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A la recherche de l'«effet Tsipras

Publié le 21 mai 2014 par Lino83

Médiapart 21 MAI 2014 |  PAR LUDOVIC LAMANT ET AMÉLIE POINSSOT

La gauche radicale, actuellement sixième groupe au parlement de Strasbourg, a un coup à jouer : elle pourrait devenir la quatrième force après les élections du 25 mai. De bons scores sont attendus en Grèce, en Espagne et en France. À la tête de la campagne, le Grec Alexis Tsipras prévient qu'il n'est pas là pour « amuser la galerie ». Est-il le rassembleur des gauches en Europe ?

La star slovène de la pop-philosophie, Slavoj Žižek, publie ces jours-ci en Espagne son dernier essai, Le Sud demande la parole (co-écrit avec un collègue croate, Srećko Horvat), sur l'avenir de l'Europe en crise. Le texte commence à faire des remousà Madrid, notamment parce que Žižek prend ses distances avec la démocratie directe expérimentée par le mouvement « 15-M » des indignés espagnols. Il estime surtout qu'il manque à la gauche… une Margaret Thatcher.

L'auteur de la préface du livre n'est autre qu'Alexis Tsipras, le patron du parti grec Syriza, aujourd'hui candidat en campagne pour la gauche radicale à la présidence de la commission de Bruxelles. L'histoire ne dit pas si Žižek identifie chez son ami grec un potentiel de « dame de fer » pour la gauche. Mais la sortie du livre est un joli coup pour le Grec : elle contribue un peu plus à faire de lui le porte-voix anti-austérité de toute une Europe du Sud en crise.

Alexis Tsipras, qui fêtera ses 40 ans en juillet, a été désigné en décembre derniercandidat à la succession de José Manuel Barroso par le parti de la gauche européenne (PGE), formation à laquelle appartiennent les composantes du Front de gauche. Si l'attention des médias se porte surtout, en France, sur le score de Marine Le Pen, et sa capacité à former un groupe politique au sein du parlement de Strasbourg, c'est peut-être le PGE qui fera, au niveau des 28 États membres, la plus forte progression en nombre de sièges, le 25 mai au soir.

Durant la mandature 2009-2014, la Gauche unitaire européenne (GUE) était le sixième groupe de l'hémicycle, avec 34 députés, loin derrière la droite du PPE (273 élus), les sociaux-démocrates (196) ou encore les Verts (57). D'après les sondages ici ou là (à manier avec d'infinies précautions, parce qu'ils ne sont qu'une addition de 28 sondages nationaux), la GUE pourrait obtenir cette fois entre 45 et 55 élus. Ce qui lui permettrait peut-être de passer devant le groupe des Verts, voire – ce serait un événement majeur dans la bulle bruxelloise, mais qui semble peu probable – devant les libéraux de l'ex-premier ministre belge Guy Verhofstadt.

Trois pays devraient, en particulier, soutenir la dynamique pro-Tsipras. La Grèce, évidemment : Syriza, qui compte un seul eurodéputé aujourd'hui à Strasbourg, pourrait en obtenir sept ou huit cette fois-ci – surtout si l'on prend en compte le résultat du premier tour d'élections locales, qui se sont tenues dimanche en Grèce. En Espagne, les écolo-communistes de Izquierda Unida (un seul élu aujourd'hui) semblent bien partis pour au moins tripler leur score de 2009. Quant au Front de gauche en France (quatre élus), il devrait lui aussi améliorer son score des dernières européennes (6,5 %). De bonnes performances sont aussi attendues aux Pays-Bas, en Irlande et au Portugal, pour renforcer le groupe parlementaire de la GUE.

À première vue, la bonne santé des troupes du PGE, présidé par le communiste français Pierre Laurent, est facile à expliquer : il profite avant tout d'une crise profonde de la social-démocratie en Europe, discréditée par sa gestion de la crise financière, et attire certains des déçus d'une gauche de gouvernement qui n'a pas fait ses preuves. Dans ce contexte, le choix de Tsipras, originaire d'un pays où les socialistes du Pasok se sont effondrés, au profit de Syriza, est un coup de maître.

Alexis Tsipras en meeting en février 2013, à Athènes. © Reuters.
Alexis Tsipras en meeting en février 2013, à Athènes. © Reuters.


Durant la campagne, Alexis Tsipras n'a participé qu'à un seul débat avec ses concurrents à la présidence de la commission, durant lequel il a préféré s'exprimer en grec. C'étaitjeudi dernier à Bruxelles, et il a su tirer profit d'un avantage manifeste aux yeux du grand public : des cinq candidats, il est le seul qui ne soit pas lié à la « bulle bruxelloise ». Martin Schulz (socialistes), Guy Verhofstadt (libéraux), Ska Keller et José Bové (verts), sont tous des eurodéputés sortants. Et Jean-Claude Juncker, pour les conservateurs du PPE, a dirigé pendant huit ans l'Eurogroupe, la réunion des ministres des finances de la zone euro.

Tsipras en a surpris plus d'un, jeudi soir, par son ton très posé, assumant même une certaine bonhommie (une certaine mollesse, diront les mauvaises langues), qui tranche avec l'image d'une gauche radicale qui, d'ordinaire, à Bruxelles, n'a de cesse de hausser le ton et de mettre en scène ses conflits irréductibles avec les institutions européennes. La vedette de la scène politique grecque a-t-elle les moyens de fédérer autour d'elle les gauches critiques en Europe, pourtant très divisées ?

Pour le Grec Gerassimos Moschonas, chercheur en sciences politiques, « Alexis Tsipras incarne pour les militants de gauche en Europe la lutte d'un peuple et l'espoir d'un changement. Il est devenu une figure emblématique de la gauche radicale européenne, et il a joué un rôle de rassembleur – il n'y a qu'à voir la coalition qui s'est formée en Italie, “L'autre Europe avec Tsipras”. Une dynamique de convergence est donc à l'œuvre – même s'il faut relativiser : elle avait commencé avant la montée en force de Syriza, mais la crise financière et la crise de la dette ont accéléré ce processus. »

En outre, met en garde ce chercheur de l'université Panteion à Athènes, « cette dynamique de convergence reste très incomplète ». La figure de Tsipras n'a en effet pas réussi à rassembler toute la gauche de la gauche. Plusieurs partis restent en dehors du PGE, comme le parti communiste grec (KKE), son cousin portugais (PCP), le parti chypriote des travailleurs et du peuple (AKEL), les socialistes irlandais ou encore le parti socialiste néerlandais (SP), ancien parti maoïste, dirigé par Emile Roemer. Soit environ 40 % des eurodéputés membres de l'actuel GUE… Certaines formations au sein de ce groupe parlementaire semblent irréconciliables, tels Syriza et le KKE en Grèce, entre qui le dialogue est inexistant et les antagonismes profonds.

La suite : http://www.mediapart.fr/journal/international/210514/la-recherche-de-l-effet-tsipras?page_article=2


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