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En solitaire (2013) : à contre-courant

Publié le 18 avril 2014 par Jfcd @enseriestv

En solitaire est le premier film de Chritstophe Offenstein en tant que réalisateur et sera en salles au Québec dès le 18 avril. L’action débute alors que le skipper Frank Drevil (Guillaume Canet), blessé, doit céder sa place à Yann Kermadec (François Cluzet) en vue de la prochaine course Vendée Globe qui consiste à faire le tour de la Terre en solo. Bravant littéralement vents et marées, le DCNS nécessite quelques réparations et c’est lors d’un arrêt en mer qu’un jeune sénégalais, Mano (Sammy Seghir) s’y introduit clandestinement. Lorsque Yann s’aperçoit de cette présence, il est trop tard pour revenir en arrière et pour éviter d’être disqualifié, décide de cacher sa présence. En solitaire est un genre de docu-fiction où l’on regarde sa montre après les 20 premières minutes passées. Si la partie documentaire avec ses prises de vue est réussie, c’est tout le volet narratif qui se révèle bancal avec certains personnages qui n’ont rien à se dire et d’autres, insipides.

En solitaire (2013) : à contre-courant

Vraiment en solitaire

Yann se voir offrir une opportunité en or : celle de participer à une prestigieuse course en mer et la présence de Mano à bord de l’embarcation vient tout gâcher. Au début, Mano feint de ne pas comprendre le français, ce qui élimine de facto toute conversation entre eux. Mais lors d’une tempête particulièrement violente, le jeune Sénégalais panique et Yann découvre le pot aux roses. Communiquent-ils plus pour autant? Absolument pas. Yann poursuit sa traversée alors qu’il somme Mano de rester tapis dans un coin de la cale. C’est justement le point le plus décevant dans En solitaire. Comme l’écrit Tristan Gauthier dans sa critique : « la relation entre les deux personnages ne convainc pas, et chose infiniment plus regrettable, peine à nous émouvoir. Peut-être parce que cette rencontre entre deux êtres esseulés manque de liant, d’actions concrètes qui auraient renforcé l’idée d’une relation père-fils de substitution. » Si les deux protagonistes communiquaient un peu plus, on s’en irait déjà dans  une meilleure direction. On n’apprend à peu près rien sur Mano, sinon qu’il aime le football et qu’il est malade au niveau de la poitrine. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’il veut gagner la France afin d’être soigné. Mais autant ce manque d’informations est regrettable pour qu’on s’attache au jeune adolescent, autant il vient miner la crédibilité du scénario. Est-ce la vraie raison qui l’a motivé à partir? A-t-il une famille, des parents qu’il a abandonné et ces derniers sont-ils au courant de cette fuite? Que compte-t-il faire une  fois les pieds sur terre?

Ces carences scénaristiques affectent aussi le personnage de Yann. Lors de son départ sur les mers, on ne connait rien de lui et on n’en apprend pas vraiment plus tout au long du film, sinon des échanges soit anodins avec sa femme et sa fille, soit des échanges « techniques » avec l’équipe qui l’aide pour la traversée. Outre le fait que l’on ait droit à quelques scènes de rapprochement entre lui et Mano, c’est surtout le côté égoïste de sa personnalité qui ressort. Lorsqu’il se rend compte de son intrusion, il est à deux doigts de le battre et prononce haut et fort « c’est MA course! ». Dans ce cas-ci, il n’a que faire de l’historique du jeune garçon et ne pense qu’à la compétition. Plus tard lorsque son collègue Frank le rejoint en mer afin de récupérer Mano et ainsi éviter que Yann se disqualifie, ce dernier fait volte-face en disant « c’est MON histoire »; voulant par là s’approprier une anecdote qui sera maintes fois reprise par la suite par les médias lorsqu’ils auront connaissance de toute l’histoire? Ce n’était bien évidemment pas l’impression que voulait laisser Offenstein au téléspectateur, mais il est permis d’en penser ainsi vu le peu d’empathie de Yann à l’égard de Mano tout au long du film.

En solitaire (2013) : à contre-courant

Le tour du monde sur l’eau

Lorsqu’on entame En solitaire sans s’être préalablement informé sur celui-ci, on se demande d’abord s’il s’agit d’un documentaire ou encore d’une adaptation à l’écran d’un fait réel. C’est que la mise en scène se veut très minutieuse et nous montre en détail tout le travail qu’implique une telle traversée. Bien entendu, le fait que le réalisateur ait insisté pour tourner réellement en mer plutôt qu’en studio vient accentuer ce réalisme. En fait, une quinzaine de techniciens se sont entassés dans ledit bateau de 18,28 mètres pour capter les images du long métrage[1].  Filmé en partie avec une caméra à l’épaule, captation des images peu importe la température, couchers de soleil pris sur le vif à couper le souffle; de ce point de vue, on peut saluer le talent de toute la production pour cet exploit.

En solitaire (2013) : à contre-courant

Un caméo pour Karine Vanasse

Dans le premier tiers d’En solitaire, on retrouve avec surprise Karine Vanasse dans le rôle de Mag Embling, un skipper qui a dû abandonner la course après que son bateau ait chaviré. C’est toujours une source de fierté que de voir une actrice québécoise percer à l’étranger. Seulement, on est médusé par les nationalités des rôles qu’elle incarne. Dans Pan Am (ABC, 2011-2012), elle était Colette Valois et dans Revenge (ABC, 2011- ), Margaux LeMarchal. Dans les deux cas, son personnage est français d’origine, mais parlant très bien l’anglais. Dans En solitaire, c’est une Anglaise d’origine qui se débrouille très bien en français. À quand pour elle un rôle à l’étranger de Québécoise? L’Amérique du Nord (française) n’est-elle pas assez exotique?

En solitaire ne marquera pas l’année cinématographique 2013 (2014 dans le cas du Québec pour sa sortie). Dans ce cas-ci, un documentaire aurait été plus intéressant que la fiction qui nous est offerte. Le film manque d’émotion alors qu’il avait le potentiel d’en susciter davantage. Quant aux personnages secondaires, particulièrement la famille de Yann, ils n’apportent rien au récit, sinon de boucher quelques trous. Souhaitons à Christophe Offenstein un meilleur succès avec son prochain film intitulé Des enfants dans les arbres. Le tournage commencera cet été dans les Landes et aura pour cadre la Deuxième Guerre mondiale alors que de jeunes enfants juifs de l’Hexagone tentent de fuir les nazis en se réfugiant en Espagne.

[1] http://www.lexpress.fr/culture/cinema/en-solitaire-un-film-bien-barre_1297211.html


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