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La philosophie éternelle (1948) d'Aldous Huxley

Par Colimasson






On trouverait aisément des preuves marquant le clivage existant entre les grandes religions du monde ; trouver leur dénominateur commun est moins aisé. Les textes et leurs interprétations prolifèrent et créent un parasitage intense. Celui qui les découvre et cherche à les comprendre doit se placer dans une disposition d’esprit telle que l’apparition des similarités devra être son premier objectif. Qui cherche trouve ? Oui, mais cela ne réduit en rien la portée de cette Philosophie éternelle qui, au même titre que les théories schismatiques, se veut avant tout disposition d’esprit de l’observateur.


Aldous Huxley, que l’on connaît surtout pour son Meilleur des mondes, se fait l’auteur d’une anthologie regroupant près de150 auteurs dont les pensées convergent vers la Philosophie éternelle. Au-delà de la pensée théorique, cette philosophie est une expérience de l’unité et de l’indifférence cosmique à l’égard de l’individu, ceci afin d’exacerber le rôle significatif d’un ensemble participant à une même nature. Quel que soit le nom que l’on donne à cette nature qui nous échappe parce qu’elle dépasse le dicible (« Ce dont on ne peut parler, il faut le taire » écrivait aussi Wittgenstein pour décrire le mystique), les auteurs que l’on rencontre dans cet ouvrage, éclairés par les commentaires d’Aldous Huxley, s’accordent malgré les différences de concepts.


Inutile d’en écrire davantage sur ce livre. Sans vouloir faire preuve d’hermétisme, son propos ne s’adressera qu’à une catégorie de personnes dont les expériences de vie personnelles auront déjà su rendre aptes à la perception de cette dimension d’éternité. Aldous Huxley écrit simplement :
« Le progrès spirituel s’effectue par la connaissance croissante du moi, en tant que rien, et de la Divinité en tant que Réalité embrassant toutes choses. (Une telle connaissance, bien entendu, est sans valeur si elle est simplement théorique ; pour être efficace, il faut qu’on en ait conscience à titre d’expérience immédiate, intuitive, et qu’on agisse d’une façon appropriée) »


Rien de religieux derrière tout cela –à moins que l’on qualifie de « religieux » tout ce qui ne relève pas des mécanismes de pensée routiniers et dans ce cas, les sciences ou la philosophie sont aussi religieuses que la pensée d’un Lao Tseu ou d’un Maître Eckhart, pour n’en citer que deux. On retrouve aussi les idées de L’éthique de Spinoza dans cette philosophie éternelle qui cherche à abolir l’immédiateté des passions de l’individu ; on y trouve des concepts propres à la physique quantique, ainsi Eckhart écrivant que « Dieu devient et dé-devient » ; ou encore une architecture fractale de l’univers, Yung-chia Ta-Shih écrivant : « Une seule Réalité comprenant toutes choses, renferme en elle-même toutes les réalités ». L’univers devient ainsi vaste réseau d’échanges informationnels, le tout interrogeant ses parties, les parties influençant le tout, le tout déterminant à nouveau les parties ( «Parce que nous sommes libres, il nous est possible de répondre bien ou mal aux interrogations de la vie »).


Il ne sera pas question d’actualité politique ni de rumeurs historiques, pour le plus grand soulagement du lecteur qui perçoit le parasitage existant entre son expérience quotidienne et ses intuitions plus profondes. Si Aldous Huxley n’invente rien de particulier dans cette Philosophie éternelle, il faut toutefois saluer un travail honorable qui passe par les étapes d’un éclectisme culturel le faisant cheminer de Maître Eckhart à Chiang Chih-chi, de Fénelon à Huang Po, de William Law à Abou Sa’id, sans que ni les divergences chronologiques, ni l’éloignement géographique, n’inscrivent ces pensées dans des étaux culturels distincts ; par un ordonnancement structuré et progressif de ces textes permettant de mettre en valeur leur dénominateur commun, par-delà les luttes d’instantanés et d’égocentrismes. Aldous Huxley se fait maître passeur des idées de la philosophie éternelle sans jamais se montrer plus fier et vindicatif que ne le permet la nature même de cette pensée.


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Une réflexion que Wittgenstein n'aurait pas reniée :


La révolution somatotonique :


Et ses conséquences modernes :



Florilège...



*peinture d'Andrew Wyeth


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