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[Musique] Chino Moreno : une voie à part

Publié le 27 avril 2014 par Glossnroses @MarionWlad

Mes hardglossies, laissez-moi vous présenter un nouveau venu dans la team Gloss N’Roses : Nicolas ! C’est une super personne passionnée par la culture et l’écriture. Pour en savoir un peu plus sur lui, cliquez ici. Je lui laisse donc la parole !

{Nicolas}

Dans moins de deux mois, c’est l’été, et avec, les amourettes de vacances et les chaudes nuits. Pour ce qui est de la bande son de ces nuits, les avis divergeront et nul doute que certains d’entre vous, amateurs de hard rock et de metal opteront pour les légendaires hard rock ballads qui font toujours leur effets depuis des décennies et dont certaines ont contribué à la démographie (je pense notamment à Still Loving You des Scorpions, Stairway to Heaven de Led Zeppelin, Parisienne Walkways de Gary Moore ou le classique Nothing Else Matters de Metallica, ainsi qu’une partie de la discographie des Guns ou d’Aerosmith). Mais un homme peut réussir à mettre d’accord un couple dont un serait fan de metal et de hard rock et l’autre plutôt branché trip hop. Cet homme c’est Camillo Wong Moreno, plus connu sous le surnom de Chino, chanteur d’origine sino-mexicaine du groupe de metal Deftones, ainsi que des projets Team Sleep, Crosses ††† et Palms.

chino moreno

Chino Moreno, c’est un chanteur à part dans le monde du metal. Placé 51ème sur les 100 meilleurs chanteurs de metal de tous les temps, il se démarque par sa gamme, hurlant comme un possédé sur les titres les plus rugueux et posant une voix ténor des plus douces lors des chants mélodiques, laquelle transporte et donne des frissons, loin de certaines voix qu’on a l’habitude d’entendre dans le metal. Son autre particularité va être son univers musical. Alors que le metal va piocher ses influences dans le classique, le blues, le punk, le rock n’roll, Chino, lui,  avoue avoir été beaucoup influencé par les Cure, les Smiths, Duran Duran, les Smashing Pumpkins, Depeche Mode, Mogwai ou encore My Bloody Valentine. Et cela s’en ressent autant dans l’univers graphique, l’artwork des pochettes d’albums plus proches du rock que du metal, mais aussi les compositions et le style vocal. Deftones a débarqué en 1995 avec Adrenaline, un an après Korn, l’autre groupe fondateur du nu metal. Contrairement à ces derniers, le premier album de Deftones ne sera pas une énorme déflagration, mais pose l’empreinte du groupe avec le clip Bored, ainsi que les power ballads Fireal, et l’instrumental Fist. Son successeur Around the Fur sera le plus gros succès, et le classique du groupe. Comme Adrenaline, il sonne très nu metal, avec cette fois un effort esthétique au niveau de la pochette, une production travaillée, des titres enchaînés les uns dans les autres, ce qui donne une certaine logique à l’album. C’est lors du titre le plus énervé, Headup, que l’invité Max Cavalera, parti de Sepultura, trouvera dans une rime, le nom de sa future formation, Soulfly. Around the fur est surtout l’album où Chino Moreno utilise ce qui fera sa patte, à savoir cette façon de murmurer des paroles de manière lancinante et sensuelle, à l’image de la douce Mascara ou de My Own Summer (Shove it) où Chino susurre les paroles du couplet à l’oreille avant de laisser aller à la furie du refrain, renforçant une certaine intensité.

chino moreno saut

Le virage sera dans le troisième album White Pony. On passe du nu metal au metal alternatif incorporant des éléments trip hop et new wave. Depuis Around the fur, Chino a renforcé les liens avec son autre formation Team Sleep, un groupe mélangeant rock alternatif, trip hop et dream pop. Cette influence, on la ressent dès le second titre, le planant Digital Bath dont seules les guitares saturées du refrain rappellent qu’on est dans un album de metal. La chanson Teenager, parlant de rupture (à déconseiller si vous êtes bilingue), à l’origine prévue pour être jouée par Team Sleep, s’abandonne à la langueur du trip hop. Une chanson idéale, dans sa rythmique ainsi que dans la voix totalement posée, pour roucouler dans les bras de votre partenaire. Le single de l’album sera Change (In the House of Flies), power ballad magnifique de sensualité et de douceur dans le couplet et avec de bonnes guitares saturées dans le refrain, donnant d’agréables frissons de plaisir.

