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Blue Snuff

Publié le 15 mai 2014 par Olivier Walmacq

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Genre: shockumentary, trash, inclassable (interdit aux -18 ans)
Année: 2009
Durée: 46 minutes

L'histoire: 3 courts métrages. Le premier présente une véritable autopsie, le second se veut un instantané de la mort dans un cimetière mexicain et le dernier décrit les pratiques sado masochistes d'un homme sur une partenaire non consentente.

La critique d'Inthemoodforgore:

Les rares possesseurs du dvd de Melancholie der Engel, oeuvre étrange et sulfureuse signée Marian Dora, ont pu découvrir en bonus trois courts métrages regroupés en un seul titre: Blue Snuff. Un film qui se divise en trois segments d'une durée variable et totalement indépendants les uns des autres. Marian Dora est vraiment un réalisateur à part.
Il possède son propre univers et cet univers est entouré d'une aura mystérieuse qu'il est bien difficile de pénétrer pour le commun des cinéphiles. A la fois trashs, poétiques, lunaires, ses films demandent une bonne dose de courage pour s'y lancer et s'immerger complètement dans le monde quasi mystique du réalisateur allemand. Toutes ses oeuvres se trouvant dénuées de quelconques sous titres, elles n'en sont que plus difficiles à appréhender pour qui ne maîtrise pas la langue de Goethe.
Dans Blue Snuff, Dora ne déroge pas à la règle et nous propose trois courts métrages absolument inclassables, à la fois monstrueux, morbides, pervers mais dont il se dégage comme un fantomatique halo spirituel. 


Frülhing: Le film débute sur une aurore, recouverte d'une brume bleutée, qui se lève sur une forêt. A mesure que le soleil se lève, la caméra se dirige lentement vers une morgue isolée puis, pénètre dans une grande pièce éclairée par des néons. Sur des tables, gisent les cadavres d'une femme et d'un homme âgé. Deux médecins légistes, dont on ne verra jamais le visage, entament alors une autopsie sur le corps du vieillard. Cela commence par le découpage transversal du torse, puis ils poursuivent par une éviscération complète des organes qui sont déposés sur des plateaux chirurgicaux. Avec une méthodicité implacable, ils procèdent au désossement du malheureux en commençant par le fémur.
Alors qu'un des médecins recoud certaines parties du corps, l'autre s'attelle à découper le visage, à l'éplucher tel une orange, à scinder la boîte crânienne en deux au scalpel puis au burin, avant de présenter le cerveau en gros plan face caméra. Le corps, méconnaissable, ne se présente plus alors que comme un amas de chairs dispersées. On peut lire alors cette inscription: "Credo in resurrectionem" tandis que des orgues jouent un air sacré. La caméra se retire et retourne dans la forêt environnante pour assister à un coucher de soleil pluvieux au son des notes romantiques d'un piano.

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Subcimetero: Dans la ville de Guanajuato (Mexique), des freaks mendient et déambulent dans les rues. Puis, progressivement, nous pénétrons dans un cimetière désert baigné de soleil. Là, un trou béant laisse deviner des galeries souterraines et d'anciens tombeaux où sont exhumés des cadavres embaumés vieux de plusieurs décennies, voire plusieurs siècles. La caméra se rapproche et l'on aperçoit que tous ces cadavres, la bouche grande ouverte, ont conservé sur leur visage une expression de terreur...

Erotic fantasy: Dans une grotte éclairée par quelques bougies, un homme se livre à des jeux pervers sur une femme nue, allongée et ligotée. Il énuclée les yeux de la tête d'un porc qui était accrochée au mur, place deux bougies dans les orbites et dépose la tête du cochon sur le corps de la femme afin que la cire brûlante coule sur ses mamelons. Puis il découpe la langue de l'animal et la fait coulisser entre les cuisses de sa "partenaire". Sur ces entre-faits, une meute de loups surgit de nulle part et dévore la tête du porc sans cependant toucher à la femme. Toutefois, celle ci se fera trancher les tétons au rasoir par l'homme qui était resté à proximité. 

A travers ces oeuvres particulièrement choquantes, nous retrouvons le goût prononcé du morbide qui caractérise le cinéma de Marian Dora. Un cinéma abrupt, sans artifice, qui provoque chez le spectateur un curieux mélange de répulsion et de fascination. Peut être parce qu'il le renvoie à l'inévitable réalité de sa propre mort. La mort, sujet tabou s'il en est dans notre société de consommation, épicurienne par essence. Au cinéma, par contre, la mort est omniprésente. On la montre d'autant plus volontiers que l'on sait que les acteurs vont toujours se relever à la fin de la prise. Blue Snuff lui, montre la mort réelle, dérangeante et incontournable. Les cadavres ne sont pas des mannequins en latex mais bien des êtres de chair dans toute leur putride laideur. 

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Le segment de l'autopsie est évidemment le plus insoutenable mais passé le choc visuel, on se prend à être comme hypnotisé par le démembrement en règle de ce corps sans vie, réduit à l'état d'une marionnette de chiffon. Nous devenons les voyeurs de nous mêmes car inévitablement, nous connaîtrons le même sort. Maintenant, reste la grande question: doit-on tout montrer au cinéma ? Pour ma part, je pense qu'en dehors de très rares exceptions, on peut et on DOIT tout montrer.
Surtout la mort qui bien qu'elle nous soit intolérable, n'est après tout qu'une conclusion logique à l'existence et fait partie intégrante de la condition humaine. Alors pourquoi se voiler la face et refuser l'évidence...

Le segment Frülhing, bien que très métaphorique, est tout à fait cohérent de ce point. Entre le lever (naissance) et le coucher (mort) du soleil qui délimitent le métrage, ce cadavre a été un homme qui a vécu sa vie et qui retourne à présent se confondre avec la nature dont il est issu. Comme dans Melancholie der Engel, la musique joue un rôle prépondérant. Tantôt religieuse, tantôt expérimentale, tantôt grandiloquente, elle accompagne des images parfois intolérables et accroît encore plus le malaise en réussissant le tour de force de demeurer envoûtante.
Il règne dans les films de Marian Dora, une atmosphère que l'on ne retrouve nulle part ailleurs. Même si son dernier essai en date, Reise Nach Agatis, est quelque peu décevant par son relatif conformisme, il n'en reste pas moins que le style du réalisateur allemand est tout à fait unique. En mêlant le trash le plus abject à une forme de réalisme poétique, il s'apparenterait presque à un croisement improbable entre Marcel Carné et Ruggero Deodato... Hélas, refusant toute notoriété, ce cinéaste discret restera sans doute toujours condamné à l'anonymat de l'underground. Dommage car son cinéma est vraiment intéressant et par delà une forme souvent extrême, le fond lui, n'est pas dénué d'une certaine réflexion. Blue Snuff en est le parfait exemple. 


Note: ?


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