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Her, de Spike Jonze

Par La Nuit Du Blogueur @NuitduBlogueur

Note : 4/5

Theodore (Joachim Phoenix) est un homme sensible et solitaire qui se remet difficilement de sa séparation avec sa femme. Pour combler cette solitude pesante, il investit dans un nouvel OS (Operating System ou Système d’Exploitation) intelligent, Samantha (Scarlett Johansson). Entre eux naîtra une histoire d’amour, car Theodore tombe éperdument amoureux de la voix de Samantha qui le suit dans tous ses déplacements, et vice et versa.

Tel est le récit, original, décalé, et profondément touchant, du nouveau film du réalisateur Spike Jonze qui lui a valu (assez justement) le dernier Oscar du meilleur scénario. Car reconnaissons que Her est un film exceptionnel qui, derrière l’apparente comédie romantique décalée, se trouve être d’une complexité rare.

© Warner Bros.

© Warner Bros.

La grande force du film est là. Spike Jonze, en véritable maître, réussit un joli tour de force cinématographique en créant une œuvre romantique et philosophique, à la portée universelle exceptionnelle puisqu’elle se situe à la fois dans le divertissement et dans une dimension auteuriste forte. Si le film s’est vu récompensé par l’Oscar du meilleur scénario, c’est que Spike Jonze a réussi le pari de tisser un vrai récit amoureux et intime, rebondissant au gré des tourments habituels qu’un couple peut vivre au fur et à mesure que la relation s’installe. Ainsi, on assiste plusieurs fois à des disputes entre Ted et la voix de Samantha qui mettent en valeur non seulement la portée étonnamment sentimentale de leur histoire mais aussi, au travers des sujets qui les déclenchent, la véritable portée philosophique cartésienne du film. Peut-on dire que Samantha existe ? Elle-même se le demande. Néanmoins il est indéniable que sa pensée ne peut se résoudre à une simple programmation de ceux qui l’ont créée, mais si elle est, comment l’est-elle ? Est-il possible d’avoir une vraie relation amoureuse désincarnée ?

Toutes ces questions, Spike Jonze les pose judicieusement dans entrer dans une fable métaphysique lourde qui perdrait la force de l’émotion au profit de la force de l’intellectualisation. Mais plus qu’une belle romance aux problèmes philosophiques forts, Her est aussi et surtout un film d’anticipation magistral qui donne une vision originale de notre société dans un futur proche. Les relations humaines se raréfient et s’automatisent (preuve en est le métier de Theodore : il écrit des lettres pour ses clients). Les relations avec l’intelligence artificielle deviennent le symptôme d’une humanité qui s’identifie de plus en plus à la machine et dont le rapport au cloud est de plus en plus fort.

Planté dans un décor aux couleurs chaudes, qui représente un futur qu’on aimerait peut-être habiter, loin des films du genre qui nous représentent les villes polluées, sombres et pluvieuses, Her renouvelle le genre avec brio. Si ce décor est si intéressant, c’est qu’avec cette vision de la ville verticale, Jonze réussit à édifier un lieu qui est à la fois celui des hommes mais aussi celui des âmes errantes des différents OS représentés par la voix de Scarlett Johansson. Ainsi la caméra flotte littéralement au dessus de la ville et parmi les passants et devient la représentante physique du monde désincarné des intelligences artificielles.

© Warner Bros.

© Warner Bros.

Her est un film étrange et déroutant qui ne peut laisser le spectateur indifférent, touchant à l’universalité de l’amour et à l’universalité de la question même de l’existence et de notre place dans le monde. Le plus étonnant reste peut-être les prestations de Joachim Phoenix et Scarlett Johansson qui réussissent ce qui semble impossible dans cette relation de couple d’un autre genre, en mettant en place l’un des plus beaux couples de cinéma de ces dernières années (la scène de sexe 2.0 est incroyable de justesse et de beauté, aussi bien dans le jeu que dans la manière de la mettre en scène). Comme souvent, le réalisateur américain Spike Jonze fait un pari cinématographique énorme, il le tient et nous fait voyager dans un univers décalé, mais ô combien touchant de mélancolie.

Simon Bracquemart

Film en salles depuis le 19 mars 2014


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