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Interview : Mac DeMarco

Publié le 29 mai 2014 par Sywebzine @Saturdays_Youth

Interview : Mac DeMarcoAvec la sortie de son second opus Salad Days, Mac DeMarco a repris la route pour une tournée qui l’a mené jusque dans le Grand Ouest, à Nantes, où nous avons eu la chance de pouvoir lui poser quelques questions avant un concert plus que convaincant et à l’image du song-writer jizz-jazz, entre rires et ballades pop lo-fi entraînantes.

Salut Mac, tout d’abord, comment a commencé le projet Mac DeMarco ? Pourquoi tu n’as pas tout simplement continué ton projet Makeout Videotape à la place ?

En fait, je pense que ces deux projets étaient à peu près identiques, mais il fallait vraiment que je me débarrasse de ce nom de groupe, il était trop bizarre. Lorsque ma grand-mère me demandait « Oh ? Tu joues dans un groupe de rock ? Comment s’appelle ton groupe ? », je ne voulais et ne pouvais pas lui dire, c’était trop barré, donc je me suis dit qu’après tout, vu que j’étais le seul qui enregistrait, je pouvais le changer. Du coup, c’est à peu près la même chose, mais à la place de prétendre d’être un groupe, j’ai enfin adopté un nom d’artiste solo, ce qui est un peu ridicule quand tu y penses d’ailleurs.

Est-ce que tu penses que ton projet aurait pu être aussi populaire sans la désignation de « Best New Music » de Pitchfork ?

Je ne sais pas, c’est compliqué et assez étrange de penser à ce genre de choses. Évidemment, ça aide beaucoup, parce qu’ils m’ont donné deux notes en plus. La première, dès que je l’ai eue, tout a changé d’un coup. Je me disais « Oh putain ! C’est vraiment fou ! ». Et concernant la deuxième, je n’en ai pas autant ressenti l’effet, parce que c’est comme si la première avait déjà fait tout le boulot, tout était déjà devenu fou dans ma vie, donc ça n’a pas autant retenu mon attention comme la première fois.

J’ai tout simplement grandi entre ces deux albums.

Concernant ton premier album, j’ai remarqué que les paroles semblaient quelque peu insouciantes comparées aux paroles de ton deuxième opus Salad Days, dont les paroles sont plus profondes à mon avis. Comment expliques-tu ce changement soudain ?

Je pense que j’ai tout simplement grandi entre ces deux albums. Tu sais, quand j’ai écris 2, je n’avais rien de spécial à ce moment de ma vie, rien de vraiment sérieux ne m’arrivait, je traînais juste. Alors que ces deux dernières années, on a beaucoup tourné avec le groupe, les choses sont devenues un peu plus compliquées dans ma vie et dans mes relations avec les gens, les choses ont changé très rapidement. Et à vrai dire, je pense que le fait d’avoir été en tournée si longtemps ne m’a pas permis de vraiment penser à toutes ces choses qui m’arrivaient, ne m’a pas vraiment donner une chance de me poser et de me dire « Oh, tout ce qui t’arrive est énorme mec. ». Du coup, quand j’ai enfin pu me poser un peu, l’écriture a fusé, j’avais pleins de sujets qui m’inspiraient, pleins de choses nouvelles auxquelles réfléchir.

Parce que tu considères que c’est dur de garder de bonnes relations quand tu tournes beaucoup ?

Ouais, c’est difficile. Je veux dire, la vie de tournée c’est juste dingue, à l’opposé de la vie de tous les jours.

Par exemple, ta copine, elle part en tournée avec toi parfois ?

Parfois elle vient oui, mais ça devient de plus en plus compliqué, car ça coûte trop d’argent et car elle a aussi des trucs à faire de son côté, donc ça devient vraiment compliqué, mais je fais de mon mieux avec elle.

Concernant l’enregistrement de ta musique, est-ce que tu utilises les mêmes techniques depuis ton premier album, ou est-ce que tu as changé quelques trucs pour Salad Days ?

