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Via de la Plata étape 17. Un pèlerin au bord de la rivière. .

Publié le 14 avril 2014 par Sylvainbazin


C'est une etape assez courte mais qui m'a tout de même paru assez longue, qui m a conduit après a peine 40 kilometres a Monbueys. Je suis sans doute un peu fatigue et il a fait assez chaud, cela explique pourquoi arrive la, j'ai prefere stopper mon cheminement alors que j'avais initialement prevu de poursuivre treize kilometres de plus. Seulement treize kilometres, c'est tout de même deux heures a l'allure ou j'allais et en regardant de plus pres le decoupage possible des sept etapes qui sans doute (je l'espere mais ca ne devrait pas poser de problème) m ameneront a Compostelle, ca ne change rien. Je vais ainsi, les hebergements et points d'arrets possibles ont l'air de bien tomber, equilibrer mes dernieres etapes pour me contenter d'un marathon quotidien jusqu a lundi prochain. Cela me fera arriver juste après les cloches (bon elles vont plutot a Rome...) et me laissera le temps d'admirer les montagnes de Galice qui approchent et leurs jolis paysages celtiques. Mais des demain je serai en Sanabrie qui est déjà une region montagneuse et sans doute bien agreable.
Le paysage dans lequel j'ai marche (car je dois dire que je n'ai pas couru de la journee. Les jambes sont tout de même fatiguees) aujourd'hui était déjà tres agreable par endroit. J'ai souvent cotoye le Rio , et ces belles rives m ont permis de passer tout de même une agreable journee.
D'ailleurs, lorsque je me reveille ce matin, après une bien meilleure nuit que la veille, car nous n'etions que deux dans un dortoir de 20 ce qui nous laissait largement l'espace pour ne pas se gener mutuellement avec mon ami irlandais, je me sens plutot bien. Bien sur, je reve un peu au premier jour ou je vais pouvoir m accorder un lever plus tardif, si ce n'est une grasse matinee. Mais enfin vers sept heures il n'y a rien de scandaleux et c'est d'un bon pas que je quitte la Casa Anita et franchit une premiere le rio Elba, dans la lumiere du petit matin.
Je ne vais d'abord pas bien loin: a peine a un kilometre, dans le village voisin de Santa Marta de Tera se trouve une eglise romane tres connue, qui entre autres belles sculpture abrite un Saint-Jacques sur son fronton. Il faut toutefois le trouver: en fait, le petit saint se cache de l'autre cote de l'eglise par rapport a la rue, et je le decouvre après avoir fait le tour. Il a plutot l'air gentil!
Ainsi garde par ce debonnaire Saint-Jacques, je reprends mon chemin. Le sentier longe alors le rio. Les chants d'oiseau m accompagne une nouvelle fois. C'est bien agreable. Je vais bien et me sens au diapason de cette belle campagne qui s'eveille. Mon pas est allegre. J'aime ces rivieres paisibles, refuge de vie animale. Chez mes parents, a Poitiers, j'aime ainsi toujours courir et me promener au bord du Clain. Ces calmes cours d'eau sont apaisants.
Cependant, quelques pas plus loin, je retombe encore sur une zone de travaux. Encore une nouvelle route. Pourtant la circulation n'a pas l'air si encombree que ca dans ces parages. A croire que l'Espagne s'est lancee dans une politique de grands travaux. Politique. Cela me fait penser qu'au fil de ce voyage, avec les moyens limites aussi dont je dispose pour me tenir informe (quelques journaux espagnols dans les bars, mon micro telephone toujours vaillant mais un peu fastidieux qu'en même pour y lire des articles), l'actualite m est parvenu de facon de plus en plus parcellaire. En même temps, c'est assez bien comme ca. Je repense a la statue de Saint-Jacques de tout a l'heure. Que pouvais savoir du monde son sculpteur? Il devait etre instruit et en tous faisait preuve d'un sens artistique évident, mais de combien de kilometres les nouvelles fraiches pouvaient elles lui parvenir aux oreilles, et dans quels temps. Je n'ai aucun point de comparaison possible. Même les refugies tibetains, les tribus peruvienne ou thai que j'ai pu rencontres sont tous plus ou moins en contact avec les "moyens modernes de communication". Mais il n'empeche, les nouvelles et les grandes decisions devaient bien circuler quand même, a l'epoque du petit bonhomme du fronton. Surement, en tous cas, certains hommes pouvaient ressentir comme moi aujourd'hui, sans difference, le calme et la beaute d'une campagne au matin.
Un peu plus loin, je rattrappe Patrick, mon sympathique irlandais, qui se repose un peu devant une borne jacquaire. Nous discutons un moment de l'etape. Avant de me quitter, il m'indique qu'un nouveau chemin vient d'etre ouvert en Irlande qui traverse toute la cote ouest du pays. Decidement, l'appel des chemins pourra longtemps tenir mes jambes eveillees. J'avais aime marcher et courir en Irlande sur le Wiclow way. J'y retournerai avec plaisir.
