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Penny dreadful (2014) : sanglant à profusion

Publié le 30 mai 2014 par Jfcd @enseriestv

Penny Dreadful est une nouvelle série diffusée sur les ondes de Showtime au Canada et aux États-Unis depuis la mi-mai. On nous transporte dans les soubassements de Londres en 1891 alors que Vanessa Ives (Eva Green) et son complice sir Malcolm Murray (Timothy Dalton) font appel au franc-tireur américain Ethan Chandler (Josh Hartnett) pour une mission tout sauf ordinaire : les aider à retrouver la fille de Murray, Mina (Olivia Llewellyn), qui a été enlevée par ce qui semble être des vampires ou êtres surnaturels. Au cours de leur enquête, ils croisent sur leur chemin plusieurs personnages issus de la littérature, tels le docteur Victor Frankenstein (Harry Treadaway) et Dorian Gray (Reeve Carney). Création de John Logan (The Aviator (2004), Skyfall (2012)), Penny dreadful est une version beaucoup plus noire de Once upon a time, qui nous plonge dans un monde sanglant et horrifique à l’esthétisme et atmosphère irréprochables, mais cœurs sensibles s’abstenir. Si la littérature de l’époque trouve toujours écho auprès des téléspectateurs plus d’un siècle plus tard, on peut cependant être désappointé par un manque de structure linéaire dans le scénario qui fait qu’après la diffusion de trois épisodes, il reste encore trop de zones d’ombre pour qu’on puisse réellement savoir où l’on s’en va.

Penny dreadful (2014) : sanglant à profusion

Quand l’ère victorienne tourne au cauchemar

La fin de l’ère victorienne jusqu’à la fin du règne d’Édouard VII fascine les créateurs de séries télévisées. Plusieurs dramatiques comme Downton Abbey, Paradise, Mr Selfridge et Parade’s end nous dépeignent une Angleterre à son apogée, mais qui vit ses dernières heures de bonheur avant que ne soit déclenché la Première Guerre mondiale. C’est l’insouciance qui y est dépeinte, mais du côté d’une classe aisée tirée à quatre épingles et férue de protocole. Il est donc logique qu’on exploite aussi de temps en temps le revers de la médaille, notamment avec The Mill qui s’attarde aux difficiles conditions ouvrières ou la série peu réussie de NBC Dracula qui met en scène un antihéros imprégné de romantisme. Penny Dreadful s’apparente davantage à cette dernière, mais tire mieux son épingle du jeu puisqu’elle s’est donnée pour objectif de transposer à l’écran un univers littéraire sombre, au contraire de l’image de puissance que projette l’Angleterre dans le monde.

Ainsi, Vanessa et Sir Murray entraînent Ethan (un substitut du téléspectateur) dans ce monde pour le moins terrifiant. C’est qu’ils sont tous deux à la recherche de personnages susceptibles d’en savoir davantage sur ce qui est arrivé à Mina (qui porte le même nom que la victime de Dracula dans le roman de Bram Stocker).  Ils visitent par exemple la cave d’une fumerie d’opium où s’entassent des cadavres de vampire et participent à une séance de spiritisme. De plus, le groupe a souvent recours aux services du Dr Frankenstein qui est parvenu à créer la vie. Sa dernière création s’appelle Proteus (Alex Price) et il éduque cet être sans défense comme si c’était son fils. Malheureusement, il est tué par Caliban (Rory Kinnear), la première créature de Frankenstein. Celui-ci, d’aspect horrifique a été rejeté par son maître dès ses premiers balbutiements et il est de retour pour se venger. L’autre personnage à avoir fait une brève incursion de ce monde cauchemardesque est Dorian Gray. On se sait pas grand-chose de lui sinon qu’il aime les prostituées dont une, Brona Croft (Billie Piper), qui fait aussi les yeux doux à Ethan.

Penny dreadful (2014) : sanglant à profusion

Intrigues saccadées

Penny Dreadful est loin de tomber dans la caricature et s’avère très prometteuse, mais après trois épisodes, on est toujours aussi perplexe. C’est qu’on est encore au stade d’introduire les personnages, ce qui est somme toute assez long pour une première saison de huit épisodes. Et ce qui est plus agaçant, est que l’on n’apprend rien de nouveau sur les intrigues et qu’au contraire, on vient brouiller les cartes davantage. Par exemple, au deuxième épisode Vanessa accepte de se prêter à une séance de spiritisme après avoir flirté avec Dorian qu’elle rencontre pour la première fois. Lors de l’exercice, une entité démoniaque s’empare de son corps. On ne sait trop s’il s’agit de Mina qui parle au travers d’elle où d’une autre force obscure. Toujours est-il que le monologue (récité avec brio par Eva Green) est beaucoup trop long et confus pour qu’on puisse en retenir l’essence, si bien qu’il faudrait le réécouter plusieurs fois. Puis, l’épisode 3 nous laisse sur notre faim puisque durant plus de la moitié, on revient sur le passé de Caliban et de Frankenstein pour ne laisser qu’une quinzaine de minutes à l’intrigue du trio Ives-Murray-Chandler alors que Dorian Gray est tout simplement absent.  Bref, un problème de structure qui n’engage pas assez le téléspectateur et aux intrigues diffuses.

Penny dreadful (2014) : sanglant à profusion

Du potentiel

Malgré un manque de cohérence certain, Penny Dreadful reste accrocheur, ce qu’identifie avec justesse Scott von Doviak dans sa critique : « Compared to the baroque stylization of Hannibal or the lurid, often campy excess of American Horror Story, there’s a classical element to the show’s pacing and atmosphere ». En somme, très peu de soleil et beaucoup de sang. Presque toutes les scènes se déroulent la nuit et bien entendu, le rouge et le noir dominent. Les effets spéciaux donnent la chair de poule et le maquillage est on ne peut plus réaliste. Cette mise en scène va de pair avec les personnages littéraires mythiques qui ont plus ou moins coexisté à la fin du XIXe siècle en Angleterre. Des morts-vivants comme Dracula ont plus que jamais la cote avec des séries comme Walking dead et l’évocation de Jack l’Éventreur n’est pas sans rappeler ce récent engouement pour les tueurs en séries (Hannibal, True Detective, Bates Motel, The Following, etc.). Cet alliage de vice et de jeunesse éternelle de Dorian Gray trouve écho dans tous les pans de société alors que les recherches de Frankenstein, dont l’obsession est de créer une autre forme de vie, mais au service de l’homme, trouve écho dans notre paysage télévisuel avec l’excellente Being  Humans et la moins bonne Almost Humans. Donc, le potentiel est là, il suffit de bien l’exploiter.

Comme ça se fait de plus en plus, le pilote de Penny Dreadful a été mis en ligne sur la plateforme VOD de Showtime deux semaines avant le lancement officiel de la saison, ce qui a attiré 900 000 curieux. Si on ajoute le nombre de téléspectateurs lors du soir de première, la série a attiré plus d’audience que les débuts de Homeland et Masters of sex. Si on est d’abord déçu par certainestournures scénaristiques, on n’est pas prêt à abandonner cette série, ne serait-ce que pour l’excellent jeu des acteurs, la qualité de la mise en scène et les zones d’ombres qui ne demandent qu’à être éclaircies.


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