La plupart du matos que j’utilisais est resté le même. Il y a quelques nouveaux instruments qui diffèrent, comme un nouveau compresseur, un nouveau pré-ampli et mixer, ou encore quelques effets différents pour répondre à mes besoins et des micros légèrement différents, mais sinon j’utilise toujours la même guitare depuis mes débuts. Donc au final, oui, les techniques sont restées les mêmes.

Tu es considéré comme un compositeur assez productif. Tu as déjà commencé à travailler sur des morceaux ?

J’ai commencé à enregistrer quelques trucs, mais pas comme à mon habitude. En temps normal, quand je me pose pour enregistrer un album, c’est une chose à part entière sur laquelle je travaille, alors que maintenant je suis plutôt dans cette période de latence, sans pression pour composer, car mon album est seulement sorti le mois dernier, donc je peux juste enregistrer de la musique pour le plaisir et écrire quelques chansons comme ça. Du coup, peut-être que quelques compositions vont aboutir à quelque chose de concret et s’incruster dans un ensemble, mais je n’en sais encore vraiment rien. En tout cas, oui, j’essaie d’enregistrer un peu plus maintenant, c’est vrai.

D’ailleurs, tu composes en tournée ou uniquement dans le Jizz Jazz Studio ?

J’essaie d’écrire de plus en plus en tournée. Enfin, j’essaie comme je dis, car ce n’est pas dans mes habitudes, mais j’essaie de plus en plus vu que je suis moins souvent au Jizz Jazz Studio.

Et à propos du Jizz Jazz Studio, est-ce que c’est simplement ton studio ou tu y enregistres d’autres artistes ?

J’y ai enregistré quelques-un de mes amis, mais rien de vraiment sérieux. Je veux dire, si quelqu’un veut enregistrer des chansons et qu’il n’a pas de matos, pas de problème pour moi, mais je ne suis pas vraiment bon pour enregistrer d’autres personnes. Je peux enregistrer de la guitare, de la basse, des vocaux et d’autres trucs, mais après je ne m’y connais pas assez. Par exemple si quelqu’un vient me voir et me dit qu’il veut faire quelque chose de vraiment sérieux, je ne pense pas que je pourrais lui dire oui.

Du coup, tu ne penses pas en faire un studio d’enregistrement pour d’autres artistes à long terme ?

Pour l’instant, je dois avouer que c’est ma chambre avant tout (rire). Pourtant, tu vois, j’aimerais bien apprendre plus de choses concernant l’enregistrement. Ce serait cool un jour si je pouvais trouver quelqu’un pour m’aider à ça. Après, ce serait compliqué, car tu vois, j’ai vraiment besoin d’être investi dans ce que je fais, alors si c’est de la musique dont je me fous totalement, je ne vais pas être capable de faire du bon travail. En fait, si je pouvais trouver des gens avec qui enregistrer, avec lesquels je me sens vraiment connecté et dont je ressens la musique, ça, ça pourrait être cool.

Et si tu n’avais pas pu vivre de ta musique, tu as une idée de ce que tu aurais pu faire ? J’ai lu qu’auparavant tu avais même participé à des études médicales pour gagner de l’argent et que tu avais travaillé dans le revêtement de route.

Franchement, je ne sais pas vraiment ce que j’aurais pu faire. Aujourd’hui, je pense que je voudrais sûrement avoir un boulot cool et sophistiqué, mais au fond, l’idée ça a toujours été de bosser pour payer le loyer, puis de me concentrer sur la musique. Du coup, je ne sais pas, peut-être que je retournerais à l’école, même si j’ai toujours eu dans la tête « Fais les boulots de merde, et ensuite fais de la musique » parce que c’était ce que j’aimais faire par dessus-tout au final.

Cet été, tu vas jouer au festival La Route Du Rock à Saint-Malo, donc pas très loin d’ici, tu en as déjà entendu parler auparavant ?

Oui !

Peut-être avec tes potes de label de DIIV ?

Ah non, ils ne m’en ont pas parlé eux par contre (rire).

A vrai dire, ils n’ont pas vraiment joué à ce festival, ils y étaient programmés l’année dernière, mais ils ont annulé.

