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Rencontre : Olivier Panchot, réalisateur de «De guerre lasse»

Publié le 20 mai 2014 par Masemainecinema @WilliamCinephil

C’est un Olivier Panchot très heureux de parler de son film De guerre lasse que les quelques spectateurs ayant assisté à la projection du long-métrage aux studios de M6 ont pu rencontrer. Au cours d’un échange très intéressant, le réalisateur est notamment longuement revenu sur la densité des thèmes abordés dans ce « film noir assumé ».

Une chose est sûre : Olivier Panchot connaît son sujet. Les relations franco-algériennes, abordées de plusieurs façons dans le film, d’abord : pendant les trois ans que lui ont pris l’écriture du scénario, le réalisateur travaillait aussi sur un documentaire sur sa famille de pieds-noirs. Mais la ville de Marseille, qui pourrait être considérée comme un personnage à part entière du récit, aussi. Il y a passé du temps enfant, et il y est retourné pendant quelques mois pour préparer le film. Mais, ajoute-t-il « à aucun moment je n’ai ressenti de l’insécurité ». Car, si les règlements de compte qu’il filme peuvent faire écho à ce que l’on entend souvent de la cité phocéenne, il affirme n’avoir pas essayé de coller à l’actualité. « J’ai voulu mettre en avant la complexité et non la violence de Marseille, j’ai voulu la filmer autrement. »

Il raconte ainsi qu’au moment de présenter le film aux journalistes marseillais, lui, le réalisateur parisien, était plein d’appréhension. Finalement, bien qu’ « embarrassés » de l’image de la ville, ils ont eu « le sentiment de quelque chose de juste ». Et de conclure en plaisantant : « Je n’ai pas eu de problèmes avec les Corses [un des gangs dépeint dans le film, ndlr], je suis rassuré ! »

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Tragédie et secrets de famille

Il est vrai qu’en abordant tant de sujets sensibles, le réalisateur aurait pu se mettre certains groupes à dos. Chercherait-il à dénoncer quelque chose ? Non, il voulait d’abord montrer les ravages que peuvent provoquer des secrets dans une famille. Car, il le confirme, c’est l’idée du secret qui lui est venu en premier à l’esprit et qui est à la base du récit. Cependant, il ne voulait pas qu’il soit tout le temps au premier plan. « J’avais besoin d’une narration qui avance, pour en parler en creux. »

C’est ainsi que se sont peu à peu greffés les autres thèmes du film : la guerre en Afghanistan –dont « on parle peu »-, la mafia, les relations franco-algériennes… Olivier Panchot avait comme objectif de montrer comment les secrets de famille créent des difficultés, des comportements qui ne sont plus « en phase ». Ne risque-t-il pas de traumatiser les spectateurs ? demande un membre du public. La réponse est nette : « Je ne pouvais pas épargner le spectateur, c’est une tragédie. Et comme on est dans une tragédie, j’ai poussé le bouchon un peu loin notamment dans les vingt dernières minutes. Mais à la fin du film, les choses sont claires, avec les noms sur la pierre.»

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Quelqu’un demande ensuite si, avec cette densité des thèmes, on pourrait envisager un développement en série télé. La réponse est non : « Ce scénario a toujours été pensé pour le cinéma. Effectivement, il y a beaucoup d’histoires, mais si on en enlève une, tout s’écroule. Le sentiment de complexité, il est dû à l’énorme « backstory ». Mais sans tout ce qu’il y a avant, les vingt dernières minutes n’auraient pas autant de force. »

Les partis pris d’un film noir

Interrogé sur la bande-son et l’ambiance générale, assez particulières, du film, Olivier Panchot s’explique sur les « partis pris » de la mise en scène. « J’ai choisi une image réaliste en terme de restitution de la ville, je voulais qu’on la sente au plus près. » La mise en scène sonore n’a pas non plus été choisie au hasard, il fallait qu’elle raconte le traumatisme de l’Afghanistan. « C’est quelque chose que je ne pouvais pas rendre visible à l’écran. » Il a donc utilisé la bande-son, très différente du naturalisme de l’image, pour exprimer les sensations d’Alex. « La ville est perçue à travers le prisme de l’expression d’un malaise. »

Ces partis pris ont été d’autant plus durs à assumer que le film a été financé avec difficulté. Avec seulement deux millions d’euros, il lui fallait une « équipe au diapason, prête à faire les efforts pour que cela soit possible ». A la fin, « chacun s’y est retrouvé ». Livrant un beau film noir, plus une tragédie familiale aux accents de western qu’un polar. L’influence de James Grey, dont le cinéaste admire la capacité à « transcender le film de genre pour aller vers la tragédie » est clairement revendiquée. Et la suite ? Il compte bien poursuivre avec le film noir. « Je m’y sens bien. J’ai d’autres projets tout aussi noirs, mais avec une touche plus burlesque, décalée… Vous savez, j’adore les frères Coen. J’ai envie de prendre des choses dans le cinéma coréen, aussi. » Affaire à suivre, donc.

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Rencontre avec Olivier Panchot après la projection de « De guerre lasse » à l’auditorium M6 à Neuilly-sur-Seine, le 3 mai 2014.


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