« Voyages Belges » Acte 3 – Philippe Leroux

Liège, ma belle, où est ton cœur ? Ton épicentre ? Sur la route le ciel roule, largue son crachin, les Ardennes défilent à travers le pare brise, un paysage étiré, noyé puis repêché, prisonnier du ballet incessant des essuie-glaces, dégoulinant et se perdant dans les angles, formant des petites flaques, dessinant des isthmes changeants, nous pensions aller vite et simplement, suivra la Meuse jusqu’à Liège, sans états d’âme, ne pas se laisser distraire, filer droit vers notre objectif, tendus vers notre mission : démonter 4HDF, décrocher rapidement mais avec précaution, être efficace pour nous laisser du temps, du temps à tuer et à parler, du temps à déambuler, du temps pour Liège, du bon temps. Il eut fallu pour cela oublier, ne plus se rappeler de la finalité du voyage ; son retour, c’est à dire un rapatriement après un exil. Il eut fallu pour cela rester dans le flux et se défaire encore des contraintes temporelles et mémorielles, non pas les figer mais les laisser s’épanouir, s’étirer sur trois étages, se vautrer dans ce ciel qui ne cesse d’être bas, courir le long du mur blanc dans le jardin, mûrir avec le figuier. Dans ce qui était un sursis calendaire, un temps circonscrit, nous pensions qu’il était vital de voir Liège pour lui donner réalité, nous pensions que notre déplacement ne pouvait s’objectiver sans voir la ville, pour nous prouver que nous étions là il nous fallait prendre le pouls de Liège, la mesurer, la sentir, pénétrer. Le cœur de Liège ne s’arrête pas là où li bat, il se propage, il se donne dans la main tendue, il est dans la grappa du vieil oncle, il coule dans la Meuse puis dans la bouche de Lino et dans son ventre, il est dans nos yeux brillants ce soir et demain à Marseille, et plus encore..  le 16 mai 2014 / Phil