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"Quand la France s'éveillera" de Pascal Lamy

Publié le 24 avril 2014 par Francisrichard @francisrichard

Le monde a changé. Désormais il n'y a plus un Nord riche et un Sud pauvre comme il y a seulement vingt-cinq ans. Le Sud, du moins la partie émergée, fait maintenant jeu égal avec le Nord.

"Le monde se transforme", écrit Pascal Lamy dans son dernier livre, Quand la France s'éveillera "et nous sommes loin de la vision caricaturale et unilatérale souvent présentée en France d'une mondialisation réduite à la seule concurrence déloyale que les pays en développement feraient peser sur nos entreprises, les conduisant à délocaliser leurs activités, à baisser les salaires, à faire pression sur l'Etat pour qu'il réduise la protection sociale."

Pascal Lamy, ancien directeur général de l'OMC, est en effet bien placé pour savoir quels sont les bienfaits qu'il faut mettre au crédit de la mondialisation, au premier rang desquels la réduction sans précédent de la pauvreté dans le monde:

"En vingt ans (1990-2010), 700 millions de personnes sont sorties de l'extrême pauvreté, soit une population supérieure à celle de l'Europe."

La mondialisation n'aurait pas été possible sans les formidables avancées technologiques qui ont permis une organisation nouvelle de la production, l'élargissement des marchés, le développement des échanges.

Les échanges ont d'ailleurs changé de nature:

"Bien souvent, les composants d'un même bien sont produits aux quatre coins du monde. Bien souvent, les différentes phases d'assemblage sont réalisées dans des unités de production géographiquement éloignées."

Il faut désormais parler de Made in the World...

C'est la face lumineuse de la mondialisation.

Il y a aussi la face sombre: le chômage, les délocalisations, la précarité, les inégalités. Et les menaces qui pèsent sur le développement économique futur: le réchauffement climatique, la pollution, l'épuisement des ressources naturelles. Alors, en bon socialiste, tendance social-démocrate, Pascal Lamy dit qu'il faut réguler la mondialisation; mieux, la maîtriser; mieux encore, la civiliser.

Pour atteindre ce dernier but, il faut que l'Europe soit fidèle à l'image qu'elle donne, selon lui, à nos voisins des autres continents: "une identité forte, une capacité à concilier la liberté individuelle et l'intérêt collectif, une expérience d'intégration régionale, un modèle économique et sociale humaniste, une culture sophistiquée".

Encore faut-il que l'Europe comble son déficit d'appartenance. Elle ne pourra le faire, selon Pascal Lamy, qu'en développant ses réseaux d'échanges d'étudiants, avec les bourses Erasmus, et d'échanges en matière de recherche, avec les bourses Marie-Curie; qu'en articulant un socle commun réglementaire avec, par exemple, l'instauration d'un salaire minimum dans chacun des pays européens et l'harmonisation de l'impôt sur les profits des entreprises.

Encore faut-il que l'Europe comble son déficit de croissance. Elle ne pourra le faire qu'en favorisant la compétitivité qui en est un des moteurs et sans laquelle il n'est pas de créations d'emploi. L'économie sociale de marché que Pascal Lamy appelle de ses voeux implique certes "une dose de redistribution importante pour assurer sécurité sociale, au sens large, et lutte contre les inégalités", mais cela n'est possible que s'il y a création de richesses.

Encore faut-il que l'Europe comble son déficit de gouvernance. Elle ne pourra le faire qu'en maintenant à la Commission européenne le rôle de proposer les lois et de les exécuter une fois qu'elles ont été décidées par le Conseil des ministres des Etats et le Parlement européen; qu'en faisant d'elle le porte-parole unique de l'Union dans toutes les instances internationales et en la rendant politiquement responsable devant le Conseil des ministres.

La France s'éveillera quand elle ne cauchemardera plus la mondialisation. Plutôt que de lui tourner le dos, elle doit chercher à l'humaniser, à la civiliser si elle la trouve inique et mauvaise. Mais elle ne pourra pas changer le monde toute seule. C'est l'Europe qui pourra le faire et la France ne pourra donc le faire que dans son sillage. D'où l'importance du couple franco-allemand: la France et l'Allemagne doivent se rapprocher plus étroitement si elles veulent peser sur le changement du monde, via l'Europe.

La France doit notamment comprendre que "la production de richesses précède le partage" et l'Allemagne que "le monde est instable et parsemé de menaces à contenir au besoin par la force armée comme François Hollande l'a justement décidé au Mali et en Centrafrique".

Ces deux pays doivent en conséquence élaborer en commun les lignes directrices de leurs politiques économiques:

"Les prélèvements fiscaux et sociaux, et donc les dépenses collectives, devraient être progressivement rapprochés, pour parer au risque de concurrence déloyale."

Ils doivent prendre des positions communes au sein du Conseil des ministres de l'Europe et agir de concert au sein des institutions financières telles que le FMI ou la Banque mondiale.

La France et l'Allemagne doivent enfin s'entendre sur la politique étrangère et de sécurité, sur la défense donc.

Comme on le voit, Pascal Lamy est un fervent défenseur de la mondialisation et du libre-échange, mais il l'est aussi de ce qui peut empêcher l'une et l'autre de fonctionner à plein. Il cède en effet à l'illusion régulatrice, celle qui consiste à penser qu'un marché imparfait doit et peut être corrigé de ses défauts et imperfections par des interventions étatiques.

Or les interventions étatiques, qu'elles soient locales ou globales, qu'elles se fassent sous la forme de réglementations ou de politique monétaire, ont pour effet de fausser les échanges et d'empêcher qu'ils ne se fassent librement. Dans ces conditions, les résultats de ces échanges ne peuvent qu'en être affectés et leurs bienfaits amoindris, voire annihilés.

Pascal Lamy est en fait favorable à une gouvernance globale, c'est-à-dire à un mondialisme, qui est un constructivisme, illusoire. Il ne faut pas le confondre avec la mondialisation, qui, elle, est un phénomène spontané, réel.

Francis Richard

Quand la France s'éveillera, Pascal Lamy, 176 pages, Odile Jacob


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