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8 avril / Asile

Par Blackout @blackoutedition
8 avril Asile Comment expliquer à des fous la fin du monde ? Le directeur de l'asile de Grenoble est perplexe. Ce serait l'asile de Tegucigalpa, que le problème serait identique. Lorsque Georges a été nommé directeur, il n'y a pas si longtemps, il était loin de penser à ce hic. Troisième verre de whisky, demain, il n'aura pas la gueule de bois. Convoquer tous les malades en état de comprendre, non, tous les malades et leur expliquer, calmement, que cette nuit, on en est sûr, un météore aussi gros que la lune va percuter la terre. Peu importe où il va tomber, le choc sera égal à dix bombes atomiques et la terre explosera, maintenant vous allez prendre vos médicaments. Ce serait le moyen de contrôler s'ils sont vraiment atteints, je veux dire aliénés : s'ils se mettent en file devant les gobelets de potion magique comme d'habitude, Georges sera rassuré : on ne peut plus rien pour eux. Quatrième verre. Mais s'ils se révoltent comment leur donner tort ? s'ils cassent tout, y compris la gueule des infirmiers, comment les canaliser ? Prévenir. C'est ça la prévention : tripler leurs doses de calmants avant de leur annoncer la nouvelle. Et pourquoi pas les euthanasier carrément ? Dehors c'est déjà la panique. Bouchons, les gens fuient quoi ? où ? Accidents pillages meurtres incendies, de multiples petites fins du monde éclatent aux quatre coins de la ville. La maison de la radio a été saccagée sitôt l'annonce du cataclysme comme si les journalistes étaient responsables de la nouvelle. Julie, la femme de Georges a fui avec son fils, au fin fond du Vercors, le calme de la campagne la sécurise, dit-elle. Et pour ne pas souffrir elle a apporté une dose massive de cyanure. De quoi assassiner un troupeau de chamois. Aura-t-elle le courage d'en donner à son fils de douze ans ? Les malades semblent particulièrement nerveux, certains ont peut-être déjà compris qu'il se passait quelque chose. Les protéger de la vérité, jusqu'à quand ? Jusqu'au bout ? - C'est la fin du monde ! C'est la fin du monde ! C'est la fin du monde ! C'est Sylvain ! Délire-t-il ? Il sait lire ! Georges avait pourtant proscrit toute forme d'information dans le pavillon. Agir, vite. - Enfermez-le piquez-le ! Hurle Georges, au bord de l'hystérie. Pourquoi les infirmiers obériaient-ils ? Ils ont l'air pourtant, peut-être pensent-ils comme lui que c'est la seule chose à faire pour éviter la catastrophe. On évitera pas la catastrophe, on ne peut que la retarder. Vingt heures, plus que quatre heures Georges est saoul, il est assailli de questions par le personnel qui n'a pas encore déserté. Que fait-on ? Georges explose. - Que fait-on ? Que fait-on ? Où va-t-on pécher pareille question ?! Je n'en sais rien dans quatre heures la terre explose, vous avez une idée ? - Prier ?

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