.

Et elle, utilisait le premier clerc

Pour son service particulier ! »

-« Elle aimait les hommes somme toute.

…C’est naturel !

N’aimons-nous pas les jolies demoiselles ? »

-« Si, si. Mais voici la suite, écoute :

Hier, deux hommes de ma compagnie,

Les brigadiers Lagoutte et Magny

Se flanquaient une de ces tripotées !

Ils se battaient

…Pour cette Mme Jardel !

Je les sépare et Lagoutte m’interpelle :

-‘’ Y a z’environ dix-huit mois,

Je me promenais avenue du Bois

Quand m’aborda une particulière :

-‘’ Voulez-vous, beau militaire,

Gagner dix francs,

Chaque semaine, et honnêtement ? ’’

J’lui dis oui. Alors, elle me dit :

-‘’ Venez demain à midi

Au 6 rue de Grenelle.

Je m’appelle Mme Jardel.’’

-‘’ J’y manquerai pas.’’

Puis elle me quitta,

L’air content

En ajoutant :

-‘’ Je vous remercie.’’

-‘’ C’est moi qui vous remercie.’’

Le lendemain à midi, au 6 rue de Grenelle,

Je sonnais chez elle.

-‘’ Dépêchons-nous, mon chat

Parce que ma bonne pourrait revenir.’’

-‘’ Qu’est-ce que j’dois accomplir ? ’’

Alors elle se mit à rire et riposta :

-‘’ Tu ne comprends pas ?

Viens t’asseoir près de moi, là.

Et jure-moi, mon minet, qu’après,

Tu resteras muet.

Sinon,

Je te fais mettre en prison.’’

Je lui ai juré ce qu’elle a voulu,

…Mais j’y étais plus.

Pi v’ là qu’ell’ m’embrasse

Et qu’ell’ m’jette à la face :

-‘’ Tu veux bien ? ’’

J’ comprenais rien.

Alors, ell’ me fit saisir clairement

De quoi i’ s’agissait vraiment.

Alors j’ lui ai montré qu’ dans l’armée

On n’ reculait jamais.

Mais à c’t’ heure,

Ça m’ tentait guère

Vu qu’ la particulière,

Elle était pas dans la primeur.

Mais faut pas s’ montrer regardant,

Car i’ s’ fait rare l’argent.

Corvée finie, ell’ aurait bien voulu

M’ garder un peu plus.

Alors j’ lui ai dit :

-‘’ Un p’tit verre, ça coûte deux sous,

Deux p’tits verres, ç’est quatre sous.’’

Ell’ comprit

Et m’ donna dix francs.

V’là deux ans

Qu’ça dure, mon cap’taine.

J’y vas chaque semaine.

Or mardi,

J’ me trouvai indisposé.

Pas moyen de m’ déplacer.

J’ me mangeais les sangs,

Rapport aux dix francs

Dont j’ me trouve accoutumé.

Si personne y va, j’ suis rasé.

Qu’ell’ prendrait un artilleur. Vrai !

Ça, ça m’ révolutionnerait.

J’appelle Magny, que nous sommes pays,

Et j’ lui fais le récit :

-‘’ Vas-y. Y aura cent sous pour toi,

Cent sous pour moi. ’’

Y consent, et le v’là parti.

Y frappe ; ell’ l’introduit.

Ell’ l’y regarde pas,

S’aperçoit point qu’ c’est pas l’ même.

Un soldat et un soldat,

Quand ils ont l’casque, c’est idem.

Soudain, ell’ découvre la transformation.

Consternation !

-‘’ Qui êtes-vous ?

Que voulez-vous ?’’

Magny démontre que j’ suis indisposé,

Expose que j’ l’ai adressé

Comme remplaçant.

Ell’ l’accepte vu qu’ mon bonhomme,

Il est pas mal de sa personne.

Mais quand c’t garnement

Fut revenu,

Il voulait plus

Me donner mes sous.

Alors j’ y dis, j’ vous l’avoue :

-‘’ T’es pas délicat pour un dragon.

Même que tu déconsidères not’ garnison.’’

-‘’ C’te corvée-là,

Ça valait ça.’’

J’y ai mis mon poing dans l’ nez,

Saperlipopette !

Chacun son jugement, pas vrai ?

Vous avez connaissance du reste. ’’

-« Comment ça s’est arrangé ? Dis-moi donc. »

-« Mme Jardel a gardé ses deux dragons ! »


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Dubruel 73 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazine