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Une carte pour l'enfer

Par Julien Peltier


Une carte pour l'enfer
Kasha

Si l'on vous demandais pourquoi les serpents muent, que répondriez-vous ? Au cours de son enquête sur la disparition de la belle Sekine Shoko, l'inspecteur Honma, en convalescence, trouvera une réponse pour le moins inattendue à cette question insolite : « ils s'imaginent qu'après toutes ces mues, ils auront enfin des pattes ».

Honma Shunsuke élève seul son fils de dix ans Satoru, aidé en cela par Isaka Tsuneo et son épouse. Un jour, un petit-cousin de son épouse décédée lui demande son aide afin de retrouver sa fiancée, disparue suite à une querelle d'amoureux. Très vite, cette tâche s'avère beaucoup plus ardue et complexe qu'il n'y paraît : en fait d'une disparue, c'est bientôt deux jeunes filles qui semblent s'être envolées dans la nature.
Au rythme de rencontres souvent pittoresques et d'événements singuliers, une intrigue noire nous entraîne dans l'enfer d'une femme qui n'est pas celle qu'elle prétend être. Mais une interrogation bien plus concrète se dégage de ce roman policier nippon : dans une société où tout se vend et tout s'achète, comment peut-on survivre à l'épineux problème du sur-endettement ? À une époque où les prêts bancaires et d'usuriers deviennent monnaie courante (et peut être trop accessibles), les cartes de crédits peuvent très vite devenir autant de billets pour l'enfer.
Ainsi, Miyabe Miyuki nous éclaire sur les moyens dont les organismes de prêts, dont certains pourraient être considérés comme mafieux, piègent les gens dans un engrenage qui semble souvent sans issue. Les solutions, encore trop peu usitées, telle la déclaration de faillite personnelle, sont également explicitées par l'auteur. Et si la narration s'en trouve un peu ralentie, le lecteur n'en gagne pas moins la compréhension d'une facette du Japon qui reste méconnue : à savoir le rapport qu'entretient la population vis-à-vis de l'argent, du travail et du regard des autres vis-à-vis de ce problème.
On s'aperçoit en outre qu'au-delà des clichés habituels, le fléau économico-social qu'est la faillite personnelle ne concerne pas uniquement une population au train de vie démesuré, mais souvent de jeunes actifs sérieux, pris au piège dans notre société de sur-consommation.
Miyabe Miyuki, qui a obtenu en 1992 le prix Yamamoto (un équivalent du « Goncourt du policier »), nous entraîne donc au rythme d'une énigme complexe et habilement menée dans un Japon moderne où la violence n'est pas forcément physique mais plus sûrement dans l'indifférence que l'on rencontre chaque jour.
Yayane

Article : Une carte pour l'enfer

Une carte pour l'enfer, Miyabe Miyuki
traduit par Chiharu Tanaka et Aude Fieschi
Editions Philippe Picquier, 2001



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