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"Qui veut voyager loin ménage sa monture": mais, le veux-je?

Publié le 19 mars 2014 par Francisrichard @francisrichard

On sait ou on devrait savoir que, dans Les plaideurs, de Jean Racine, au tout début de la scène 1 de l'acte I, Petit-Jean, le portier du juge Perrin Dandin trouve qu'il se lève vraiment trop matin, le lui dit et ajoute:

Qui veut voyager loin ménage sa monture ;

Buvez, mangez, dormez, et faisons feu qui dure.

Eh bien Petit-Jean me ferait certainement plus grandes remontrances qu'à son juge s'il me connaissait. Car je suis un couche-tard et un lève-tôt, et souvent ne dors point du tout.

Je réponds pourtant aux deux premières injonctions: je bois et je mange...

En fait je ne suis pas sûr de vouloir voyager loin. Alors, pourquoi ménager ma monture?

Certes j'aime la vie, peut-être davantage que bien d'autres, parce que je fais partie de ceux qui ont vu la mort de près plusieurs fois et qui en connaissent donc le prix. Et, jusqu'à récemment, je me réjouissais de chaque année gagnée contre la Camarde.

Certes j'ai des attaches qui me retiennent à la vie: mes proches avec lesquelles et lesquels je n'ai plus de différends et que j'aime, mes amies et mes amis qui me témoignent souvent leur affection, mes autres soeurs et frères humains qui ont la gentillesse de me saluer et qui se sont toutes et tous réconciliés avec moi, mes amies les bêtes pour qui j'ai la même prédilection que mon saint patron d'Assise, les merveilles de la nature qui ravissent indéfiniment mes yeux éblouis.

Certes j'aime boire et manger, comme dit plus haut, et faire d'autres choses que rigoureusement ma mère m'aurait interdit de nommer ici.

Certes j'aime lire et écrire et ne ménage pas la monture de mes lunettes, pas plus que l'autre, ce corps qui tremblerait davantage s'il savait où je veux le mener...

Certes j'aime me promener, courir, nager, dernière activité que j'exerce quasi quotidiennement.

Certes j'aime mon travail dans une entreprise privée, qui accapare beaucoup de mon temps, en principe le jour, mais également souvent la nuit.

J'aime tout ça et pourtant je n'ai plus envie de voyager loin, ce depuis quelques mois. Pourquoi? Parce que je souffre moralement et parce que j'ai promis de me taire sur l'origine de cette souffrance qui ne me lâche pas, malgré tous les efforts que je déploie.

Douillet, enfant, je ne le suis plus. Je peux supporter la souffrance physique à un point que je n'aurais jamais imaginé. Je dois tenir de mon grand-père maternel, qui a supporté les tortures que lui ont infligées les Allemands pendant la Grande Guerre (ils avaient découvert qu'il opérait dans son pays, la Belgique, pour le Service Secret de Sa Gracieuse Majesté britannique...).

Ce que je ne savais pas c'est que j'étais aussi vulnérable à la souffrance morale...Ce qui est d'autant plus curieux que je croyais avoir acquis solidité, maîtrise et sagesse, par la pratique d'un art martial japonais pendant quinze années de ma vie.

Alors, parce que je suis croyant et qu'en conséquence je pense que ma vie ne m'appartient pas (je n'empêche bien sûr personne de penser autrement), je n'ai qu'une alternative: prier le Seigneur pour qu'il abrège ma souffrance morale ou qu'il me la rende supportable. C'est cette prière que je lui adresse sous la forme du poème ci-dessous que je publie symboliquement ce jour de mon anniversaire.

Francis Richard

Prière pour ma délivrance

Seigneur, je ne suis pas parfait,

Cette chose, je l’ai comprise.

Que j’aie commis un fort méfait,

Cette chose, je l’ai apprise.

Mais, d’avoir donné tel tourment,

J’étais vraiment dans l’ignorance

Et me demande décidément

D’où viendra lors ma délivrance.

Pour me punir de mon forfait,

De me taire on m’autorise

Et, pour cela, on a tôt fait

D’en exiger chose promise.

Depuis, je suis à tout moment

Dans la grande désespérance

Qui fait douter infiniment

D’où viendra lors ma délivrance.

   

Peut-être que mon esprit défait,

Devenu fol, là, dramatise

Et doute que mon cœur mal fait,

Toujours épris, ne cicatrise.

Car je sais que, sans changement,

Je resterai dans mon errance,

Et ne vois point, assurément,

D’où viendra lors ma délivrance.

Envoi

Prince, du haut du firmament,  

Abolissez cette souffrance

Ou donnez-moi soulagement   

D’où viendra lors ma délivrance.


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