L’album suivant, sobrement intitulé Deftones, est de moins bonne facture, plus basique, moins risqué. Pour le côté planant, on le retrouve dans Lucky You où DJ Crook de Team Sleep est invité, et la triste Anniversary of an Uninteresting Event. En 2005 sort l’unique album de Team Sleep, où se marient des textes autour de Poe ou d’évènements historiques récents dans une ambiance planante servie par une très bonne production.

deftones
La même année, Deftones sort un recueil de faces B et de raretés, dans lesquels on voit le talent du groupe dans un exercice casse-gueule très prisé par les groupes de metal. Si d’autres formations de la même génération ne s’en sont pas super bien tirées (Limp Bizkit avec les hyper-commerciaux Faith et Behind Blue Eyes et Korn qui massacre Creep), Deftones s’en sortent à merveille, magnifiant la sensualité de Please, Please, Please Let Me Get What I Want des Smiths, et se réappropriant Simple Man des Lynyrd Skynyrd. Ils osent une cover de No Ordinary Love de Sade, mais la reprise collant trop près à l’originale, je la conseillerais plutôt aux fans de la chanteuse anglaise, y compris au niveau du chant. Dans leurs très bonnes reprises, on peut aussi citer celle de Jealous Guy de John Lennon pour la compilation caritative Make Some Noise : The Amnesty International Campaign to Save Darfur, ainsi que du l’instrumental tout en douceur Sleep Walk de Satriani.

Sorti un an plus tard, Saturday Night Wrist marque un tournant dans le groupe, qui connaît des tensions, liées notamment aux addictions de Chino. Esthétiquement, l’album rappelle Around The Fur. Au niveau du contenu, on retrouve ce dosage entre furie et morceaux calmes comme dans White Pony, ainsi que la qualité de cet album. Certaines chansons se détachent, mais dans la logique d’une nuit d’amour, je conseillerais le très beau et doux Cherry Waves et son refrain qui transporte, l’instrumental planant u,u,d,d,l,r,l,r,a,b, select,start, et deux autres autres belles ballades : Xerces et Riviere. Beware est également un morceau calé dans sa rythmique avec des grosses guitares vers la fin du morceau, mais les paroles traduisent un avertissement contre les excès en tout genre. Cet album sera le dernier avec le bassiste Chi Cheng, victime en 2008 d’un accident de voiture qui le plongera dans un coma dont il décèdera en 2013.

Il faudra attendre quatre ans, un changement de label et de bassiste pour que Deftones reviennent, et le retour est à la hauteur de l’attente. Dans un souci de positiver malgré la douloureuse épreuve de l’hospitalisation de leur ami, Deftones joue dans un registre moins dark, aucun morceau n’est entièrement hurlé comme ça a pu être le cas dans le passé, Chino privilégiant l’aspect mélodique. Parmi les perles dont regorge l’album, on peut détacher les power ballads Beauty School, Risk, les morceaux électriques 976-Evil, This Place Is Death et You’ve Seen the Butcher, mais surtout le monument de sensualité Sextape qui, malgré son titre provocateur, est un de leur plus beau, porté par un clip beau, poétique. Ici, Chino magnifie le désir et le plaisir et nous livre probablement la plus belle bande annonce pour des ébats d’été.

Il n’y aura pas de répit pour Chino qui, après cet album, part sur tous les fronts, se diversifiant sur plusieurs side projects. En 2011, avec des musiciens du groupe Far (qui avait été invité le temps de deux reprises qu’on retrouve sur le recueil de faces B cité plus haut), il fonde Crosses †††, groupe d’électro-rock orienté vers le trip hop (qu’on retrouve avec un tempo assez lent) et la witch house (genre de la musique électronique plutôt dark avec un esthétique visuelle très travaillée). On retrouve cette dernière influence dans l’utilisation du concept de la croix utiisée jusque dans les titres des chansons (la lettre « t » est remplacée par † dans tous les titres). Deux ans plus tard, avec les musiciens du groupe post metal Isis, Chino forme Palms, groupe de post metal (mélange entre post-rock, le metal et le shoegazing). On peut faire le lien entre Crosses ††† et Palms. Les deux groupes posent une musiques extrêmement planante, dans laquelle Chino n’utilise que sa voix mélodique et proposant une musique assez fouillée. Si l’album Palms est idéal pour tout moment câlin à deux, et s’avère très reposant, il pèche hélàs par des morceaux que certains pourraient trouver trop longs, et la production est un chouia trop plate quand celle sur les deux EP et le LP de Crosses, dont la musique multiplie les couches sonores, des basses très prononcées. Là où on est bercé par Palms, Crosses va privilégier une sensualité à fleur de peau, parfois électrisante.

chino moreno scene

Cette dispersion ne nuira pas à la carrière de Deftones qui, en 2012 entre les multiples side projects de son chanteur, livre Koi No Yokan, une de leurs meilleures œuvres. Cette galette bénéficie d’une production de mammouth et on le ressent à la première écoute. La part belle est faite aux morceaux énergiques. Pas de ballades sensuelles, plutôt quelques titres planants comme Entombed, Rosemary et le bouquet final What Happened To You ?

Artiste prolifique, Chino Moreno s’est démarqué de ses confrères en osant emmener le metal vers le terrain de l’électro, mais loin de se vautrer comme Korn quand ils avaient tenté l’aventure dubstep, Chino Moreno, que ce soit avec Deftones ou ses side projects, taille patron, se détache d’autres artistes, se singularise et trace sa voie, sa voix, une voix à part.

@Nicolas


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