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Génération quoi?

Publié le 25 mars 2014 par Oz
Génération quoi?

On croyait au début qu’on ne lui trouverait pas d’épithète. Pas d’attribut. Pas d’identité en somme. Pas d’existence presque. Même à la « bof génération », on avait donné une interjection. Pas à elle. Comme si elle n’avait décidément droit à rien. Ni boulot ni qualificatif… Elle serait donc la « génération quoi ? », suspendue dans le vide au crochet du point d’interrogation.

Mais comme une forme d’examen de conscience, c’est en fait à chacun de nous que s’adresse la question, à travers un documentaire en trois volets de soixante-quinze minutes, diffusé à partir du mardi 15 octobre dans le cadre d’ »Infrarouge », sur France 2 (en partenariat avec Le Monde et Europe 1). Une opération d’envergure, associée à une grande enquête en ligne (lire ci-contre), pour esquisser le profil d’une jeunesse, tenter d’en comprendre les doutes et les espoirs. Et de trouver peut-être l’adjectif manquant.

> Répondez au questionnaire ici :Génération quoi : qui sont les jeunes de 18-34 ans ?

C’est à Cergy-Pontoise (Val-d’Oise) que la réalisatrice Laëtitia Moreau, 43 ans, a posé ses caméras, a suivi et interrogé une quarantaine de jeunes gens (il en reste vingt à l’écran), gagné peu à peu leur confiance et recueilli leurs confidences. Cergy-Pontoise, préfecture la plus jeune de France, avec son pôle universitaire et sa grande école (l’Essec) où se côtoient plus de vingt mille étudiants, ses missions locales d’aide à la réinsertion, son important tissu associatif, la diversité de sa population, se prêtait parfaitement à l’exercice. Deux ans et demi de travail et un an de tournage n’ont pas été de trop pour tirer le portrait en mosaïque de ces 18-30 ans.

UNE « GÉNÉRATION DONT PERSONNE NE VEUT »

La caméra prend son temps, elle saisit les mots et les longs silences, les regards qui fuient, les certitudes qui se fissurent lentement et l’espoir qui demeure malgré tout. Les personnages passent et s’éclipsent, réapparaissent au rythme des mois qui s’écoulent et des attentes qui s’effilochent, printemps, été, automne, hiver. Ils se parlent à eux-mêmes autant qu’ils nous parlent. Ils sont à l’image du monde dont ils ont hérité : individualistes, convaincus de la marche déréglée des choses, persuadés que cela ne va pas aller en s’améliorant, mais certains de s’en sortir au bout du compte, portés par « une énergie et une vitalité que l’on ne s’attend pas forcément à voir dans une France en dépression », note Christophe Nick, le producteur. « Lucides », ajoute Laëtitia Moreau, ils ne se bercent cependant pas d’illusions. Quand on le leur demande, ils se voient majoritairement en génération « sacrifiée » ou « perdue ».

Une « génération dont personne ne veut », constate en tout cas Julie, 23 ans. En dépit d’un bac + 5, Julie ne trouve pas de travail et doit enchaîner les petits boulots. Rien qui lui permette de gagner réellement sa vie. Elève puis étudiante modèle, Julie n’est pas sûre d’atteindre un jour une position sociale équivalente à celle de ses parents.

Elle se surprend parfois à se demander « quand est-ce que va commencer »sa vie ? Tout comme Julie, Paul, Moussa, Aurélie, Sabrina, Elodie, Amine, Clément et les autres ont du mal à se projeter dans l’avenir. Ils ont entre 18 ans et 30 ans et sont les représentants d’une génération plus diplômée en moyenne que toutes celles qui l’ont précédée. Mieux armée en apparence pour affronter la vie, elle a au contraire plus de difficulté que ses devancières à se frayer un chemin vers l’âge adulte, à se trouver une place dans la société. Elle a assisté impuissante à l’abrasion des valeurs et à la chute des utopies. Tellement en attente de reconnaissance sociale qu’elle semble prête à tous les sacrifices. Laquelle de ces jeunes filles s’imagine« pouvoir être heureuse sans amour, mais pas sans travail » ? Faute de poste stable, de salaire décent, cette génération reste forcément plus longtemps au domicile parental et en nourrit un sentiment de culpabilité. D’autant qu’elle a vu ses parents eux-mêmes en proie au chômage, à la précarité, et qu’« elle porte le poids de cet héritage », suggère le documentaire.

« Pour trouver un emploi, il faut être en harmonie avec soi-même », analyse avec lucidité Marie-Laure, 19 ans, consciente qu’elle n’en est pas là.

A la mission locale pour la réinsertion des jeunes en difficulté, on leur apprend donc avant tout à se réconcilier avec eux-mêmes. Ceux qui n’ont pas le bac, à l’image de Marie-Laure, sont évidemment les plus touchés par la crise. En quête de sens et d’identité, on observera dans le deuxième volet du film,Bac ou crève, qu’ils portent ostensiblement tatouages et piercings, absents chez les autres représentants de la génération. Il n’y a guère en fait que les élèves de l’Essec pour qui le chemin soit tout tracé, et depuis longtemps. Romain, 22 ans, parle ainsi avec aplomb de la « stratégie familiale » pour être heureux, épanoui et avoir toutes « les armes pour avancer ». La confiance lui manque d’autant moins que, sur les bancs de la grande école, on parle aux élèves comme s’ils tenaient déjà le monde entre leurs mains. Maîtrise du discours, maîtrise du destin. L’assurance d’Aurélie, 20 ans, elle aussi sur les sentiers de l’excellence, n’en connaît pas moins quelques failles discrètes. Essayer d’être « toujours au top, admet ainsi la jeune fille, c’est très différent d’essayer d’être soi-même ». Génération doute ?

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