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Les couleurs de Virginie, par Virginie Tanguay…

Publié le 12 mai 2014 par Chatquilouche @chatquilouche

Camp de Joseph Gill

   Joseph Gill portait en lui une richesse qu’il a léguée à ses enfants : la sagesse amérindienne. Planté comme un arbre au large port, ses racines s’abreuvaient de la vie. Il savourait chaque moment comme si c’était le dernier, tout à fait conscient du privilège de vivre. La forêt éveillait ses instincts de survie et ce désir de prendre soin de son entourage. Le bonheur, il le trouvait dans le souffle du vent et le chant du huard.

   Sa femme était de la grande famille des Robertson, renommée pour le commerce de fourrures à Mashteuiatsh. Ensemble, ils eurent une dizaine d’enfants.

   L’été venu, Joseph et son père quittaient les rives du lac Saint-Jean et retrouvaient un territoire montagnais, situé au nord du cinquantième parallèle. Là-bas, c’était le centre de l’univers, au cœur d’une forêt profonde. Ce refuge devenait un lieu de rencontre entre les visiteurs en quête de dépaysement et les guides amérindiens.

   En 1970, le site fut complètement fermé, laissant des souvenirs impérissables chez certains des membres de la famille Gill. Les années passaient. Pierre, un des fils de Joseph, voulait depuis trop longtemps revisiter ces lieux mythiques et s’abreuver à la source. Avec une carte topographique, une boussole, et un minimum de bagages, il partit à l’aventure. Après une route interminable, il posa son canot. Enfin, il respirait profondément et savourait la joie. Pagayant sans se soucier de ses muscles endoloris et à l’affût de tout point de repère, son seul objectif était de retrouver le camp ancestral. Après quinze ans, la forêt se présentait sous un autre jour.

   Les souvenirs défilaient dans sa tête. Il se souvenait de ce temps où lui, ses frères et ses sœurs, assis dans le canot, empruntaient le même trajet. Avec puissance, Joseph guidait l’embarcation et en même temps ses valeurs et connaissances à ses enfants. Son calme et sa maîtrise inspiraient confiance. Pierre se souvenait de la voix de son père qui l’appelait :  « Viens ici, je vais tout t’apprendre ». L’homme lui avait présenté son coffre de pêche et lui avait enseigné l’essentiel.

      Un sourire radieux apparut sur son visage quand il aperçut le vieux quai de bois tout pourri en bordure du lac Serpent. Indomptées, les branches d’aulnes rugueux lui égratignaient la peau au passage. Le camp était toujours debout… soixante-dix ans après sa construction. Pierre se sentait de retour à la maison après un long voyage.

   À l’image de Joseph, le camp était fort et rustique. Jamais il n’avait croulé sous le poids de la neige, il affrontait les saisons. Construit de rondins écorcés, il se camouflait dans la nature sauvage. Seul le toit de tôle avait rougi, comme s’il était timide de revoir un membre de la famille. La bouilloire de métal de Joseph attendait patiemment sur le poêle à bois… pour qu’enfin, l’histoire reprenne son cours.

  Virginie Tanguay

Notice biographique

Virginie Tanguay vit à Roberval, à proximité du lac Saint-Jean. Elle peint depuis une vingtaine d’années. Elle est

Virginie Tanguay
près de la nature, de tout ce qui est vivant et elle est très à l’écoute de ses émotions qu’elle sait nous transmettre par les couleurs et les formes. Elle a une prédilection pour l’aquarelle qui lui permet d’exprimer la douceur et la transparence, tout en demeurant énergique. Rendre l’ambiance d’un lieu dans toute sa pureté est son objectif. Ses œuvres laissent une grande place à la réflexion. Les détails sont suggérés. Son but est de faire rêver l’observateur, de le transporter dans un monde de vivacité et de fraîcheur, et elle l’atteint bien. Elle est aussi chroniqueuse régulière au Chat Qui Louche. Pour ceux qui veulent en savoir davantage, son adresse courrielle : [email protected].

(Une invitation à visiter le jumeau du Chat Qui Louche :https://maykan2.wordpress.com/)


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