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[Chronique] Pharoahe Monch – Post Traumatic Stress Disorder

Publié le 17 avril 2014 par Wtfru @romain_wtfru

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(W.A.R. Media/Duck Down Music)

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Dans un monde parfait, Pharoahe Monch serait le rappeur préféré incontestable de la populasse. Parce qu’il est l’un des MC’s les plus techniques, les plus créatifs et les plus intelligents que le rap ait connu. Et si les tuiles ne s’étaient pas enchainées au début des années 2000, peut être même que cette supposition aurait trouvé tout son sens.
Petit flashback: figure de proue du label Rawkus alors en plein essor (lisez ça, jeunes comme anciens), Pharo met sa carrière au sein du très respectable duo Organized Konfusion entre parenthèses pour se lancer en solo. En résulte Internal Affairs, album devenu classique quasiment instantanément, porté par l’énorme tube Simon Says. De quoi se faire une place au soleil bien méritée.
Sauf que le rêve se transforme rapidement en cauchemar pour une histoire de sample non déclaré sur le dit-morceau, obligeant l’ami Troy à retirer temporairement son œuvre des bacs. Puis Rawkus se casse la gueule, l’obligeant à repousser sans cesse son retour. Il faudra ainsi sept ans avant de revoir le nom de Pharoahe Monch accolé à la sortie d’un album – l’excellent Desire.

Sa chance d’être en haut de l’affiche définitivement passée, Pharo se contente désormais d’offrir à sa fanbase ce qu’elle attend de lui: des albums de qualité et tant pis pour les autres.
Car malgré les coups durs, le rappeur du Queens n’a rien perdu de sa verve légendaire et de ses qualités d’écriture. Preuve en est avec ce Post Traumatic Stress Disorder, suite logique et officielle de son précédent opus, W.A.R. (We Are Renegades).
Parti en guerre contre l’industrie musicale détruisant selon lui les artistes indépendants (ce qu’il est devenu), P.M  a encore assez de munitions sous le coude pour débarquer avec toute son armée et délivrer des scuds à qui en veux. Le Bad M.F. n’en a pas fini et c’est tant mieux.

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Pharoahe Monch – Bad M.F.

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Par armée, entendre bien évidemment son entourage proche qui l’accompagne dans son combat depuis des années. C’est ainsi que l’on retrouve les copains Marco Polo, Lee Stone, Quelle Chris à la production (où Pharo donne sa part aussi), eux les habitués de ces ambiances survoltées, mais également Mr Porter, Black Thought, Talib Kweli en featuring. Du grand classique qui ne déçoit jamais.
Beaucoup de guitares électriques – comme c’est le cas depuis Desire - donnant un aspect électrique pour appuyer le flow physique et puissant de Pharo ainsi que ses textes jamais avares de bons mots. S’il est un peu moins attaché à découper ses phases dans tous les sens en mode rimes à plusieurs étages où l’on pouvait perdre très rapidement pied (mais que l’on peut retrouver sur D.R.E.A.M. avec un premier couplet incroyable), c’est tout d’abord pour se concentrer encore plus sur le message délivré.

C’est ainsi que l’on retrouve Damage, morceau venu conclure sa trilogie contre les armes à feu (débuté en 94 avec l’immense Stray Bullet et poursuivi le non moins bon When the Gun Draws en 2007) où il se met dans la peau d’une balle.
On peut tout autant se délecter des très bons Losing My Mind, Broken Again, du sus-cité Bad M.F. ou encore Scream. Du Pharoahe pur jus, comme on l’aime. Une qualité qui peut aussi se transformer en petit point faible si on cherche la petite bête. Parce qu’on le sait tellement fort, on aimerait parfois qu’il ne se « Nas-ise » pas trop (c’est à dire sortir du carcan professoral du mec qui vient donner la leçon) et ressorte le bleu de chauffe. Pour ça qu’un D.R.E.A.M va un peu plus retenir notre attention, car en compagnie d’un technicien du calibre de Talib, Pharo se sent obligé de montrer les crocs et c’est dans ce genre de posture qu’il est carrément injouable.
Il faudrait donc plus de featuring, plus de prises de risque (comme sur le titre final où l’aspect soulful lui va toujours aussi bien) pour éviter quelques redondances que l’on peut retrouver sur cette fin d’album, sentiment déjà palpable sur le précédent disque.

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Pharoahe Monch – Losing my Mind (feat. Mr Porter)

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Pharoahe Monch – Damage

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Enfin ce petit bémol ne remet absolument pas en cause la qualité de PTSD. Même à 50% de ses moyens et justement sans avoir de moyens financiers immenses, Pharoahe Monch parvient à créer quelque chose largement au-dessus de la mêlée avec un album qui comptera parmi les meilleurs de l’année dans le genre à l’heure des récapitulatifs. Et si de tout ceux n’ayant pas eu la carrière qu’il méritait, Pharo fait sans doute parti de ceux qui s’en sortent le mieux, avec ce savant mélange d’intégrité artistique et de qualité intrinsèque, on ne peut s’empêcher de regretter ce « gâchis » (c’est relatif hein) qui l’empêche de miser sur un succès commercial.
Au lieu de ça, il doit se contenter des hommages rendus par des Eminem ou des Jay-Z. Et de notre respect éternel.

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Pharoahe Monch – D.R.E.A.M. (feat. Talib Kweli)

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Note:

4 wtfru

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Tracklist:
1. The Recollection Facility
2. Time2
3. Losing My Mind (feat. Mr Porter)
4. Heroin Addict
5. Damage
6. Bad M.F.
7. The Recollection Facility part.II
8. Rapid Eye Movement (feat. Black Thought)
9. Scream
10. SideFx (feat. Dr. Pete)
11. The Jungle
12. Broke Again
13. Post Traumatic Stress Disorder
14. D.R.E.A.M. (feat. Talib Kweli)
15. The Recollection Facility part.III
16. Eht Dnarg Noisulli (feat. The Stepkids)

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