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Les banques communautaires à destination des populations d’origine étrangère en France

Publié le 27 mai 2014 par Sia Conseil

Les banques communautaires à destination des populations d’origine étrangère en France A l’heure où les équipes marketing des banques de détail ajustent leur offre et leur démarche commerciale aux segments de clientèle, un des segments n’est que peu adressé:

les populations d’origine étrangère en France. Si dans notre pays, cette segmentation est sensible, en particulier pour les grands groupes bancaires français qui sont soumis aux règles de la Halde interdisant les statistiques ethniques, des banques d’origine étrangère mettent en avant le lien communautaire pour attirer et garder la clientèle.

Que représente réellement ce marché, dans un pays où, selon l’INSEE, 11% de la population[1] est d’origine étrangère, immigrée ou descendante d’immigrés ? Quelles sont les stratégies mises en avant par les banques s’adressant à des communautés spécifiques ?

Panorama des acteurs

Qu’est-ce qu’une banque communautaire s’adressant à des populations d’origine étrangère ?

Plusieurs sens peuvent être donnés pour définir une banque communautaire. Il peut s’agir d’une banque solidaire, où plusieurs individus se cotisent pour organiser leurs finances et investissements de manière commune comme dans les pays en voie de développement; il peut s’agir aussi d’une banque participative, où les utilisateurs font part de leurs idées innovantes et sont rémunérés en contrepartie comme l FidorBank ; il peut s’agir enfin d’une banque qui a vocation à servir une ou plusieurs communautés spécifiques. La dernière nuance est celle développée ici.

Si chaque français peut être client de banques communautaires, il n’en demeure pas moins que la vocation première de celles-ci est d’être le représentant en France d’une maison-mère étrangère, et de servir les intérêts des diasporas ayant un lien avec le pays d’origine.

Les banques communautaires proposent des services de fonctionnement de compte basiques, permettant dépôts, retraits, chèques et crédits qui peuvent parfois être étoffés selon les établissements par des produits plus sophistiqués comme des assurances ou des supports boursiers. L’affinité communautaire reste l’élément différenciant principal, qui est cultivée grâce à une proximité et une disponibilité des employés, souvent dans la langue maternelle.

Quels sont les grands acteurs  des banques communautaires en France ?

137 établissements sont listés comme banques en France[2] dont 22 proviennent de pays hors UE. La présence d’agences de banques communautaires est liée à la taille des populations d’origine étrangères et à la densité géographique de ces dernières. Néanmoins, toutes les grandes communautés ne sont pas desservies par les banques issues de leurs pays d’origine, l’exemple le plus frappant étant la communauté algérienne. En effet, la présence d’établissements étrangers est aussi liée à leur taille dans leur pays d’origine. On retrouve ainsi :

  • Les réseaux espagnols : CaĂŻxa (28 agences),
  • Les réseaux italiens : Monte Paschi (17 agences),
  • Les réseaux portugais : BCP (60 agences),
  • Les réseaux marocains : Attijariwafa bank (28 agences), Chaabi bank (28 agences),
  • Les réseaux africains : CBIP (6 agences) qui fusionne avec la banque marocaine Attijariwafa bank

On l’aura compris au regard de cette liste, les flux historiques d’immigration ont influé sur la présence de ces banques.

Les raisons de présence des banques communautaires

Des relais auprès des communautés

La raison principale de la présence de banques communautaires est de servir de relai depuis la France à la maison-mère. En effet, les populations d’origine étrangère ont un fort lien avec le pays dont elles sont issues, dans lequel elles séjournent fréquemment, et ont donc très souvent conservé leur compte d’origine. Il est donc cohérent pour les banques de proposer une continuité de service, et de garder dans leur portefeuille local une clientèle à plus fort pouvoir d’achat.

La différenciation entre banques se fait donc plus sur la communauté d’origine, une personne d’origine espagnole traitera majoritairement avec une banque espagnole et non une banque magrébine par exemple. Entre banques communautaires d’origine du même pays, le choix se portera en premier lieu sur la banque auparavant utilisée localement, le choix des services bancaires étant annexe dans la majorité des cas : les banques communautaires ont ainsi un lien avec les expatriés et peuvent utiliser leur vivier de clients identifiés comme résidant en France. Les conseillers clientèle sont généralement issus de la communauté d’origine et parlent couramment la langue de la clientèle servie, très attachée au lien affectif avec leur pays d’origine.

