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Tourisme en Islande : un million dites-vous ?

Publié le 22 mars 2014 par Vivreenislande @vivreenislande

Je suis assise à la table d’un café sympa, dont la fenêtre donne sur Laugavegur. Pas en sous sol d’où on ne voit que les jeans et les chaussures gore-tex ou encore les collants et sandales de certains passants – non à l’entre-sol dirions nous. Avec l’ami qui partage ma table ce jour maussade de semaine, nous parlons quelquefois en français, quelquefois en islandais – tout dépend de qui rentre dans le bistro. Caméléons ou résistants utilisant la langue pour se cacher ou se distinguer selon le cas et la tête de celui qui entre ! Nous avons petit à petit monté un jeu, à force de regarder par la fenêtre lesdits passants sous une pluie mêlée de neige ce jour de mars. Nous essayons de deviner leur nationalité. Les Islandais – pas de problèmes, on les reconnaît à leur costume urbain, dress code selon les âges mais le plus souvent mal fagotés à cause du temps qu’il fait. On reconnait les touristes aussi facilement : anorak de couleur, bonnet de laine enfoncé jusqu’aux yeux, sac caméra, en petits groupes, un sac à dos… Les Japonais ? Pas difficile. Américains ? Hmmm pas trop nombreux. Allemands ? Francais ? Facile aussi. Mais nous ne vérifions pas, bien entendu, sinon ce ne serait plus un jeu innocent pendant que nous finissons notre déjeuner. Et puis on se met à compter.

Deux passants sur 10 sont Islandais.

Pendant un bon moment la proportion reste stable, en tout durant tout le temps où nous restons à notre table, frites terminées et fond de vin rouge dans le verre pour ne pas se sentir obligés de partir.

tourisme en islande

Un million de touristes en Islande, pour 320 000 habitants. Bien sûr, il paraît qu’on fait mieux en proportion; Malte est ainsi citée en exemple. Le problème c’est que tous ces touristes viennent en Islande pour avoir le sentiment d’être seuls à profiter d’une nature sauvage où l’homme n’a jamais mis le pied. Où l’on rencontre le « local » dans un rapport privilégié, je n’oserais jamais dire le « bon sauvage ». Où l’on savourera, comme le recommande le Routard ou le Petit Futé, du skyr, ou bien ce poisson hyper frais ou cet agneau sauvage, ou bien au quotidien ce jambon pas trop cher et ce bloc de fromage Gouda.

Tourisme en Islande : un million de visiteurs !

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Les Islandais se frottent les mains, c’est la deuxième rentrée de devises du pays (en passe de devenir la première ?), construisent des hôtels partout, au centre ville dès qu’un immeuble se vide, partout dès qu’un terrain est déclaré constructible. A Reykjavík comme à Skógar ou dans les plus petits villages. Et comment les nourrir ? On a dû par le passé réduire les troupeaux de moutons, un peu trop exigeants, ils pesaient trop sur cet environnement fragile des hauts plateaux – y aura-t-il suffisamment de viande pour alimenter tout ce monde ? Il faut faire appel à l’élevage intensif de truites et de saumons (avec tous les risques que l’aquaculture intensive représente pour l’environnement marin) afin de les mettre au menu. Et le lait et ces produits laitiers que l’on vante comme uniques au monde dans cet cadre propre et naturel que l’Islande est la seule à pouvoir offrir ? On apprend par hasard que les fromages et le beurre ont été mélangés avec du beurre irlandais pour pouvoir faire face à la demande… Et les poulets et porcs élevés en usines comme partout ailleurs dans le monde ? Avec une bonne proportion de leur nourriture composée d’OGM ? Quand ils ne sont pas importés simplement et deviennent islandais lors de leur transformation et emballage.

Un million de touristes en Islande.

Des échos en provenance de Grande Bretagne révèlent que les touristes sont déçus de se retrouver par centaines sur les mêmes lieux touristiques où l’aménagement est parfois sommaire, quand il existe, et où la foule a eu raison de la « nature sauvage ». Parlons-en de cette nature sauvage. Le gouvernement actuel, partisan sans limites de l’entreprise individuelle, n’a pas encore mis en place un système de financement pour l’entretien de ces sites parfois d’accès difficile, et toujours sensibles. Quelques volontaires d’ONG viennent seuls régulièrement pour entretenir sentiers ou abords. Il y a plusieurs solutions. Laisser faire et laisser les propriétaires du site mettre en place une guérite à l’entrée du site, l’entourer de barrières et établir leur propre tarification. C’est ce qui est en train de se faire : 500 kr par ci, 600 kr par là, 800 kr ailleurs. Il y a aussi la solution du « passeport » touriste, pour tous les sites, avec un tarif dégressif sur la longeur (2000 kr pour 4 jours, 5000 kr pour un an). Tout le monde paie, les Islandais aussi, mais moins. Et cela fonctionnerait sur tous les sites. Qui va vérifier ? Où achètera-t-on les passeports ? Comment délimiter les sites ? Il y a aussi la possibilité de mettre une taxe perçue à l’entrée en Islande, soit sur le billet d’avion, soit sur les services touristiques. Ou encore augmenter la TVA sur lesdits services – mais le gouvernement a préféré sur ce sujet protéger les acteurs du secteur touristique qui bénéficient d’une TVA à taux fortement réduit.

Un million de touristes. Et moi. et moi, et moi…

Elément hybride dans un zoo urbain, qui doit sortir sa bourse pour aller profiter du coucher de soleil sur un site qui, avouons le, est vraiment magnifique et n’a pas volé sa réputation. Enfin ! Si le chantier de l’hôtel qui doit voir le jour ne cache pas complètement la vue. Moi encore, qui doit avoir sa tente et mendier un coin de terrain chez des amis d’amis parce que tout est plein ailleurs, y compris au camping. Qui de bon coeur indiquera aux occupants de la voiture de location comment la pompe à essence marche, ou ce que veux dire « súrmjólk » (non ce n‘est pas du lait), et se transforme en guide, sauveteur, traducteur et mille autres métiers. Comment font « les autres » ?

Il serait temps que tout le monde se rende compte qu’accueillir un million de touristes en Islande, ce n’est pas juste ouvrir le tiroir caisse. Si la structure d’accueil envisage un futur radieux pour le dit tiroir caisse, elle a aussi l’obligation d’investir dans l’entretien des sites. Et si elle demande la participation des touristes qui en sont les premiers utilisateurs, il lui faut le faire de la manière la plus logique et la plus accueillante.
Si vous croisez la poule aux oeufs d’or, prévenez-moi !


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