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Raymond Carver – Lumière tendre (Sweet Light, 1986)

Par Stéphane Chabrières @schabrieres

Raymond Carver – Lumière tendre (Sweet Light, 1986)Après l’hiver, abattu, maussade,
j’ai fleuri ici tout le printemps. Une lumière tendre

a commencé d’emplir ma poitrine. J’ai sorti
une chaise. Je suis resté des heures face à la mer.

J’ai écouté les bouées et j’ai appris
à faire la différence entre une cloche

et le son d’une cloche. Je voulais
tout abandonner. Je voulais même

devenir inhumain. Et le l’ai fait.
Je le sais. (Elle pourra le confirmer.)

Je me souviens du matin où j’ai rabattu le couvercle
sur la mémoire et tourné la poignée.

L’enfermant pour toujours.
Personne ne sait ce qui m’est arrivé

ici, mer. Toi et moi seuls le savons.
La nuit, des nuages se forment devant la lune.

Au matin ils ont disparu. Et cette lumière tendre
dont j’ai parlé ? Elle a disparu aussi.

*

After the winter, grieving and dull,
I flourished here all Spring. Sweet light

began to fill my chest. I pulled up
a chair. Sat for hours in front of the sea.

Listened to the buoy and learned
to tell the difference between a bell,

and the sound of a bell. I wanted
everything behind me. I even wanted

to become inhuman. And I did that.
I know I did. (She’ll back me up on this.)

I remember the morning I closed the lid
on memory and turned the handle.

Locking it away forever.
Nobody knows what happened to me

out here, sea. Only you and I know.
At night, clouds form in front of the moon.

By morning they’re gone. And that sweet light
I spoke of? That’s gone too.

***

Raymond Carver (1938-1988)La vitesse foudroyante du passé (Ultramarine, 1986) – Traduit de l’anglais (États-Unis) par Emmanuel Moses



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