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Paul Auster : Excursions dans la zone intérieure

Publié le 12 mai 2014 par Lebouquineur @LBouquineur

paul austerPaul Auster est un écrivain américain né en 1947 à Newark, New Jersey, aux États-Unis. Une partie de son œuvre évoque la ville de New York, notamment le quartier de Brooklyn où il vit. D'abord traducteur de poètes français, il écrit des poésies avant de se tourner vers le roman et à partir des années 1990 de réaliser aussi quelques films. Marié puis séparé de l'écrivaine Lydia Davis, il s'est remarié en 1981 avec une autre romancière, Siri Hustvedt. Il a deux enfants également artistes, le photographe Daniel Auster et la chanteuse Sophie Auster. Excursions dans la zone intérieure est le second volet du diptyque succédant à Chronique d’hiver paru l’an dernier.

Après nous avoir parlé de son corps, Paul Auster s’attaque ici à l’esprit, zone intérieure où il s’engage en pèlerinage à la recherche de son passé, excursion dans la mémoire. En trois chapitres très distincts, l’écrivain revient sur une part de sa vie telle que sa mémoire s’en souvient, sachant très bien que « tu penses pouvoir te souvenir, tu crois te souvenir, mais il se peut que tu ne te souviennes pas du tout ».

La première partie relate l’enfance, avant ses douze ans, car au-delà il ne se considère plus comme enfant. Ses parents distants et sa solitude « ils travaillaient jusque tard le soir, et la maison paraissait éternellement vide », la découverte de sa judéité car on ne pratiquait pas chez lui, sa soif de justice et sa sympathie très jeune « pour les rejetés, les méprisés et les maltraités. » A ses souvenirs personnels se mêlent des échos du monde d’alors et principalement aux Etats-Unis. Ce chapitre est le plus beau, pour moi. J’y retrouve le Paul Auster que j’aime, celui qui produit l’une des plus belles musiques de la littérature contemporaine, immédiatement identifiable par son rythme fait de longues phrases (p.208 la phrase court sur une page entière) exprimant bonté et compréhension, sagesse et bienveillance. Durant tout le texte, l’auteur adopte le tutoiement, celui de l’écrivain Auster s’adressant au petit Paul et par ricochet, le lecteur de la même génération se sent parfois visé quand les souvenirs de l’un font écho avec les siens.

La seconde partie s’attache à disséquer deux films célèbres ayant construit l’écrivain, L’Homme qui rétrécit de Jack Arnold (1957) avec cette question « comment nous insérons-nous dans un cosmos qui défie notre compréhension ? » et Je suis un évadé de Mervyn LeRoy (1932). Un prisonnier innocent s'évade et refait sa vie ; il accepte de retourner en prison afin d'être réhabilité mais il n'obtient pas son acquittement et il s'évade de nouveau. Paul Auster adopte alors un style complètement différent, les phrases sont très courtes, scènes de film décrites succinctement et commentaires sur son ressenti s’enchainent. Pour le lecteur qui connait ces films, la complicité est plus forte encore, les réactions du petit Paul n’étant guère différentes – mais mieux exprimées – des siennes.

Dans le dernier chapitre, l’écrivain a une vingtaine d’années et il reproduit une série de lettres adressées à celle qui sera plus tard sa première femme, Lydia Davis. On en vient enfin, à la création littéraire proprement dite qui commence à émerger. Ses traductions de poèmes, ses bribes d’écrits qui plus tard trouveront vie dans ses premiers romans, les tentatives dans le cinéma par le biais de scénarios non aboutis. Ici la mémoire (incertaine) est confrontée à l’avéré (les lettres) et l’écrivain parfois s’étonne à la relecture de ses lettres de ne pas y retrouver les faits tels qu’il pensait les avoir mémorisés.

Je reconnais avoir été un peu déçu par l’ouvrage. J’en attendais plus, en particulier sur ses débuts d’écrivain, j’espérais du concret sur son travail d’écriture – erreur de ma part – Paul Auster n’avait pas un but de précision mais au contraire, par petites touches tirées de sa mémoire il voulait tisser - à postériori- le cocon qui fit de lui, l’écrivain qu’il est devenu. Il se dégage de l’ensemble, un aspect un peu décousu qui panache l’excellent et une certaine indifférence par moment.   


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