Les enculés (rire) ! Ils annulent beaucoup de shows ceux-là. En fait, mon agence de booking est de Bretagne tu sais ? Enfin une de mes agences de booking vient de là, donc ils m’ont dit « C’est énorme, tu vas voir, tout le monde sera là, toute la famille, tous nos amis ! » Donc je pense que ça devrait être marrant oui.

Oui, c’est vraiment un bon festival. Ce n’est pas loin de la plage, c’est l’été, et il y a plein d’artistes sympas. L’année dernière, on avait Jacco Gardner, Jackson Scott, Local Natives, etc.

Oh j’adore Jackson Scott, c’est mon petit gars celui-là, je l’adore, il est barré, et souvent trop bourré aussi, mais il est cool.

Sinon, avec le groupe, vous avez des rituels pré-concert ?

Pas vraiment. Les gars aiment être vraiment bourrés, mais personnellement, je ne bois plus avant les concerts.

Donc j’en déduis qu’avant tu le faisais aussi ?

Oh oui. Maintenant, j’aime juste traîner avant un concert, rencontrer les gens qui vont aller au concert, juste sentir l’ambiance. Je n’aime pas vraiment rester caché dans les loges et jouer le steward pour moi-même.

Tu es souvent considéré comme un slacker ou un mec déjanté. Est-ce que c’est une image qui est venue naturellement ou est-ce que c’était quelque chose que tu voulais montrer aux gens ?

Je peux être fou parfois, ça c’est vrai. C’est aussi vrai que la dénomination de slacker nous fait rire, car on nous le dit souvent (rire), alors que dans le fond, c’est juste qu’on tourne beaucoup et qu’on s’amuse. On est un groupe normal après tout.

Oui, il y a même des gens qui vous catégorisent en tant que groupe de slacker rock, non ? Et Jackson Scott aussi d’ailleurs ?

Oui, c’est vraiment quelque chose de stupide. Après, je pense que c’est juste un moyen de nous classifier, c’est pour ça que quand on me demande mon style, je réponds « Jizz Jazz » vois-tu, parce que les gens demandent « Comment appelles-tu ta musique ? Comment la décrirais-tu ? » Et je leur réponds juste « Jizz Jazz », car la merde qu’ils disent autrement est juste ridicule.

 Je pouvais voir ce qu’ils aimaient vraiment dans ce nouvel opus.

Oui, c’est un peu la mode en ce moment de tout classifier en musique.

Exactement. En fait, pour en revenir au terme slacker, je pense que la perception que les gens ont de moi sur Internet est en partie vraie, mais que la plupart du temps, ça prend des proportions démesurées. Tu vois, certaines personnes vont dire des choses à mon sujet, dont je vais ensuite perdre un peu le contrôle. Mais au fond, les gens peuvent dire ce qu’ils veulent à propos de moi, je m’en fiche. En fait, c’est un peu comme pour ma musique. Ma personnalité et ma musique sont deux choses que je donne aux gens, et une fois que ce n’est plus entre mes mains, c’est eux qui en font ce qu’ils veulent, même des vidéos parfois et je ne sais quoi encore. Après tout, ça ne me dérange pas tant que ça n’offense personne. Je veux dire, si quelqu’un dit quelque chose de faux à propos de moi qui pourrait offenser certaines personnes, je ne suis pas d’accord, mais sinon, je m’en fous si on me traite de taré ou d’imbécile.

Sujet totalement différent, mais comment te positionnes-tu vis-à-vis du téléchargement illégal en tant qu’artiste et en tant que consommateur?

