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I Capuleti e i Montecchi à l’Opéra national de Paris avec Ekaterina Siurina et Karine Deshayes

Publié le 09 mai 2014 par Nicolas Bourry @nicolasjarsky
©  Marie Thérèse Hébert & Jean Robert Thibault - Flickr

© Marie Thérèse Hébert & Jean Robert Thibault – Flickr

Soirée prestigieuse pour Louis hier soir. Rendez-vous à l’opéra Bastille pour une représentation de l’œuvre de Vincenzo Bellini I Capuleti e i Montecchi, autrement dit, les Capulet et les Montaigu. Normalement, ces deux noms de famille devraient vous rappeler vaguement quelque chose… L’opéra retrace l’histoire des deux amants les plus célèbres de l’Histoire à savoir Roméo et Juliette. Mais il s’agit aussi (et peut-être surtout) de mettre en scène les déchirements entre les deux familles. L’opéra démarre alors que les deux amants interdits sont amoureux l’un de l’autre. L’idée n’est pas de dépeindre les débuts d’un amour naissant mais plus de se centrer sur le drame imminent. Roméo vient de tuer le fils Capulet, la famille crie vengeance contre Roméo et refuse toute idée de paix qui pourrait être concrétisée par un mariage entre les deux familles, donc entre Roméo et Juliette. Cette dernière est promise par son père à Tebaldo, franc partisan des Capulet ce qui ne réjouit pas spécialement Roméo. Ambiance plutôt tendue à Vérone. La guerre entre les deux familles et le mariage imminent, poussent Roméo à proposer à Juliette de s’enfuir tous les deux. Mais la jeune Capulet, au nom de l’honneur refuse. Roméo débarque avec des hommes armés pour empêcher la noce d’avoir lieu. Les deux amants sont séparés manu militari. Fin du premier acte. Le deuxième et dernier acte est consacré au célèbre épisode du philtre : Juliette pour échapper au mariage et à Tebaldo boit un puissant somnifère qui la fera passer pour morte avec pour objectif de retrouver Roméo à son réveil. Sauf que Roméo n’est pas mis au courant de l’astuce. Fou de chagrin il se tue sur la tombe de sa bien-aimée qui se réveille à ce moment-là ! Les deux amants peuvent  échanger quelques mots puis se suivent dans la mort. Si l’histoire de Roméo et Juliette est très connue, Bellini y apporte un regard neuf avec notamment cet échange possible entre les deux amants à la fin de l’opéra. En outre, particularité de l’opéra, c’est une mezzo-soprano qui tient le rôle de Roméo. Il semblerait que la raison soit toute simple : Bellini a utilisé la troupe de chanteurs qu’il avait sous la main ce qui donne un touche très classique voir baroque à ce chef d’œuvre romantique et donne à Roméo les épaules d’un très jeune amant presque adolescent. Nous aimons beaucoup plus cette partition de Bellini que Norma ou la Sonnambula par exemple. Ici on est presque dans une tradition verdienne avec une dimension tragique, une passion contrariée, une action débordante. Pour le mettre en scène hier à Bastille, Robert Carsen dont nous avions adoré la mise en scène de Rigoletto à Aix-en-Provence l’été dernier. Dans le rôle de Juliette la soprano russe Ekaterina Siurina, déjà Juliette dans la version de l’opéra de Munich l’an dernier, qui a une belle carrière internationale prestigieuse (Berlin, Londres, Moscou…) et qui a récemment fait ses débuts en récitals. Dans le rôle de Roméo, l’une des stars lyriques française, Karine Deshayes. On ne la présente plus. La mezzo française est joyeuse, généreuse, brillante. Cette saison elle a notamment été Charlotte dans Werther avec Roberto Alagna toujours à Paris. Notons également dans la distribution la présence du basse Nahuel Di Pierro, que nous aimons beaucoup. D’origine argentine, ancien de l’Atelier Lyrique de l’Opéra national de Paris et il retrouvera le rôle de Lorenzo à l’ouverture de la saison prochaine à Baden Baden et Genève. L’ouverture de l’orchestre de l’opéra de Paris sous la direction de Bruno Campanella est un tout petit peu faible mais on l’oublie très vite quand le rideau se lève sur le premier tableau. La mise en scène de Robert Carsen nous éclate au visage : beauté graphique, véritable tableau de maître. Si on devait faire un reproche, on dirait que le tout est un peu figé mais finalement, cela allège l’oeuvre suffisamment riche en effets. Pour continuer sur la mise en scène, saluons le très beau travail sur les lumières qui donne à la mise en scène un cachet subtil surtout dans le dernier tableau du premier acte. L’univers chromatique dans son ensemble peut paraître presque simpliste avec cette prédominance du rouge mais la lumière et de subtils ajouts (blancheur d’un lit, ombre d’une chaise…) relève intelligemment le tout. Bref, ça fonctionne. Le chœur de l’opéra de Paris est absolument parfait, puissant, joueur et chanteur. Jusqu’au salut final, le chœur occupe l’espace scénique, fait preuve d’une grande unité. Superbe. Le ténor est juste, il manque un peu de reflet. L’orchestre est impeccable dans son rôle d’accompagnateur, comme le fil rouge ou fil d’or, de l’oeuvre. Quant aux voix féminines elles sont exceptionnelles. Ekatarina Siurina dans le rôle de Juliette, est délicate, tout en douceur. Elle offre un très très bel équilibre avec Karine Deshayes qui dans le rôle de Roméo est époustouflante. L’immense scène de Bastille ne fait pas peut à la mezzo qui occupe l’espace de sa voix assurée, clair, qui monte jusqu’au dernier balcon avec une simplicité est un naturel rare. Les deux apportent fraîcheur et nouveauté à l’oeuvre, bel exploit. Le deuxième acte nous laisse sans voix. Le rideau en forme de couperet éclaboussé de sang rythme les différents tableaux. Nous sommes parcourus de frissons pendant le scène du convoi funéraire, nous tremblons lors du réveil de Juliette. Le duo féminin Ekatarina Siurina/Karine Deshayes explose et est d’une grâce extraordinaire. La magie opère dans cette production de l’opéra de Paris. Formidable Karine Deshayes et sublime mise en scène. Bravo.  Le dernier opéra que nous avons vu? Souvenez-vous.

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