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Dans ma cabane une platine # 26

Publié le 26 avril 2014 par Euphonies @euphoniesleblog

 

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Dans ma cabane une platine # 26

Depuis quelques mois maintenant, il ne passe pas un jour sans que l’on parle sur la toile du projet Pono entamé par Neil Young voici bientôt dix ans. Kesseussé, me demanderez-vous d’une voix encore empâtée par l’hydromel de la veille, sans même prendre la peine de respecter l’intonation finale d’une interrogative orale de toute façon approximative... Explications.

Le Loner, qui a presque l’âge de ma mère, s’est embarqué dans un combat contre l’affreux format mp3 qui selon lui dénature la proposition musicale telle que l’artiste l’a envisagée. Autrement dit, pour Neil Young, écouter Harvest encodé en MPEG-1/2 Audio Layer 3 (le charmant nom du format initial) mérite la pendaison haut et court, mais dans un auditorium. Alors, pour venir à la rescousse de toutes ces victimes de la compression musicale, le chanteur de Cinnamon Girl propose le Pono, sorte d’Ipod déguisé en Toblerone, capable de restituer si j’ai bien tout compris l’œuvre dans ses moindres subtilités, c’est à dire de donner à entendre le pet de Ringo Starr sur Yellow Submarine à 1:19. 

Bon ok je charrie. Et je sais qu’en écrivant les lignes qui vont suivre, je ne vais pas me faire que des amis dans le monde des obsédés de l’acoustique.

Certes je fais partie des gens qui ont envie de fusiller sans sommation tous ces jeunes cons qui ne voient pas combien vivre la promiscuité de leur musique mal dégueulée via des haut parleurs cacochymes dans les transports en commun est une souffrance. Si j’avais le temps et le vice, je prendrais moi aussi le bus ou le métro avec un sound-system de stade pour leur imposer mes caprices du moment : Un p’tit Craftmen Club, un St Lô, un Melanie de Biasio. Mais je me contente de maugréer, comme tous les soumis sans gonades.

Et je fais aussi partie des gens qui ne comprendront jamais l’intérêt de dépenser des sommes obscènes juste pour mieux apprécier le glissement des doigts d’un Clapton sur une Fender.  Cela me rappelle l’anecdote (véridique ?) de Gainsbourg, écoutant avec l’une de ses dernières conquêtes une de ses chansons retransmises sur un petit poste TV 36 cm de cuisine. Elle lui demande s’il ne préfère pas en profiter sur un matériel plus respectueux de son œuvre (peut-être un titre avec Jean-Claude Vannier). Et Gainsbourg de répondre magnifiquement par la négative : « non, parce que c’est comme ça que la plupart des gens l’entendent ». Tout est là. Pour comparaison, j’ai toujours été fasciné par les névrosés de la restitution sonore et visuelle. A quoi bon dépenser 2000 euros (ou plus) pour regarder en Full HD Dolby 5.1 un film de Murnau ou de Godard ? Cela voudrait-il dire que plus on optimise la technique plus on perd de vue l’émotion ?

En fait comme souvent, la vérité est dans l’entre-deux. On ne regarde pas Wong Kar Wai sur un écran d’Ipod Touch, mais on peut largement profiter des 2 Many Dj’s sur une base smartphone. Ce qui me frappe, c’est quand la technique prend le pas sur l’émotion. Quand il est plus important de restituer que d’écouter. Certes je ne profiterais pas de Pink Floyd sur un 2x2 watts. Mais je me contrefous d’écouter Blur en mp3, comme de regarder Rohmer en VHS. Je dirais même que mes plus beaux souvenirs musicaux sont gravés sur BASF Ferro-Chrome et que pendant longtemps, j’ai écouté The Wall compressé et repiqué d’une radio qui amputait systématiquement les trente dernières secondes.

Avez-vous déjà essayé de lire confortablement Céline dans la Pléiade ? Taper dans un Adidas officiel Fifa cousu main offre t-il de meilleures sensations qu’une partie de foot endiablée, entre potes, avec le ballon à moitié dégonflé du garage ? Je préfère contempler une reproduction de la Joconde sur mon dictionnaire des Arts plutôt que d’attraper au sortir d’un jeu de coude un fragment de la vraie Mona Lisa dans la salle boursouflée du Louvre. Je vieillis sans doute. Mais la névrose d’authenticité me fait de plus en plus douter.

Alors Neil, excuse-moi, mais je crois que je préférerai toujours écouter Old Man sur mon vieux vinyle d’occas’ lors d’une soirée saucisson / vin rouge, et je choisirai toujours l’option mp3 lors d’une virée en bagnole, à imprimer le paysage défilant au son de Heart of Gold, plutôt que de débourser 400 euros pour être certain d’entendre le couinement de ta couille gauche quand tu changes d’accord.

Et puis franchement, Mr Young, avez-vous perdu le sens, non de l’ouïe, mais de l’odorat, pour envisager que le mélomane lambda investisse autant d’argent dans une machine qui déforme les poches arrières d’un Jeans ? Ou dois-je conclure qu’à bientôt 70 ans, le toucher de quatre billets de 50 euros vaut plus qu’un Like a Hurricane diffusé au soleil couchant, sur un auto-radio de peugeot 106 au bord de la mer ?

En attendant votre réponse, qui ne manquera pas d’arriver, acceptez que je propose à mes lecteurs d’écouter mes coups de cœur du mois d’avril en streaming sur Spotify

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