Je ne sais pas trop, je pense que je m’en fous si les gens téléchargent ma musique, parce qu’au final, ce que je fais est destiné à être écouté par ceux qui le veulent. Évidemment, ce n’est pas facile pour un groupe qui ne se fait pas beaucoup d’argent si tout le monde télécharge ce qu’il fait, mais en même temps, je trouve ça plutôt cool que certaines personnes soient assez intéressés par ma musique au point de la télécharger. Pour ma part, quand j’aime un groupe, je veux leur CD, parce que c’est un bel objet et que tu as souvent un meilleur son. Mais en tant qu’artiste, étant donné que Salad Days a leaké environ un mois avant sa sortie, je le ressens avec pas mal d’indifférence. A vrai dire, mon label paniquait, ils me disaient tous « Oh non, c’est terrible ! », et même en me forçant, je n’arrivais pas à avoir l’air dérangé par ça. Parce qu’après tout, si des gens voulaient entendre l’album à ce point, avant même qu’ils ne le puissent, c’est plutôt cool ! Je veux dire, c’est énorme que des gens s’en soucient autant ! Et ce qui était aussi très intéressant pour moi, c’était que quand ces personnes ont mis leur main sur Salad Days, je pouvais voir ce qu’ils postaient sur le net, et ce qu’ils aimaient vraiment dans ce nouvel opus, les chansons qu’ils aimaient, ce qu’ils lui trouvaient de cool et pourquoi. Et c’est intéressant au final, parce que tu vois, ces Pitchfork et autres sites par exemple, disent aux gens ce qu’ils doivent penser des nouvelles sorties, alors que là, j’avais un point de vue frais et tout nouveau sur ce que je faisais. Et pour moi, pouvoir lire tout ça m’a réellement donné une meilleure idée de pourquoi les gens écoutent ma musique.

Et quelle est l’histoire autour de ta, maintenant célèbre, guitare à 30$ ? Et est-ce que c’est toujours ta principale guitare ou tu penses en changer un jour ?

Oui, ça l’est toujours. Je l’ai eue quand j’étais plus jeune, après avoir eu une très bonne guitare d’ailleurs, une superbe Fender que m’avait achetée ma mère, mais tous les groupes cools avaient des guitares de merde, donc je me suis dit « Je dois me trouver une guitare pourrie. » Et cette guitare a été une putain de merde pendant des années, je t’assure, mais je l’ai tellement jouée que maintenant, je la ressens différemment. J’aime vraiment la façon dont je la sens et je préférerais ne jouer sur aucune autre que celle-ci maintenant, donc oui, je pense que je vais essayer de la garder autant que possible. Et en plus, je n’aime pas vraiment les guitares trop chères, tu n’as pas l’impression de jouer sur quelque chose de personnel, tout y est trop beau.

Une question bête, mais apparemment, tu es doué pour les blagues stupides, tu pourrais m’en dire une ?

Haha, celle-ci est ma blague préférée que mon bassiste Pierce a trouvé, c’est « Qu’est-ce que dit un singe à sa bite ? »

Je ne sais pas ?

« Oh j’ai vraiment une bite de singe » (rire)

En effet, c’est débile, mais ça marche.

(rire) Oui, bonne blague hein ?

J’ai découvert les clopes Viceroy via Ode To Viceroy, tu en as sur toi là ?

Oh non, je n’en ai pas. MaisTu veux que je te dise ? Elles sont vraiment dégueulasses, n’en fume jamais (rire). Et encore, je pensais qu’elles étaient déjà mauvaises au Canada, mais ils en vendent aussi en Chine, en Russie, etc. En Chine elles ont un goût tellement bizarre ! Les Marlboro là-bas, elles ont un goût de poussière et ça t’assèche la gorge ! »

Une dernière question, cette fois à propos de ta collaboration avec Tyler The Creator, je n’ai pas vraiment trouvé beaucoup d’informations à ce propos, donc ça va parler de quoi ?

En fait, Tyler a à peu près les mêmes agents de presse que moi et je crois que c’est un fan de ma musique car il m’a tweeté plusieurs fois. C’était quelque peu déroutant pour moi au début, car il est assez connu, et puis après, il a voulu me rencontrer quand j’étais à Los Angeles et on est allé dans les studios où l’on a enregistré cette chanson très bizarre, au milieu d’une vidéo qui passera dans son show télévisé aux États-Unis (ndlr LoiterSquad). Je pense que ça sortira pour la nouvelle saison de son show.

Tu peux nous en dire plus vu qu’aucune info ne semble avoir filtré pour le moment ?

Hum, je peux juste te dire qu’il y aura moi, une très vieille femme, et du sexe (rire). C’est un peu bizarre en fait.

Mac DeMarco

Remerciements au Stéréolux.

Photo par Julien Mousset ©


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