Appuyer le développement des entreprises étrangères

Enfin, les banques communautaires ont aussi un levier corporate et patrimonial, dans le sens où elles s’implantent en capitalisant sur les opérations de financement international, de change et de solution de banque privée pour les entrepreneurs. L’accompagnement des entreprises dans le commerce international est souvent une clef pour se financer en devise locale et avoir les bons interlocuteurs qui connaissent les démarches administratives locales. Ainsi, les banques chinoises, qui sont parmi les dernières venues avec notamment ICB et Bank of China, ont une approche prudente, en privilégiant les opérations de négoce.  Cette stratégie n’a pour le moment pas été concrétisée, mais les banques chinoises pourraient bien être novatrices et étendre leurs opérations à destination des 600 000 chinois vivant en France, profitant notamment des informations clients sur les comptes détenus en devise RMB par les particuliers en Chine.

Attaquer le marché des transferts d’argent

L’activité principale des banques communautaires, après les tenues de compte, est de proposer des solutions de transfert d’argent. Une grande partie des membres des communautés d’origine étrangère transfère en effet des sommes d’argents. Les motivations principales des clients sont l’épargne, qui pourra notamment être utilisée lors de congés, et le soutien à la famille (achat de biens dans le pays d’origine). Le marché de transfert d’argent représentait 19 milliards â‚Ź en 2010[3] , dont plus de 30% avec les pays principalement représentés par des banques communautaires (Maroc, Espagne, Portugal).

Le transfert d’argent revêt aussi une dimension politique : assurée par les banques, elle permet de mieux tracer les flux, évitant ainsi le blanchiment international ; elle permet aussi pour les pays hors de la zone Euro d’assurer des entrées en devises fortes : ainsi, les transferts contribuent-ils à plus de 10% du  PIB du Sénégal ![4]

L’innovation est le principal facteur de différenciation sur le marché du transfert d’argent. Si les institutions financières Western Union ou MoneyGram restent encore majoritairement utilisées – car elles permettent une mise à disposition immédiate du montant en espèces par un tiers dans toutes les agences du globe- les transferts d’argent via les banques se font désormais sur de nombreux supports, qui peuvent utiliser les applications de paiement mobile, et à un coĂťt bien moindre. Ainsi, la banque marocaine Attijariwafabank propose-t-elle un partenariat avec La Banque Postale, permettant à tout client de l’enseigne française de transférer vers un compte marocain (de la maison mère) via bureau de Poste ou Internet, à un prix presque 5* inférieur à celui des institutions traditionnelles de transfert[5], la somme étant versée sur un compte dans un délai d’une semaine. Face à des acteurs de transfert internationaux, les banques communautaires axent le développement de leur offre sur des canaux bilatéraux, la France étant le premier pays émetteur de transferts vers des pays tels la Tunisie (50% de l’origine des fonds), le Sénégal (27%) ou le Maroc (29%)[6].

En conclusion, le marché des banques communautaires est en phase de structuration, et présente de fortes potentialités de développement, tant en volume (couverture de l’ensemble de la population d’origine étrangère) que sur la couverture de toute la gamme de produits bancaires. Une bonne connaissance des comportements bancaires des migrants, et notamment en matière de transferts, est nécessaire.

Malgré les réticences liées au communautarisme, les banques françaises pourraient avoir de plus en plus intérêt à servir directement ou via des partenariats les populations d’origine étrangère. En rachetant en 2009 Banco Popular qui proposait un accès bancaire simple, Crédit Mutuel via sa filiale CIC Iberbanco propose désormais dans ses 22 agences une gamme complète de services bancaires à la population hispanophone et portugaise.

Sia Partners


[1] : Source : Insee, Immigrés et descendants d’immigrés en France, édition 2012, page 96

[2] : Source : ACP, Les Chiffres du marché français de la banque et de l’assurance, 2011, page 9

[3] : Source : Banque Mondiale

[4] : Source : Banque Mondiale, estimate based on IMF balance of payment statistics, Yearbook 2008

[5] : Source : https://www.westernunion.fr/WUCOMWEB/priceItResultsHome.do 24.90â‚Ź de frais pour un transfert de 2000â‚Ź vers le Maroc ; https://www.labanquepostale.fr/particuliers/au_quotidien/transferts_argent/Transferts_d_argent_internationaux/TransMed.infos.html 4â‚Ź de frais pour un transfert de 2000â‚Ź vers le Maroc https://www.moneygram.com/wps/portal/moneygramonline/home/estimator?LC=fr-FR 45â‚Ź de frais pour un transfert de 2000â‚Ź vers le Maroc

[6] : Source : Banque Mondiale


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