Mais mes jambes aujourd hui montrent assez vite des signes de fatigue. J'avance moins vite, je sens mes appuis moins assures. A chaque village, qui s'enchainent alors tous les dix kilometres, je m offre une pause, un ravitaillement. Un cafe au lait ici, de l'eau plus loin.
Je veux, a la sortie d'un de ces villages, suivre les recommandations de mon guide a propos d'un trajet alternatif fleche par un riverain. Mal m'en prend: le flechage disparait bientôt. Ca m enerve un peu mais la petite carte du guide en question me permet tout de même de ne pas perdre la bonne direction. Je marche simplement sur l'autre rive de la large riviere que je suis maintenant. Au niveau d'un barrage assez impressionnant, je retrouve le trace officiel. Pas sur d'avoir rallonger de beaucoup, et le paysage devait etre tout a fait equivalent de l'autre cote.
La retenue d'eau, que je longe juste après, m offre un passage assez agreable. Ca fait presque bord de mer par endroit et la petite lande qui s'etend autour est belle. Seul le soleil, legerement voile par des nuages mais qui tape bien quand même, me fait sentir la difficulte du passage. De toutes facons, la fatigue est bien la.
Je suis tres content de trouver a la sortie du hameau suivant une maison qui offre des rafraichissements aux pelerins. Tout y est joliment fleche pour qu'on y parvienne, et c'est au bord du chemin de toutes facons. Après que la toune de la maison m ait d'abord manifeste un accueil un peu inquietant (mais elle s'avere finalement toute douce), son maitre m accueille. Dans un anglais qui ne trahit pas d'accent espagnol: pour cause, il est sud-africain. Son coca-cola et son petit gateau sec me font du bien. Le service est presque gratuit: on donne ce qu'on veut. Je ne sais de quel obedience est mon sud-africain: avant que je reparte, il m offre une evangile selon Luc. Je le remercie et reprend mon chemin. Ca me fera de la lecture si j'ai le courage de m'y replonger.
Je ne sais si ce sont les ecritures qui m y font songer, mais je songe ensuite a l'ecriture, tout en marchant d'un pas un peu ragaillardi. Je pense aux obsessions des ecrivains qui m ont marque ces dernieres années, et qui pourraient etre les miennes, si j'etais ecrivain. Simenon et ses personnages, hommes du commun souvent, qui se reveillent un beau matin en se disant qu'ils auraient pu avoir une vie totalement differente, dans le crime par exemple. Kennedy et ses heros qui se trompent de vie, qui en change, qui repensent a leurs erreurs et au passe. "L'homme qui voulait vivre sa vie", "quitter le monde", ces titres m inspirent. Et puis Elroy , sa "part d'ombre", son obsession des femmes forcement fatales, son etonnement face a sa survie après une jeunesse ou il a pris particulierement des risques. Son style aussi. Sec et precis. Compulsif aussi.
Si j'avais le souffle de l'ecrivain, mes obsessions litteraires seraient sans doute assez proches de celles-ci. Mais pour l'instant, et je doute que cela change, je ne sais ecrire que ce que je marche. La marche, la course, mes voyages a pied, restent les seuls vrais supports ou j'arrive a ecrire un peu (mis a part mes articles de presse bien entendu et quelques chroniques publiees dans Wider). Cela dit, c'est un lieu, un support creatif puissant. J'en avais un peu discute avec le "walking artist" Hamish Fulton: la marche comme art, la marche comme expression, comme lieu et support de creation. C'est aussi ca qui me fascine dans ces longues distances parcourues sur mes deux pieds.
Mais en arrivant a Puerto de Rio negro, après etre passe sous le joli pont justement, et pas noir du tout, j'ai a nouveau des preoccupations plus triviales: mon estomac reclame sa dose de bocadillos et tapas. L'accueillant bar du coin, ou les vieux patrons discutent gentiment avec moi, fait tres bien l'affaire.
Cependant, si bon que fut ce petit repas, je ne retrouve pas un pas plus vif dans les 10 kilometres suivants. En plus, l'espece de landes marecageuse, au pied de belles montagnes enneigees, que je dois traverser, n'est pas exaltante. Arrive a Mombuey, je decide d'arreter pour aujourd hui.
Une vieille dame me file les clefs de la tres modeste auberge du bourg. Une grande amenagee ou je vais dormir ce soir. Cela dit, la salle de bain est nickelle et j'y serai seul. Parfait pour une bonne nuit de repos après une soiree solitaire conclue dans un des bars du coin.

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