Jérôme Zonder

"EGO", 2008. Mine de plomb sur papier, 175 x 150 cm. Collection privée, France

Jérôme Zonder, né en 1974 et diplômé des Beaux-arts de Paris en 2001, est représenté par la galerie Eva Hober. Il pratique un dessin narratif en noir et blanc de haute précision où les univers graphiques d'Ingres, d'Albrecht Dürer, de Jean-Olivier Hucleux rencontrent les espaces narratifs d'Otto Dix et de Blanquet. Lorsqu'il réalise des bandes dessinées, les noms de Crumb et de Gotlib sont palpables entre les cases.

“ON FÊTE L’ANNIVERSAIRE DE SES NEUF ANS”, 2009. Graphite et encre sur papier, 75 x 75 cm. Collection privée, France.

Chez Jérôme Zonder, le dessin ne se contente pas d'être un moyen d'expression mais devient un espace actif : ''Je veux dessiner, pas faire des dessins''. Pour que celui-ci devienne espace, il faut le réaliser à grande échelle, afin d'atteindre jusqu'au moléculaire et permettre ainsi au spectateur d'être au moins confronté sinon d'être happé par lui.

"BAPTISTE AU LUXEMBOURG", 2011. Mine de plomb et fusain sur papier, 200 x 150 cm.
Collection privée Bâle.

Ce soucis de l'inclusion se retrouve également dans l'espace narratif que Jérôme Zonder déploie dans ses œuvres. La petite histoire intime et la grande se mêlent, pour attirer l'attention sur des thèmes universels entre les quatre murs d'une chambre d'enfant par exemple. Le huis-clos des situations (chambres sans portes ou seulement entre-ouvertes, plans en pied mais serré sur une action,etc.), ainsi que la proximité induite par la grande taille des personnages représentés, finit de refermer l'espace narratif sur nous. Les masques portés par certains enfants ne se limitent pas à un simple effet de style. Encore une fois, il est question d'englober le spectateur, de faire du dessin quelque chose qui permet de s'insérer dans un espace certes fictionnel, mais qui fait allusion à la cruauté de faits réels : « Les masques sont des éléments identitaires absolus, ils révèlent le caractère d'un personnage en même temps qu'ils mettent l'accent sur l'artificialité des scènes représentées. C'est surtout la façon dont le manga utilise le visage qui m'a fait réagir : la simplification des visages dans le manga, aide à l'identification du lecteur. Le masque a un effet ''rentrant'' dans les dessins, alors que la représentation d'un visage réaliste a un effet ''sortant'' ». Le masque comme surface d'implication ou du moins de projection de soi.

"JEU D’ENFANTS #1", 2010. Mine de plomb sur papier, 160 x 160 cm.
Collection Antoine de Galbert, France.

Les situations horribles étalées sous nos yeux sont une continuation « de l'univers monstrueux qu'on trouve depuis le Moyen Âge ». La violence, l'intensité des contextes représentés ne sont que « l'écho des pulsions de mort à l’œuvre autour de nous ». Elles visent à atteindre « une brutalité analogue à celle du vivant » et l'exploitation de figures d'enfants permet à l'artiste d'opérer un retournement de la « victime en bourreau ». En 2009, nous explique l'artiste : « une montée de violence me semblait palpable. J'ai commencé une série consacrée aux enfants du siècle, âgés donc de neuf ans, autour du thème de leur anniversaire. […] J'ai mis en scène des moments d'actualité rejoués par des enfants. Sadiques, cruels, humiliants. Dans quelques années, je dessinerai des adolescents ». Dernier élément de clarification sur l'utilisation de personnages d'enfants : « Le jeu, disent les psychanalystes, est la première expérimentation du monde des adultes. La première tentative de le digérer ». Et l'adulte imité est représenté la plupart du temps, gisant inconscient ou mort, afin d'éviter toute intrusion dans cette phase exploratoire.

“ON FÊTE L’ANNIVERSAIRE DE SES NEUF ANS”, 2009. Encre sur papier, 75 x 75 cm.
Collection privée, France.

Le travail de Jérôme Zonder vient, à la manière du crayon déposant sa marque dans la chaire du papier, se graver sur notre rétine jusque dans notre mémoire, y ravivant scènes historiques, images d'actualité et événements intimes propres ou empruntés.

Cyril